Peut-on faire du chocolat sans cacao ?

Chocolat sans cacao

La question peut sembler saugrenue. Pourtant, elle n’est pas anodine : peut-on réellement faire du chocolat sans cacao ? Entre chocolat de laboratoire et produits naturels de substitution, le chocolat semble être menacé de toutes parts. Qu’en est-il réellement et connaissez-vous les alternatives ? Découvrez les dernières tendances dans le domaine.

Cupaçu et les autres cousins du cacao

Si le cacao est roi, il n’est pas le seul de la famille des arbres fruitiers theobroma. Ses cousins donnent également des fruits intéressants. Le theobroma grandiflorum produit le cupuaçu et le theobroma bicolor le mocambo. De façon similaire au cacao, un artisan peut transformer ces fruits en tablettes. Curieux ? Je parle du goût de ces produits au cupuaçu et au mocambo dans cet article.

Malgré tout, il faut rappeler que, légalement, pour être appelé chocolat, une tablette doit contenir du cacao. Ces créations n’en sont donc pas techniquement parlant. Au-delà de ces considérations réglementaires, ces produits sont une option intéressante pour découvrir un « chocolat » sans cacao. Bien que peu répandus, ils tendent à gagner en visibilité auprès des adeptes de nouvelles tendances.

Le café pour du chocolat sans cacao ?

Le chocafé est un autre prétendant au titre de tablette sans cacao. Avec cette approche, l’idée consiste à remplacer la pâte obtenue à partir des fèves de cacao par de la pâte de grains de café. Ainsi, en Suisse, Coffola propose une tablette de ce genre. Le tendance existe également dans les pays producteurs de cacao et de café, comme par exemple en Équateur. Là-bas, on peut citer le producteur bean-to-bar Mashpi qui réalise une création de ce type.

Tablette de café de Mashpi - coffee chocolate bar - un concurrent du coffola
Tablette de café de Mashpi – coffee chocolate bar – un concurrent du coffola pour du chocolat sans cacao… ou presque. Crédit : Mashpi Chocolate.

Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, le résultat contient du cacao. En effet, c’est le beurre de cacao qui sert de liant pour assurer la texture de la pâte de café. D’ailleurs, le rôle de cet ingrédient n’est pas à négliger au niveau gustatif. Dans le cas de Mashpi, l’utilisation du beurre de cacao non désodorisé et provenant de leur propre plantation ajoute une grande richesse sensorielle. Attention, les personnes sensibles préféreront éviter ces produits dopés à la caféine.

Cacao de laboratoire

Mais alors, n’existe-t-il pas de chocolat sans cacao? Commercialement non, mais la donne pourrait changer. En effet, l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) a produit une tablette de chocolat dont le cacao n’a pas vu de cacaoyer. Les chercheurs utilisent des fèves de cacao — la nature reste irremplaçable — pour en multiplier les cellules dans une cuve et ainsi obtenir la matière première pour leur chocolat. Un procédé décrit dans cet article de Swissinfo.

Finalement, si ce test de faisabilité n’a pas vocation a remplacer la culture traditionnelle du cacao, il a le mérite de tenter de répondre à un enjeu essentiel du chocolat industriel, celui de l’impact environnemental de la cacaoculture. Autre point intéressant, il révèle le prix d’une tablette réellement produite en Suisse de A à Z : entre 15 et 20 francs… Certes, l’industrialisation du processus permettrait de faire baisser ce prix, mais on reste loin des références actuelles les moins chères.

Et vous, avez-vous déjà goûté ces alternatives ? Qu’en avez-vous pensé ?

La note du sommelier
Personnellement, si je n'ai pas goûté le chocolat de laboratoire, j'ai eu l'occasion de tester les autres alternatives. Les cousins du cacao m'ont le plus convaincu en terme de richesse gustative. Leur texture et leurs notes gourmandes m'ont clairement donné envie d'en reprendre. Similairement, j'ai trouvé le chocafé de Mashpi vraiment intéressant, mais ai certainement moins envie d'en consommer spontanément. A mon avis, le chocolat classique reste encore un must.

Theobroma bicolor et grandiflorum: peut-on en faire du chocolat ?

Theobroma bicolor

Saviez-vous que le cacao a des cousins ? Theobroma biocolor et grandiflorum sont les plus connus. Si ces fruits tropicaux partagent une parentée commune avec le cacao, est-il alors possible d’en faire du chocolat et quel serait son goût ? Légalement ces produits ne peuvent pas être appelés chocolat, car ce dernier doit être composé de cacao, donc de theobroma cacao. Gustativement, c’est une autre histoire… A travers trois tablettes de producteurs différents, je vous propose de découvrir ces « chocolats » de Theobroma biocolor et grandiflorum. Une occasion rare pour découvrir des univers gustatifs complètement atypiques.

Tablette de chocolat aux inclusions de cupuaçu de Mission chocolate, Lion de Barbon (chocolat de Theobroma Bicolor) et Cupulate de la Brigaderie Paris (chocolat de Theobroma Grandiflorum)
De gauche à droite : tablette de chocolat classique aux inclusions de cupuaçu de Mission chocolate, Lion de Barbon (chocolat de Theobroma Bicolor) et Cupulate de la Brigaderie Paris (chocolat de Theobroma Grandiflorum).

Theobroma bicolor, le chocolat qui n’en était pas un

Aussi appelé mocambo, arbre jaguar, balamte ou pataxte, le theobroma bicolor est un fruit à l’apparence plus rustique que celle du cacao. Partie prenante des cultures précolombiennes, il était consommé et utilisé dans la cuisine. Les Européens semblent l’avoir moins apprécié et ne l’ont pas exporté massivement comme le cacao.

Aujourd’hui, certains artisans bean-to bar l’apprivoisent pour le transformer en tablette, à l’instar du cacao. C’est le cas de Barbon, à Montréal au Canada, avec son Lion 85% du Mexique. Une création à partir de theobroma bicolor, de sucre et de beurre de cacao comme un « chocolat » classique. Toutefois, la présence de vanille et de sapote rendent difficile de savoir quel serait le goût du bicolor seul.

Barbon Lion, chocolat de Theobroma bicolor
Notes de dégustation du Lion de Barbon
La robe est oscille entre le beige et le blond caramel. Le nez dégage une impression sucrée sur un lit de tourbe. Sensation improbable. La casse est molle, presque inaudible. Le croquant est un peu plus sonore. En bouche, les papilles sont perdues. Cette impression tourbée est toujours là, soulignée petit à petit par des notes de noisettes, de cajou et de noix du Brésil, dégageant une impression de crème de marrons. Le tout est très rond, sans âpreté, ni amertume ou acidité. Particulièrement doux. La texture est très grasse et le fondant lent, presque pâteux, contribuant à ce sentiment d'ovni gustatif. L’ensemble conserve une très belle longueur aux accents de gianduja. Inclassable, l'envie de goûter à nouveau taraude les papilles.

Theobroma grandiflorum, chocolat… ou pas

Un peu plus connu sous son autre nom de cupuaçu, le theobroma grandiflorum est un autre cousin comestible du cacao. D’apparence brunâtre, presque terne en comparaison des couleurs des cabosses de cacao, ce fruit est encore consommé dans plusieurs pays d’Amérique du Sud. Il reste pourtant méconnu sous nos latitudes. Une situation qui pourrait changer en raison de l’engouement pour les produits atypiques. En France, c’est la Brigaderie de Paris avec son cupulate — agglutinement de « cupuaçu » et « chocolate » — qui propose une interprétation du theobroma grandiflorum en tablette.

Brigaderie Paris Cupulate, chocolat de Theobroma grandiflorum
Notes de dégustation du Cupulate de la Brigaderie de Paris 
La robe marron aux accents acajou pourrait le faire passer pour un chocolat au lait. Au nez, le doute s'installe. Les notes épicées intenses vont titiller la curiosité des sens jusqu'au fond de la gorge. Le casse est très molle, complètement insonore, le croquant absent. En bouche, c'est l'explosion. Très fondante la tablette distille des notes de cuir, d'épices, de noix et un je ne sais quoi de fruité. Le tout dans un équilibre parfait sans surcharger les papilles, tout en les épatant. En trame de fond apparaît lentement une sensation d'intensité, qui fait écho à l'amertume du chocolat sans en être à proprement parler. La longueur distille du fruit et garde cette belle tension gustative. Magistral.

Point intéressant, seul du sucre vient relever le goût de cette tablette composée à 70% de cupuaçu. La richesse gustative provient donc uniquement du fruit. Preuve, s’il fallait, du potentiel gustatif des fruits originaires d’Amazonie

Chocolat aux inclusions de cupuaçu

Une autre approche consiste à inclure du cupuaçu à du chocolat classique. C’est une option choisie par la Brigaderie de Paris pour une autre de ses tablettes, mais aussi par Mission chocolate. Ce producteur bean-to-bar est situé à Sao Paulo au Brésil où le fruit fait partie de la culture.

Mission Chocolate, chocolat avec inclusion de cupuaçu
Notes de dégustation du Cupuaçu de Mission Chocolate
La robe brune est parsemée de morceaux de cupuaçu séché. Le nez est chocolaté avec un je ne sais quoi de fruit. Le casse est bridée par les morceaux de fruit et le croquant discret. En bouche, c'est d'abord l'intensité du chocolat qui frappe avant d'être rejointe par la sucrosité du fruit. Le chocolat apporte l'onctuosité de sa texture et gagne à se laisser fondre en bouche. La longueur est appréciable. Une approche beaucoup plus classique, mais aussi beaucoup plus facile à aborder.

Cette interprétation des inclusions de cupuaçu rappelle celle du cascara par Baiani, autre producteur brésilien, mais avec plus de talent. L’équilibre entre le chocolat et les inclusions est meilleur. Toutefois, l’accord entre les deux produits reste quelque peu en deçà des deux autres tablettes en terme de richesse gustative. Cacao et cupuaçu coexistent harmonieusement sans pour autant se sublimer l’un l’autre.

Hybridation de theobroma pour des chocolats uniques

La proximité des fruits des différents theobroma permet aussi d’expérimenter d’autres démarches, comme l’hybridation des arbres de cacaoyer avec leurs cousins. Ces croisements sont probablement à l’origine des fèves sauvages utilisées par exemple par Qantu pour réaliser son incroyable Trésor caché. Une autre possibilité consiste à mélanger les fèves de cacao avec celles d’autres theobroma. Une solution également explorée par Barbon dont je vous partagerai prochainement le résultat.

Reste une question en suspens : ces créations atypiques valent-elles la peine ? Que ce soit le theobroma bicolor ou grandiflorum, leurs « chocolats » sortent des sentiers battus. A ce titre, il sont un must pour tout curieux. Personnellement, il y a fort à parier que mes papilles se laissent à nouveau tenter par l’expérience. Toutefois, ces produits restent rares et risquent de décevoir ceux qui cherchent à répondre à une pulsion gourmande et régressive. Heureusement, dans ce domaine, theobroma cacao s’en sort très bien.