Fazenda Vera cruz Brazil 70% par Laflor de Zurich en Suisse

  • Fèves : Superior da Bahia (hybride local de forastero et trinitario) bio récolte 2019
  • Producteur de cacao : ferme Vera Cruz en agroforestrie
  • Origine : état de Bahia à l’est du Brésil
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation

La robe brun caramel donne un aspect gourmand à cette tablette très rectiligne. Au nez, cette impression se confirme avec un parfum sucré, presque de miel. La casse est discrète compte tenu de la finesse de la tablette. En bouche les sensations se dévoilent très vite notes douces, épicées et florales se complètent. Les impressions fruitée suaves se mélangent à une pointe de clou de girofle. C’est en finale qu’arrive une agréable sensation de sureau et de cassis. L’équilibre du tout est parfait pour le plus grand plaisir des papilles. Un chocolat qui disparaît très vite… trop vite… heureusement, la belle longueur en bouche fait durer le plaisir.

Le petit plus : faites fondre un morceau sur la langue et croquez un petit bout d’une fraise de saison bien mûre, de sorte à avoir à peu près la même quantité de chaque. Les deux se marient avec délice !

Un chocolat aussi agréable à l’œil que sur la langue.

Mais encore… à propos de LaFlor et du cacao de la Fazenda Vera Cruz

L’approche de LaFlor est particulièrement intéressante en terme de relation avec les producteurs de cacao. Ainsi, ce cacao est acheté directement au producteur qui gère la Fazenda Vera cruz, qui en plus de travailler en agroforesterie, c’est-à-dire sans monoculture, a également une partie de ses terres qui sont protégées et laissées à la nature. Une approche qui se reflète chez LaFlor, qui a utilisé du sucre suisse bio pour ce chocolat protégé par un emballage entièrement recyclable et compostable. Mon seul regret et de n’avoir aucune indication quant à leur travail en terme de torréfaction et de conchage. Un manque bien vite oublié vu la qualité du résultat final, qui a d’ailleurs été soulignée à l’unanimité par le jury du Rallye du Chocolat de Zurich 2022, dont il est sorti vainqueur. Cette création est mettre en perspective avec les autres chocolats de la région zurichoise dont je parlais dans cet autre billet.

Le chocolat suisse existe-t-il ?

Sprüngli, Oro de Cacao, MayOro, Garcoa packaging

Si la réputation suisse en matière de chocolat industriel a malheureusement encore de beaux jours devant elle, parler de chocolat suisse est aussi absurde que de parler de vin français. Le terme est tellement générique et galvaudé qu’il ne veut absolument rien dire… à moins que… En se penchant sur la scène bean-to-bar helvétique, il est possible d’en identifier quelques particularités qui expliquent son retard sur ce qui se fait ailleurs, mais aussi et surtout sa minutie et son penchant pour l’innovation. Le chocolat suisse serait-il en train de retrouver une identité grâce au bean-to-bar ?

Faisons le point avec cette quadrilogie zurichoises aux écrins roses dont la teinte estivale est parfaitement de saison.

Baracoa 70% par Sprüngli x Felchlin de Zürich

Le classicisme suisse à son acmé.
  • Fèves : trinitario natif cubain
  • Producteur de cacao : producteur locaux via Felchlin
  • Origine : Province de Guantanamo à l’est de Cuba
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation

La tablette d’un brun chocolat profond donne envie. Au nez, une note légèrement acidulée de cacao domine. La casse nette contraste avec la texture très soyeuse. Les premières notes partent sur de la noisette grillée, puis évoluent vers des notes fruitées douces de poire et de pruneau pour terminer sur une impression chocolat intense à la longueur agréable. Un chocolat agréable, presque un peu trop timide vu son potentiel.

Si le moulage de la tablette rend hommage aux cabosses de cacao, dommage qu’il n’en soit pas fait de même pour les producteurs, aucune information n’étant disponible à ce sujet. C’est là toute l’ambiguïté de Felchlin qui fournit un chocolat de couverture souvent excellent aux chocolatiers, comme ici Sprüngli, tout en restant en retrait en terme de visibilité pour le grand public. La mise en valeur de la filière cacao en souffre sensiblement, notamment avec l’impossibilité d’avoir ces informations en magasin ou sur le site internet des chocolatiers. Il en résulte aussi des chocolats un peu timorés, pour plaire à une clientèle large. Saluons toutefois l’effort de Sprüngli pour son packaging recyclé et recyclable, ainsi que sa valorisation de l’expérience sensorielle grâce à la possibilité de s’immerger dans la forêt cubaine avec cet enregistrement audio. Pour en savoir plus sur l’impact de la musique sur le chocolat, découvrez ces conseils dédiés au sujet.

Arriba Nacional 76% par MayOro x SchoggiBar de Zollikon

Derrière ces carrés surannés se cache un positionnement original.
  • Fèves : arriba nacional équatoriennes, récolte saison de pluies 2019, fermentées 4 jours, torréfiées 48 minutes à 90°C et conchées 5 heures.
  • Producteur de cacao et du chocolat de couverture : Piedra de Plata
  • Origine : montagne de l’ouest de l’Équateur
  • Pourcentage : 76%

Notes de dégustation

Carrée, la tablette est assez simple. Brun foncé tirant sur l’ébène son nez est complexe: notes de cacao, fleurs, fruits. La casse est sonore et révèle une sensation de cacao et noix torréfiées soulignée par des notes de chèvre-feuille qui tendent vers une pointe de zeste de citron. Une impression parfumée avec un léger accent poivré reste en bouche. Un chocolat agréable et envoûtant qui ne demande qu’à être goûté encore et encore.

Produit sur place, cacao bio payé plus cher, variété locale cultivée en agroforesterie, emballage minimaliste et recyclable, possibilité de découvrir les producteurs via un QR code… autant d’éléments qui placent ce micro-batch aux avant-postes de ce qu’offre de meilleur le chocolat bean-to-bar. Cette approche transparente et collaborative avec les producteurs est particulièrement originale. L’équipe 100% féminine de Schoggi Bar trouve ainsi une niche pour se développer sur le marché zurichois très concurrentiel du chocolat. Bravo !

Idukki mit nibs 78% par Garçoa de Wollishofen

Une tablette montagneuse comme la Suisse… à dessin !
  • Fèves : hybride forastero et trinitario, fermentées 4-5 jours et séchées au soleil
  • Producteur de cacao : Highrange Organic Producers Society Adimali via la coopérative GoGround
  • Origine : état du Kerala en Inde
  • Pourcentage : 78%

Notes de dégustation

Noir ébène, la tablette a un nez intensément cacao de par les éclats de fèves qui la recouvre au dos. La casse franche est suivie en bouche par une sensation fondante lente. Les notes de développent lentement, mais avec assurance. Des notes boisées et poivrées se mêlent aux sensations torréfiées des éclats de cacao. Une impression fugace de banane séchée et d’épices complète le tableau. Une tablette à la gourmandise atypique.

La tablette géométrique aux triangles texturés et aux épaisseurs variables a été conçue dans un but bien précis : exalter l’expérience gustative en permettant au chocolat de fondre rapidement là où il est fin et de croquer là où il est épais, tout en donnant à la langue envie d’explorer ses textures. Une approche typique de Garçoa qui met en avant les producteurs de cacao de la récolte jusqu’au produit final. Un bel exemple de la minutie toute helvétique appliquée au chocolat.

Peru 78% par Oro de cacao x Dieter Meier de Freienbach

Un chocolat au procédé de fabrication tenu secret.
  • Fèves : non spécifié (bio et fair trade)
  • Producteur de cacao : inconnu
  • Origine : Pérou
  • Pourcentage : 78%

Notes de dégustation

Le brun foncé intense de la tablette donne quelques légers reflets acajou. La finesse du chocolat amolli considérablement la casse. Au nez les notes boisées de cèdre et de santal dominent. En bouche, c’est une impression de fraîcheur qui frappe, presque alcaline, suivie des mêmes notes boisées qui semblent enveloppées dans une agréable sensation de chocolat. La texture détonne. Bien que fondante, elle diffuse un je ne sais quoi de pâteux. Le chocolat est plus intéressant à mâcher. Un chocolat complètement atypique et certainement clivant, mais qui a le mérite de questionner la standardisation suisse du chocolat.

Derrière un brevet, c’est surtout un mystère qui se cache avec Oro de cacao. En effet, la marque du flamboyant Dieter Meier a breveté un procédé unique durant lequel de l’eau est ajoutée au cacao non-torréfié avant que le tout ne soit broyé pour en extraire les différents composants qui seront remélangés pour en faire du chocolat… Compte tenu du désamour entre le gras du cacao et l’eau, le procédé tient de la magie noir pour tout producteur de chocolat. Dommage que cette inventivité typiquement suisse ne s’accorde pas avec plus de transparence sur le cacao et ses producteurs, voire sur le procédé en question.

Y a-t-il une particularité du chocolat suisse au final ?

Quelle tablette est la plus suisse ? Toutes ou aucune, c’est selon.

Au sens d’un procédé unique ou d’un goût typique, non. Même si le côté fondant est un héritage encore bien présent grâce au secret longtemps gardé à l’époque lors de l’invention du chocolat au lait, c’est avant tout une préférence de la clientèle. De plus, cette tendance change selon les régions suisses et évolue avec le développement du bean-to-bar. Toutefois, cet ancrage historique explique la lenteur tout helvétique pour adopter ces nouvelles approches. Heureusement, le penchant pour l’innovation technique, la minutie et la possibilité de commercialiser des produits relativement haut de gamme sur le marché local permettent aux producteurs de sortir de ce carcan de façons souvent inattendues. Si la durabilité et la responsabilité sociale ne devaient pas suffire à convaincre les plus réticents, la possibilité de découvrir des produits uniques devrait être un argument de poids pour s’aventurer hors de sentiers battus des chocolatiers de quartier qui ne proposent que des tablettes au chocolat de couverture similaire.

Et vous, quel est le chocolat suisse qui vous a le plus étonné ?

Remerciements

Merci à Lise du Rallye du Chocolat de Zurich de m’avoir donné l’opportunité de découvrir certains de ces producteurs lors du jury de cette année auquel j’ai eu le plaisir de participer.

70% India par Frankly Delicious de Leeds au Royaume-Uni

chocolat Frankly Delicious 70% India
  • Fèves : non spécifié (probablement un hybride à base de forastero)
  • Producteur de cacao : coopérative GoGround
  • Origine : état du Kerala en Inde
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation

La robe sombre sied parfaitement au très beau moule géométrique de la tablette. Relativement fin, la casse du chocolat n’est pas très sonore. Au nez, les notes chocolatées et de noix sont déjà présentes. Sur les papilles, les notes épicées marquent de suite l’esprit : noix de muscade, cannelle, clous de girofle… Le tout est ponctué par une sensation douce et enveloppante de chocolat et un soupçon de miel et de fruits rouges en finale. Simplement gourmand avec une belle longueur en bouche. Franchement délicieux vous avez dit ? Pardon… Franckly delicious, indeed!

Une belle tablette couleur ébène qui cache bien son jeu.

Mais encore… à propos de Frankly Delicious

Si l’approche bean-to-bar est mise en avant, rien ne filtre sur le type de fèves et sur la façon dont elles ont été travaillées. En revanche, Franckly Delicious porte bien son nom avec ce chocolat noir très gourmand et une approche originale qui fait le pari d’une collection qui décline uniquement cette origine. Cette approche épurée, centrée sur un cacao permet une excellente maîtrise et le résultat est à la hauteur du travail. Le packaging entièrement recyclable — papier pour le carton et cellulose transparente pour l’emballage du chocolat même — et l’accent sur l’essentiel — pas d’ingrédients autres que le cacao et le sucre de betterave anglais, ainsi que l’envie d’un chocolat plus éthique — ne gâchent rien et rendent cette tablette d’autant plus agréable. Nul doute que ce producteur engagé et plein d’énergie saura percer sur la scène du chocolat bean-to-bar anglaise, mais aussi internationale. A suivre !

Avez-vous déjà goûté des tablettes produites à partir de fèves en provenance d’Inde ou de Franckly delicious ? Partagez vos impressions en commentaire.

Merci à Chocolats du Monde de m’avoir fait découvrir cette tablette.

Tranquilidad 70% par Solstice de Salt Lake City aux USA

chocolat Solstice 70% Tranquilidad
  • Fèves : Boliviano aussi connu sous le nom de Beniano
  • Producteur de cacao : Estate Chocolatal Tranquilidad
  • Origine : plaine amazonienne, département du Beni en Bolivie
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation

La robe est classique, alors que le nez distille une impression florale, légère. La casse est sonore et ronde. Sur la langue, la texture ne se laisse pas saisir, le chocolat prend son temps avant de fondre et de révéler ses premières notes. Quelque chose de crémeux avec une touche discrète de miel doux, à laquelle vient ensuite se superposer une impression de thé de Ceylan, légèrement infusé. En fin de bouche, une trace fugace de cerise laisse ensuite sa place à une impression tannique qui tapisse les papilles. La longueur est plaisante avec cette impression délicate de thé qui persiste. Une tablette qui cache bien son jeu. Malgré cela, ces fèves de cacao mériteraient d’être travaillées de façon encore un peu plus ciselée vu leur potentiel.

Mais encore… à propos du cacao de ce chocolat Solstice

Comme beaucoup d’autres, Solstice ne mentionne malheureusement pas la provenance exacte des fèves. Le millésime ou encore le travail du cacao (fermentation, torréfaction, conchage) ne sont pas plus indiqués. Cette lacune est d’autant plus regrettable que ce cacao, le Beniano, raconte une histoire unique.

Dans les années 90, contre toute logique commerciale, Volker Lehmann (1) décide de faire connaître ces fèves boliviennes « sauvages » comme il les appelle. Plus de dix ans après la découverte de ce trésor de l’Amazonie, en 2003, il arrive enfin à convaincre le couverturier suisse Felchlin de les utiliser. Depuis, c’est le succès. Que ce soit sous forme de chocolat de couverture haut de gamme ou grâce aux créations des producteurs bean-to-bar qui rivalisent d’inventivité pour interpréter ce terroir. Particulièrement riches en saveurs, ce cacao a également été reconnu par les analyses génétiques du Département de l’agriculture américain. Il est décrit comme une variété locale typique de par son isolement des autres cacaos, sans hybridation.

(1) https://tranquilidadnet.wordpress.com/2016/02/27/beniano-cacao-wild-variety/

Origins 70% par Cooperativa Agraria Pangoa de San Martin de Pangoa au Pérou

chocolat Pangoa Pérou 70% Origins
  • Fèves : natif de Pangoa, certifié bio et équitable
  • Producteur de cacao : Cooperativa Agraria Pangoa
  • Origine : province de Satipo, région de Junin au centre du Pérou sur le versant amazonien des Andes
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation

La robe d’un beau brun chocolat donne déjà envie. Une impression confirmée par le nez fruité. Épaisse, la tablette casse de façon franche avec bonheur. Dès la première bouchées, les notes fruitées et douces se confirment. Une sensation qui devient soyeuse avant de virer sur des notes plus intenses, presque de poivre rose et un je ne sais quoi de suave et balsamique, voir de cuir. Un chocolat qui ne se laisse pas saisir pour la plus grande joie des papilles qui en redemandent encore et encore. Belle et agréable longueur en bouche avec des notes de miel.

Chocolat d’un autre monde, celui de Pangoa

C’est à Montréal et grâce à Elfi de chez Qantu qui est native de cette région du Pérou et propose dans leur boutique ces tablettes « concurrentes », que j’ai eu la chance de découvrir ces chocolats fabriqués en circuit ultra-court. Déclinées par Qantu, les fèves de cette région ont donné naissance à la tablette Chaska qui a gagné de nombreux prix. Interprétées par la coopérative locale ces fèves ne perdent rien de leur potentiel gustatif. Le résultat est aussi bluffant que différent et illustre à quel point la sensibilité du créateur influence le rendu final. Une dégustation qui se transforme en vibrant plaidoyer en faveur de plus d’autonomie en matière de production de chocolat directement dans les pays cacaoyers et sans chercher à copier les standards gustatifs occidentaux. La contribution d’Elfi à cette démonstration semble fonctionner, car il n’en restait qu’une dernière tablette lors de ma visite… Alors envie de visiter la coopérative de Pangoa ?

Avez-vous déjà goûté des chocolats produits dans les pays producteurs de cacao ? Qu’en avez-vous pensé ?

Cinq chocolats du Québec

chocolats québécois

Si vous faites un périple québécois, en plus du sirop d’érable, pensez aussi à y faire vos emplettes cacaotée. Les chocolats du Québec vous donneront largement matière à capoter comme on dit là-bas. Sous forme d’un quintet, voici un échantillon pour découvrir la richesse du chocolat de la fève à la tablette de la Belle Province.

Tanzanie Kokoa Kamili 72% par Palette de Bine au Mont-Tremblant

  • Fèves : micro-lot trinitario (biologiques) uniquement produit par des femmes
  • Producteur de cacao : Kokoa Kamili
  • Origine : vallée du Kilombero dans la région de Morogoro à l’est de la Tanzanie
  • Pourcentage : 72%

Notes de dégustation

Ces fèves sont relativement répandues et peuvent donner de magnifiques chocolat, il fallait donc que je goûte le résultat de la fabrique située dans la station de ski des Montréalais. Visuellement, le parti pris d’une latte de bois détonne dans le monde souvent design des bean-to-bar. Le nez est gourmand et la casse franche. Le chocolat prend son temps pour fondre et la texture presque pâteuse frappe en premier. Des notes légèrement acidulées de fruits rouges emplisse petit à petit la bouche. La longueur est correcte, mais les papilles restent un peu sur leur faim : le résultat manque d’ampleur et de richesse par rapport au potentiel des fèves. Le plaisir est néanmoins là et l’effort apporté pour mettre en valeur les producteurs et le financement d’une école secondaire pour filles.

Tabasco par chocolat dicitte à Montréal

  • Fèves : variété de criollo biologique
  • Producteur de cacao : Hacienda Jesús María
  • Origine : Comalcalco, dans l’état du Tabasco au sud-est du Mexique
  • Pourcentage : 80%

Notes de dégustation

Claire à ce niveau de cacao, la tablette est belle et parfaitement tempérée. Ces fèves sont généralement particulièrement riches en saveurs. Le nez plutôt discret ne trahit pas ce qui attend les papilles. C’est d’abord l’onctuosité du chocolat qui frappe. Suivent des notes boisées de santal, légèrement poivrées et acidulées. Difficile à saisir, l’ensemble titille la curiosité et demande à être goûté à nouveau. La finale laisse une agréable et longue impression d’agrume en bouche. Une belle maîtrise du travail de fèves complexes et délicates qui produit un excellent chocolat. Il serait intéressant de torréfier le cacao un peu plus légèrement pour voir s’il est possible d’en tirer des notes encore plus cristallines.

Pérou Maranon par Chaleur B Chocolat de Charleton-sur-Mer

  • Fèves : pur nacional
  • Producteur de cacao : Dan Pearson et Brian Horsley, Marañon Chocolate
  • Origine : Marañon au nord ud Pérou
  • Pourcentage : 87%

Notes de dégustation

Ces fèves sont mythiques. Elles sont les descendantes d’une variété équatorienne que l’on imaginait depuis longtemps disparue, car décimée par une maladie au début du 20e siècle. Retrouvé par hasard en altitude au Pérou, ce cacao a un potentiel gustatif exceptionnel. Le nez de la tablette intensément noire est prometteur… En bouche c’est l’explosion : notes de noix, de fruits blets, de cèdre, de jasmin se mêlent et se bousculent. L’intensité est saisissante sans tomber dans l’excès d’astringence malgré le fort pourcentage élevé. La longueur en bouche est encore plus impressionnante tant elle dure et révèle d’autres notes d’épices (un je ne sais quoi de massaman) qui tapissent la bouche. Mon regret ? Une tablette un peu plus épaisse aurait laissé plus de temps au carré de fondre et de distiller ses saveurs. Et aussi cette même question qui reste en suspens : qu’en aurait-il été avec une torréfaction plus douce ?

Noyer noir par Qantu de Montréal

  • Fèves : variété locale
  • Producteur de cacao : Dan Pearson et Brian Horsley, Marañon Chocolate
  • Origine : Bagua, Amazonas, Pérou
  • Pourcentage : 70%
  • Inclusions : éclats de noix de noyer noir caramélisés

Notes de dégustation

Hommage aux produits du terroir avec ces noix typiques d’Amérique du Nord. Le fait d’ajourer la tablette permet de voir la nougatine pour le plus grand plaisir des yeux et du nez qui sent de suite la force de ces noix rustiques. Même si l’on croque sans tomber sur morceau de nougatine, le chocolat est imprégné des noix qui le transforme. Les notes les plus subtiles du cacao — fleur d’oranger et fruits — se marie parfaitement avec l’intensité des noix. Lorsque le morceau en contient, la rencontre est encore plus belle, faisant ressortir des notes de poires confites et de caramel. Attention, c’est addictif…

Pacanes + chocolat au lait par Etat de choc de Montréal

  • Fèves : trinitario, amelonado et nacional
  • Producteur du chocolat Sirene (Canada)
  • Origine : Guatemala
  • Pourcentage : lait 55%
  • Inclusions : noix de pécan (ou pacanes en québécois), sel de mer et épices

Notes de dégustation

Série limitée, ce chocolat réunit plusieurs producteurs canadiens pour un résultat gourmand. Classique la tablette épaisse donne envie d’y croquer. La pacane se laisse déjà deviner au nez. En bouche, le doute n’est plus permis et la gourmandise emporte les papilles. Les saveurs se marient parfaitement et se complètent pour révéler des notes de pain d’épice qui ajoutent une touche intellectuelle qui sert d’alibi idéal pour justifier l’élan régressif qui nous pousse à dévorer ce chocolat aussi original qu’estampillé québécois. Dommage que la création d’État de choc soit aussi éphémère que la tablette une fois ouverte…

Pour tous les goûts

Cet revue de chocolats, qui n’a rien d’exhaustif, illustre bien la richesse de la scène bean-to-bar d’Outre-Atlantique. Chacun y trouvera son compte, du puriste à la recherche de chocolats noirs rares au gourmand ayant besoin de sensations douces sortant des canons européens. De ce point de vue, n’hésitez pas à privilégier les tablettes incluant des produits locaux. Il est aussi intéressant de voir à quel point ces producteurs sont décomplexés par rapport à ce qu’on trouve en particulier en Suisse.

Et vous, quels sont vos chocolats du Québec préférés ? Y a-t-il un producteur dont vous aimeriez goûter les créations ?

Green Tangerine par Soma de Toronto au Canada

Soma chocolat mandarine
  • Fèves : trinitario
  • Producteur de cacao : Famille Akesson
  • Origine : vallée de Sambirano dans le nord-ouest de Madagascar
  • Pourcentage : 70%
  • Inclusion : huile de mandarine verte du Brésil

Notes de dégustation

Visuellement, la tablette est magnifique avec ses motifs botaniques sur le thème du cacao : cabosse, fleur de cacao et même… une feuille d’érable! C’est le clin d’œil au Canada que met Soma dans ses chocolats. Vous l’avez trouvé ? Côté robe, la couleur est typique d’une tablette noire de ce type. En revanche, dès l’ouverture, la surprise vient du fort parfum d’agrumes et en particulier de cédrat. La casse est franche et agréable pour une tablette relativement fine.

En bouche, c’est d’abord la texture soyeuse qui donne le ton, suivie par les notes fraîches d’agrumes qui évoluent : cédrat, limette, mandarine, citron. Au fur et à mesure que le chocolat fond, un je ne sais quoi de gâteau au chocolat vient lier le tout pour donner une impression très gourmande. En finale, le tout s’équilibre dans une sensation de bonbon subtil. La longueur en bouche est raisonnable pour un chocolat noir avec inclusion.

Mais encore… un chocolat du Canada via Madagascar

Les fèves de Bertil Akesson sont souvent celles que les producteurs bean-to-bar utilisent pour se faire leurs premières armes du fait de leur accessibilité et de leur relative tolérance aux écarts au processus de torréfaction. Il n’en reste pas moins que travaillées avec finesse, elles produisent des résultats merveilleux comme dans ce chocolat du Canada. Soma a su sortir de l’approche classique qui consiste à utiliser la note poivrée typique de ces fèves de Madagascar pour jouer sur leur côté fruité et acidulé. L’ajout d’un ingrédient lui-même acide est alors un exercice d’équilibrisme d’autant plus difficile pour ne pas tomber dans le piège de l’excès qui efface la présence du chocolat. Découvrez pourquoi dans ce billet dédié en particulier à la science de l’acidité et du chocolat.

Curimana par Garçoa de Zürich en Suisse

Dégustation vin et chocolat avec un Garçoa de Zurich
  • Fèves : forastero (CCN51), fermentées 5-7 jours en caisses de bois, puis séchées au soleil
  • Producteur de cacao : Comité Central con Desarollo al Futuro
  • Origine : district de Curimana au centre Pérou, sur le versant amazonien du pays
  • Pourcentage : 76%

Notes de dégustation

Un chocolat de Garçoa à Zurich surprenant. Une tablette dans laquelle se mêlent tour à tour des notes fruitées, notamment de prune, boisées et grillées. Une avec une légère âcreté qui se dissimule en arrière-fond. Une découverte qui ravira certainement les amateurs de chocolats noirs atypiques… Étonnant ? Oui, car généralement, le cacao CCN51 est décrié par la plupart des experts pour son manque d’intérêt gustatif. Outre le fait qu’il ne faille pas se fier aux apparences, cette tablette confirme surtout que la qualité d’un chocolat dépend surtout du travail du cacao effectué par les différents artisans : de la qualité de la fermentation des fèves, à leur torréfaction avant d’être transformées en chocolat.

Mais encore… un chocolat de Zurich marié à un vin genevois

Original, ce chocolat zurichois de Garçoa se marie particulièrement bien avec un vin qui l’est tout autant : la Lusitane du Domaines des Graves qui provient du village d’Athenaz dans le canton de Genève. Pourquoi ? Ce vin est muté comme de nombreux vins liquoreux. Cela signifie que sa fermentation a été stoppée par l’ajout d’alcool. De plus, cette boutielle est un assemblage de cinq cépages portugais qui poussent en Suisse… Du dire même de son producteur, c’est en quelque sorte un porto genevois ! L’association de ces deux produits qui sortent des sentiers battus fonctionne à merveille. Aucun ne prend le dessus sur l’autre et ce malgré leurs richesses gustatives respectives. Mieux, comme cela devrait être le cas d’un mariage réussi, la rencontre semble leur donner à chacun « de la bouteille », si tant est que le terme puisse être appliqué à un chocolat.

Trésor caché par Qantu de Montréal au Canada

Qantu trésor caché
  • Fèves : cacao sauvage
  • Origine : région subtropicale de Selva Central au Pérou
  • Pourcentage : 80%
  • Commentaire : édition limitée

Notes de dégustation

Une tablette aussi rare qu’exceptionnelle, une tablette pour arrêter le temps quand le monde va trop vite du dire de ses créateurs. Une édition limitée à 200 tablettes seulement. Le chocolat intensément fondant pour un 80% déploie lentement ses notes intenses : tout commence par une touche légèrement poivrée sur le bout de la langue, puis une sensation ample envahit la bouche pour déployer des arôme de cacao qui se muent en vinaigre balsamique longuement vieilli. La longueur en bouche reste tout aussi ample et garde intact l’impression de balsamique.

Mais encore… à propos du Trésor caché de Qantu

Ce chocolat est le plus cher que j’aie goûté et étonnement, il ne vient pas de Suisse ou de Californie, mais du Canada. Ce « trésor caché » — c’est son nom — est une tablette très particulière créée à partir de fèves de cacao sauvage très rare. Malgré cette rareté, vaut-il son prix (presque CHF 40.- pour une tablette de 50g !) exorbitant pour une expérience somme toute assez brève ? Je dois avouer que j’étais un peu sceptique malgré ma curiosité indéniable : la différence de prix avec un bon chocolat bean-to-bar vaut-elle vraiment le coup ?

Ayant déjà goûté de nombreux chocolats d’exception, créés par des artisans talentueux, j’ai déjà été impressionné par les saveurs et les émotions que peut provoquer un chocolat.

Le défi principal lorsque l’on goûte un nouveau chocolat est de laisser de côté ses a priori — bons ou mauvais — à propos de la marque, de l’emballage et bien sûr du prix… D’autant plus difficile dans ce cas. Au premier abord, j’ai été surpris par la teinte très claire, surtout pour un 80%, de ce chocolat. Le toucher mou, presque fondu, a été la deuxième surprise. Le nez semblait intéressant et prometteur, sans pour autant être renversant en terme de flaveurs ou d’intensité. Mais rien d’alarmant à ce stade, plusieurs grands chocolats cache leur effet jusqu’à la première bouchée.

Aussitôt que le chocolat a touché mes papilles, tout a changé : la texture soyeuse et douce s’est transformée instantanément en un bouquet intense de saveurs inattendues. Une touche épicée sur l’apex de la langue évoluait en une impression de cacao emplissant profondément chaque recoin de la bouche. C’est à ce moment que la magie a commencé à opérer : des notes incroyables ont commencé à apparaître, rappelant un vieux vinaigre balsamique. Parfaitement équilibré entre des touches de figue et de noix, ainsi qu’une texture de caramel mou crémeuse. La finale a su garder cet équilibre, ne s’effaçant que très lentement et laissant une impression cristalline dans mon souvenir. Difficile de croire qu’un chocolat aussi fort en cacao puisse créer une sensation aussi douce et intense à la fois.

Je n’ai jamais goûté un chocolat se rapprochant de près ou de loin à celui-ci.

L’emballage épuré et raffiné, ainsi que le papier doré protégeant la tablette accentue ce sentiment de luxe (calmé et volupté ajouterait Baudelaire). Vous avez fait le bon choix d’acheter cette tablette… non ? Si vous êtes à la recherche de douceur sucrée, sans prise de tête, passez votre chemin. Ce chocolat mérite bien plus qu’un morceau goûté à la va-vite. En revanche, si vous souhaitez découvrir de nouveaux horizons gustatifs qui resteront à vie, ce chocolat sera un candidat de choix. Oserez-vous l’associer à un morceau de parmesan longtemps affiné, à une tranche de tomate ou une gariguette ?

Comme mentionné par les producteurs sur l’emballage : « Un trésor gourmand à savourer lentement quand le monde va trop vite. » Plus qu’un chocolat, c’est acheter une expérience, un morceau d’éternité.

Avez-vous déjà dégusté quelque chose de semblable ou cette tablette ? Partagez vos impressions en commentaire.