Notes de fève, le chocolatier bean-to-bar de Matran

Laurent et Bastien Curty, cofondateurs de Notes de fève

C’est non loin de Fribourg, à Matran, que j’ai eu le plaisir de faire la connaissance de Bastien et Laurent Curty, frères et cofondateurs de la chocolaterie bean-to-bar Notes de fève. Leurs locaux regroupent l’atelier de fabrication et un espace de vente/dégustation accessible sur rendez-vous. Se déplacer pour leur rendre visite en vaut largement la peine. Retour sur la rencontre avec deux passionnés de chocolat.

Notes de fève a moins d’un an et pourtant vous proposez déjà une large gamme de chocolats, comment faites-vous ?

Laurent : A la différence de nombreux producteurs bean-to-bar en Suisse qui ont appris le métier par eux-mêmes, nous ne sommes pas partis complètement de zéro. J’ai une longue expérience en tant que chocolatier, notamment dans la recherche et le développement au sein de grands groupes suisses, dont Villars. Mon travail de la fève n’est donc pas nouveau et nous n’avons pas eu à tâtonner pour révéler le potentiel de nos cacaos. Je savais où nous allions. C’est un énorme avantage.

N’est-ce pas un peu paradoxal de passer de l’industrie à l’artisanat pour y appliquer votre expérience ?

Laurent : Non, au contraire. De nombreux chocolatiers qui travaillent dans l’industrie ont des connaissances du cacaos très utiles pour travailler même au niveau artisanal. C’est plutôt le fait que ce savoir ne soit pas utilisé dans la production à plus grande échelle qui est frustrant. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à créer Notes de fève. Ensuite, au-delà des choix commerciaux, le manque de formation est aussi présent dans les grands groupes, pas seulement chez les petits producteurs.

Bastien : Nous avons d’ailleurs des projets pour combler ce vide en terme de formation liée au cacao. Nous travaillons avec des hautes écoles pour prochainement proposer des cours pratiques dans la manufacture. Travailler la fève est indispensable pour passer de la théorie à la pratique, mais les écoles ne peuvent pas forcément investir plusieurs dizaines de milliers de francs en équipements pour un module de formation.

Contrôle de la torréfaction du cacao par Laurent Curty de chez Notes de fève.

Malgré ces investissements importants, est-ce que le fait que Notes de fève soit basé à Matran, hors d’une grande ville, vous permet de rester compétitif ?

Bastien : Nos tablettes de 70g coûtent 8,50 francs. C’est peut-être moins que d’autres bean-to-bar, mais cela reste un produit cher, comme tout chocolat éthique de qualité. Le fait d’avoir des locaux adaptés à un coût plus abordable qu’à Genève ou Zurich n’explique pas tout. En termes de prix, nous nous situons légèrement au-dessus des confiseurs. Nous avons donc fait le choix d’une grande transparence pour que les clients comprennent nos prix. Nous mentionnons par exemple le montant payé au producteur par kilo de cacao. Notre but est que le plus de personnes possible puissent s’offrir des chocolats de qualité, tout en rémunérant correctement les producteurs.

Vos emballages mentionnent aussi le millésime de la récolte, mais il est difficile d’y trouver le pourcentage de cacao. Pourquoi ?

Laurent : C’est un choix volontaire de notre part. Le pourcentage ne veut vraiment pas dire grand chose par rapport au goût du chocolat. Le millésime, le terroir et la façon de travailler les fèves sont les véritables éléments qui influencent le goût d’un chocolat. C’est pour cette raison que nous avons mis en avant le profil aromatique de chaque création. D’où aussi le nom de notre entreprise : Notes de fève.

Bastien : Cet accent sur le goût est vraiment notre marque de fabrique. Nous ne voulons pas faire de compromis sur la qualité gustative de nos tablettes. Nous testons systématiquement nos cacaos à toutes les torréfactions et tous les pourcentages, en lait et en noir. Claire [ndlr : la 3e associée], Laurent et moi dégustons nos essais et généralement, nous sommes tous les trois d’accord sur la façon de travailler chaque fève.

De gauche à droite, Laurent et Bastien Curty, deux des trois cofondateurs de la manufacture de chocolat.

Merci à Bastien et Laurent pour leur accueil et le temps passé à me faire découvrir leurs installations. Leur transparence sur leurs méthodes de travail est à saluer et illustre parfaitement toute l’expertise nécessaire pour réussir à produire un chocolat d’exception.

La note du sommelier
Exigent, mes proches diront sévère, je n'en suis pas moins toujours admiratif du travail des producteurs bean-to-bar, tant ils y investissent d'efforts. Cette fois-ci, j'avoue pourtant avoir été bluffé par le niveau gustatif, surtout si peu de temps après avoir lancé la production. Assurément un producteur à suivre de près, surtout compte tenu de leur énergie créative qui promet encore de belles surprises !

Flat White Coffee Chocolate par Naive de Vilnius en Lituanie

Flat White Coffee Chocolate Naive
  • Fèves : blend (tenu secret !)
  • Producteur de cacao : secret
  • Origine : Équateur
  • Pourcentage : 61%
  • Inclusions : chocolat au lait et café du Salvador torréfié en Lituanie

Notes de dégustation

La robe brun chocolat donne le ton, c’est un dark milk. Et ce quoi qu’en dise le nom de Flat White donné par Naive. Le nez trahit la présence de café, sans pour autant sacrifier l’impression de cacao. La casse plus molle ne laisse pas de doute : il y a aussi du lait ! En bouche, le café donne ouvre le bal, mais le chocolat n’est pas en reste. Commence alors un tango langoureux. Le chocolat distille des notes fruitées exotiques, qui viennent caresser celles du café torréfié. Le tout sans qu’aucune des deux sensations ne prenne le dessus. La trame est assurée par le fondant lacté qui sert de liant et équilibre la relation en révélant des notes de noix. Le lait ajoute également de la douceur, pour ne pas dire la tendresse. La longueur en bouche est belle, mais difficile à évaluer tant l’envie de se laisser emporter à nouveau est pressante.

Le petit plus : Des dires mêmes du maître chocolatier qui a conçu la tablette, goûtez-la avec un de ces fruit : pêches, pruneaux et abricots. Pour ma part, ce sera la pêche de vigne.

Flat White Coffee Chocolate Naive
J’étais naïf en pensant que je pourrais faire une photo de la tablette avant d’y goûter… L’effet de la Flat White Coffee Chocolate de Naive est terrible…

Mais encore… à propos de Naive et de ses chocolats

Vilnius, la capitale de la Lituanie, n’est pas la ville la plus réputée pour le chocolat… Pourtant, Naive illustre avec brio ce qu’une approche décomplexée du chocolat permet d’achever en terme d’excellence.

Le graphisme de l’emballage attire l’œil et annonce la suite du spectacle. L’intérieur offre une pléthore d’informations intéressantes, sans en faire trop. Puis, une fois révélée, la forme du chocolat interpelle et donne le temps de le regarder. Bien joué ! Finalement, le goût arrive en apothéose. L’expérience de cet ensemble est d’autant plus forte grâce à ce voyage bien pensé.

Gustativement, le mariage — le terme n’a jamais été aussi juste — du chocolat et du café est un exercice de style maîtrisé ici de façon impressionnante. Trop souvent les inclusions ne font que cohabiter avec le chocolat, sans le mettre en valeur. Ici, la gourmandise chocolatée s’associe à merveille au caractère du café pour le plus grand plaisir des papilles. S’amuser à identifier les notes lors de la dégustation est un vrai plaisir.

Cerise sur le gâteau, Naive produit ses chocolats grâce au commerce direct de cacao et réalise ses emballages à partir de matériaux recyclés. Mais mon point préféré reste le fait que le travail et la démarche du chocolatier soit expliqués et mis en avant. J’en oublierais presque ma frustration de ne pas en savoir plus sur l’origine du cacao et sa transformation…

Flat White Coffee Chocolate par Naive
Flat White Coffee Chocolate par Naive vue en entier grâce à DomCzekolady.

Pucallpa par la Chocolaterie de Gruyères en Suisse

Pucallpa de Chocolaterie de Gruyeres
  • Fèves : Non mentionné (probablement Trinitario local)
  • Producteur de cacao : Inconnu
  • Origine : région de Pucallpa, dans l’Amazonie préuvienne
  • Pourcentage : 75%

Notes de dégustation

La robe marron cacao profonde contraste avec le nez léger, plutôt fruité et acidulé. La casse est presque un peut trop effilochée, tant la tablette est fine. Attention, elle fond très facilement entre les doigts. En bouche, c’est heureusement plus lent. Vient d’abord une sensation de cacao, presque comme délayé dans de l’eau, qui domine avant que n’arrive une impression fruitée, mêlée de noix grillées (cacahuètes ?) et un je ne sais quoi de zeste de citron. La texture est très tannique, astringente et empli la bouche. La longueur n’a rien à envier en termes d’intensité et de caractère. Le terme de torréfaction douce semble presque incongru pour décrire cette tablette. Une création qui sort des sentiers battus en terme de goût et mériterait une torréfaction encore plus travaillée.

Le petit plus : Réservez ce Pucallpa de la Chocolaterie de Gruyère pour une dégustation en apéro avec un morceau d’Époisses pas trop affiné ou après le repas avec un verre de cognac.

Un format généreux pour la tablette Pucallpa de la Chocolaterie de Gruyère, mai très (trop ?) fin.

Mais encore… à propos de la Chocolaterie de Gruyères en Suisse

Haut lieu du tourisme helvétique, le village de Gruyères a trop longtemps été associé à la visite de la fabrique Cailler, non loin de là. Malgré tout le marketing déployé par la maison mère Nestlé, il s’agît bien de visiter une usine de production de chocolat industriel. Le fait qu’une chocolaterie à Gruyères même, qui plus est bean-to-bar, soit accessible aux hordes de touristes est donc une excellente nouvelle ! Mon regret principal est que l’artisan ne mette pas mieux en valeur son travail. Il ne fait nulle mention de la variété de cacao sélectionnée, de son origine et des détails de torréfaction et de conchage. C’est d’autant plus regrettable que dans l’usine industrielle voisine l’illusion de savoir d’où vient le cacao et comment il est transformé méprend à merveille les visiteurs. La Chocolaterie de Gruyères a pourtant tout pour faire mieux. Le chocolat suisse artisanal semble toujours être timide lorsqu’il s’agît de se démarquer.

La formule fonctionne malgré tout et la chocolaterie ne désemplit pas, proposant même des glaces en été. Attention toutefois aux étiquettes : plusieurs chocolats sont faits à base de couverture Felchlin,. Ils ne portent pas la mention bean-to-bar.