Bord de Mer, chocolat aux algues, par Terre de fèves de Vannes en France

Bord de mer, chocolat aux algues Terre de Fèves
  • Fèves : variété locale Mankuva (hybride Trinitario et Forestero), bio
  • Producteur de cacao : non mentionné
  • Origine : état du Kerala en Inde
  • Pourcentage : 75%
  • Inclusion : algues séchées (aonori et laitue de mer)

Notes de dégustation

La tablette fait déjà de l’œil à travers la fenêtre de son emballage. Le vert intense des algues séchées ressort bien sur la robe foncée du chocolat et attire le regard. A y regarder de plus près on distingue la fleur de sel qui joue avec la lumière. Au nez, le chocolat interpelle et un je ne sais quoi marin transparaît en filigrane. La casse est nette. En bouche, plus de doute, c’est un ovni gustatif. Les algues se mêlent instantanément aux saveurs chocolatées. Les algues apportent des notes de matcha et quelque chose de légèrement iodé, tandis que le chocolat relève le goût avec ses saveurs épicées exaltées par la fleur de sel. Le tout avec un savant équilibre. Le longueur est belle et conserve la rondeur qu’apportent les algues. Très probablement un des chocolats les plus umami que j’aie goûté.

Le petit plus : Comparez l’expérience en laissant fondre la chocolat, puis en le croquant. Cette dernière approche a ma préférence. Les saveurs semblent plus harmonieuses. Côté cuisine, oserez-vous en faire fondre un peu sur une crêpe bretonne ? On en oublierait le caramel au beurre salé…

Bord de mer, chocolat aux algues Terre de Fèves
Bord de mer, chocolat aux algues par Terre de Fèves à Vannes en Bretagne

Mais encore… le chocolat aux algues breton

C’est à l’occasion de vacances en Bretagne que j’ai pu découvrir le travail d’Anne-Laure dans sa boutique-atelier Terre de fèves de Vannes. Une belle rencontre qui n’a fait que confirmer ce que ses chocolats illustrent : un travail pointu et engagé ! Tout y est : les emballages à base cacao recyclé et compostable, la recherche constante pour améliorer le travail des fèves et surtout la passion. Un travail d’autant plus admirable vu la relative jeunesse de la manufacture et la richesse de son assortiment. C’est assurément une chocolatière à suivre, car son travail ne fera que de gagner encore plus en valeur avec le temps.

D’un point de vue créatif, ce chocolat aux algues reflètent une approche intéressante qui valorise un terroir, la Bretagne, sans tomber dans le cliché facile, p.ex. avec du caramel. Cette tablette porte particulièrement bien son nom de Bord de mer.

Le saviez-vous ? Si les algues étaient consommées en période de disette, elles sont aujourd'hui intégrées à la gastronomie bretonne comme en témoigne le site de l'office du tourisme. Au Japon, les algues aonori font partie de la culture culinaire depuis longtemps. Si vous êtes fan de soupe miso, de nombreuses recettes traditionnelle incorporent cette algue. 

Chocolat et acidité : je t’aime, moi non plus

le chocolat est-il acide

Avez-vous remarqué la facilité avec laquelle nous reconnaissons les notes acidulées d’un chocolat ? Il est fréquent de voir sur un profil gustatif la mention de notes d’agrumes assez précises — citron, orange, cédrat, etc. — ou encore de fruits exotiques. Mieux, les chocolatiers aiment souvent ajouter à leurs tablettes des inclusions de fruits acidulés à l’instar de l’orange. Comment se fait-il que des cinq saveurs de base, l’acide soit aussi caractéristique lorsqu’il s’agit de décrire un chocolat ?

La réponse est à chercher dans la biologie. Il semblerait que notre capacité à identifier les différentes saveurs réponde à des besoins spécifiques. Le sucré signale une nourriture riche en calories. Le salé est lié aux aliments apportant les sels minéraux. L’umami mentionne les sources de protéines. L’amer alerte sur les substances potentiellement toxiques. Quant à l’acide il signale les sources de vitamine C. Mais pourquoi les notes acides sont-elles aussi clivantes dans le chocolat ? Certains ne les apprécient pas du tout alors que d’autres les recherchent particulièrement.

Photo par engin akyurt via Unsplash

Percevoir les saveurs acides est devenu une nécessité chez l’humain

Les recherches scientifiques semblent indiquer que la perception de l’acidité est un trait qui remonte aux premiers vertébrés, il y a plus de 400 millions d’années. (1) Bien avant l’apparition des mammifères et des cacaoyers, mais c’est une autre histoire. Ces premiers animaux vivant dans les océans, cette aptitude devait initialement servir aux poissons à détecter une acidification de l’eau dans laquelle ils évoluaient. Si un poisson pouvait décrire le goût d’un chocolat, même lui saurait dire s’il est acide ou non.

Si l’acidité était associée à un environnement dangereux, pourquoi l’apprécie-t-on aujourd’hui ? La réponse vient de l’évolution. La possibilité de détecter les autres goûts ne serait apparue que plus tard. Les animaux auraient diversifié leur régime alimentaire passant de la filtration du phyto- et zooplancton présent dans l’eau à d’autres sources de nourriture par exemple avec la prédation. D’où le besoin de développer d’autres capacités sensorielles pour se nourrir. Chez certains animaux, dont les humains, au gré des mutations génétiques (2), leur habilité à produire eux-mêmes leur vitamine C s’est perdue. Vitale, cette vitamine doit donc provenir de notre environnement, par exemple en mangeant des fruits. La molécule de vitamine C étant acide, les aliments qui en contiennent beaucoup sont donc souvent acidulés.

Comment l’acidité interagit-elle avec le chocolat ?

Au-delà de nos goûts personnels, il est intéressant de comprendre plus spécifiquement comment les saveurs acidulées interagissent avec le chocolat en tant que produit. Même si les saveurs ont plutôt tendance à s’additionner, elles peuvent aussi entrer en concurrence. En cuisine, il est ainsi courant de corriger un plat légèrement trop acide en y ajoutant une touche sucrée voire même alcaline (p.ex. du bicarbonate). Deux caractéristiques présentes naturellement dans le chocolat qui contient du sucre et du cacao dont certaines molécules sont alcalines.

Un cacao présentant naturellement un profil gustatif acidulé va interagir avec le sucre qui lui est ajouté pour le transformer en chocolat. Plus de sucre équivaudra à diminuer ces saveurs acides. C’est pour cela que les chocolats 100% de cacao semblent souvent plus acides. A l’inverse du sucre, l’ajout de beurre de cacao au pH plus acide que le cacao, pourra accentuer les sensations acidulées.

Chocolat avec des inclusions de mandarine et de citron vert.

Dans un autre registre, incorporer des inclusions de fruit acide dans une tablette aura pour effet de « détourner » une partie du sucre utilisé pour révéler les saveurs naturelles du chocolat au profit de l’équilibre avec l’acidité du fruit. Le chocolat peut donc en ressortir plus fade ou plus acide si le sucre y jouait déjà ce rôle. Trouver le bon équilibre sera donc primordial. Faire du chocolat est non seulement un art, mais aussi une science !

Et vous, plutôt adepte des notes acidulées des chocolats ou au contraire c’est rédhibitoire ?

Sources scientifiques

(1) Article scientifique sur l’évolution de la perception de l’acide (en anglais)

(2) Article scientifique sur la perte de la capacité de synthétiser la vitamine C (en anglais)