Quel est le meilleur pourcentage de cacao pour un chocolat ?

pourcentage cacao chocolat

Avez-vous déjà entendu des amateurs de vins disserter sur le taux d’alcool idéal d’un vin ? La question est a priori aussi absurde pour le chocolat, sauf pour des questions légales. Pourtant nombreuses sont les personnes qui posent la question de savoir quel est le meilleur pourcentage de cacao pour un chocolat. A défaut de l’exprimer aussi clairement, j’ai souvent entendu des prises de position très tranchées comme « je n’aime pas les chocolats en dessous de 80%. » Existe-il un taux de cacao parfait ?

Le pourcentage de cacao vu par les producteurs

Le producteur de chocolat aborde la création d’une tablette selon plusieurs angles. Bien sûr, le goût joue un rôle prépondérant. Les professionnels produisent des chocolats qu’ils apprécient pour pouvoir en vanter les qualités gustatives. Ils répondent également à la demande de leurs clients. De cet équilibre naît généralement une gamme de chocolats aux pourcentages de cacao variés. Dans le cas d’une tablette donnée, le choix est avant tout une question gustative issue de l’ajustement de nombreux paramètres : torréfaction, type de fèves, pourcentage de cacao, etc. Ce n’est donc qu’un paramètre parmi d’autres.

Au-delà du goût, les éléments techniques jouent aussi un rôle important dans le choix d’un taux de cacao. En effet, plus la masse de chocolat à travailler contient de cacao, plus les contraintes sont importantes. Par exemple, dans le cas d’un taux élevé, la qualité du cacao est primordiale. Les défauts se sentent d’autant plus. De même, le travail du cacao ne souffre d’aucune erreur. Une torréfaction trop forte et le goût de brûlé prend le dessus. Finalement, la masse de chocolat en devenir perd aussi en fluidité et la texture est plus difficile à travailler.

Les très nombreux chocolats avec un taux d’environ 70% représentent le choix d’un équilibre de base, plus aisé à atteindre. Un producteur bean-to-bar qui propose des pourcentages de cacao élevés (>85%) est généralement assez expérimenté pour le faire et dispose des bonnes fèves pour y parvenir. A ce sujet, jetez un œil sur le Trésor caché de Qantu et ses 80%, un vrai bijou.

Et les clients…

Si le taux d’alcool ne présage en rien de la qualité d’un vin ou d’une bière, il en est de même pour le chocolat. Pour choisir un chocolat d’un point de vue gustatif, le premier critère devrait être le type de fèves (l’équivalent du cépage). L’autre élément important est le producteur. Tout comme un vigneron aura son style, un producteur bean-to-bar imprimera sa patte à ses chocolats.

Le taux de cacao n’a-t-il alors vraiment aucune influence ? Pas complètement. En effet, il est possible de distinguer des grandes familles de pourcentage de cacao. En dessous de 60%, les chocolats les plus doux, entre 60 et 80 les chocolat classiques et au-dessus de 80 les plus intenses. Ces catégories aux limites très subjectives ont à peu près le même sens que la distinction entre les boissons à moins de 15 degrés, entre 15 et 30 et plus de 30. Il est possible d’apprécier des chocolats dans chacune de ses familles. Généralement, le choix se fait selon l’envie et les circonstances du moment. Tout comme une flûte de champagne s’apprécie dans un contexte différent que celui d’un whisky. Bien sûr à chacun son penchant personnel…

Le pourcentage de cacao est-il important pour le chocolat au lait ?

Avez-vous remarqué que je n’ai jamais explicitement parlé de chocolat noir ? Cette absence de distinction est volontaire. La question de savoir quel est le meilleur pourcentage de cacao pour un chocolat est souvent implicitement posée uniquement pour le noir. Pourtant, une catégorie s’impose de plus en plus depuis quelques années : le dark milk. Ce chocolat noir… au lait est un ovni. Techniquement, c’est un chocolat au lait du moment qu’il en contient. Dans la pratique, son taux de cacao plus élevé (>45%) en fait une sorte d’hybride.

Dans la même veine, de plus en plus de chocolats brouillent les frontières classiques. Ainsi il existe des chocolats 100% cacao qui pourtant ne contiennent pas que des fèves de cacao broyées… Comment ? Grâce au sucre de cacao. En effet, la pulpe de cacao contient du sucre qui peut être extrait et ensuite utilisé pour sucrer… le chocolat lors de sa production. C’est par exemple le cas du chocolat de couverture fruit de cacao de Felchlin.

chocolat à base de sucre de fruit de cacao
Chocolat à base de sucre de fruit de cacao.

Le chocolat rubis joue aussi les trublions avec son pourcentage de cacao élevé, alors qu’il est particulièrement doux. L’ajout de fruit de cacao traité selon un procédé secret pour en extraire le goût fruité et la couleur violette permettent cela.

En conclusion, à mon avis, le pourcentage de cacao d’un chocolat n’est à traiter que comme une information parmi tant d’autres et ne devrait pas être le principal critère de choix d’une tablette.

Peut-on utiliser le cacao pour faire autre chose que du chocolat ?

Erithaj sirop et vinaigre de cacao

Derrière cette question provocante se cache un monde de produits plus ou moins insolites, à découvrir, et qui méritent que l’on s’y attarde. En dix exemples, voici un inventaire à la Prévert de quels sont les usages du cacao… autres que le chocolat bien sûr !

Jus de cacao

jus de cacao Koa Suisse
jus de cacao Koa

L’usage le plus simple et le plus répandu dans certains pays producteurs de cacao est pourtant celui qui est le moins connu dans les pays consommateurs de chocolat : le jus de cacao. Comme tous les fruits, la cabosse de cacao contient de la pulpe appelée mucilage. Riche en eau, il peut être pressé pour donner du jus… de cacao ! La qualité et le goût du jus dépendent évidement de la variété du cacao utilisé et de sa maturation. A noter que le processus permet malgré tout d’extraire les fèves sans les abîmer. L’obstacle principal vient du fait de devoir consommer rapidement le jus ou de le pasteuriser. En Suisse, le couverturier Felchlin s’est associé à l’entreprise Koa pour en proposer selon un schéma responsable et durable.

L’usage du cacao sous forme d’alcool

Naná licor de cacau du Brésil

Il existe deux types d’alcools à base de cacao. Ceux qui distillent directement le jus de cacao pour produire de la liqueur de cacao et ceux qui utilisent les fèves de cacao soit pour les distiller, soit pour les infuser dans de l’alcool. Les alcools du premier types sont plus répandus en Amérique du Sud où le jus issu du pressage des cabosses de cacao peut être traité rapidement, la fermentation naturelle démarrant très rapidement et souvent de façon incontrôlée. L’autre type d’alcool utilise les fèves plutôt que le mucilage. Les fèves peuvent être infusées dans de nombreux alcools différents, du whisky à la vodka. Elles peuvent également être utilisées pour assaisonner un gin. Ce type de préparation alcoolique se trouve plus facilement sous nos latitudes, de nombreux producteurs bean-to-bar initiant des collaborations avec des distilleries locales.

Vinaigre de cacao

Vinaigre de cacao par Erithaj
Vinaigre de cacao par Erithaj

Qui dit fermentation d’un fruit, dit aussi possibilité de faire du vinaigre. Un usage plus inattendu du jus de cacao, mais qui n’en est pas moins gourmand. Un condiment surprenant pour les salades qui ravira les mordus de chocolat et laissera vos invités perplexes lorsqu’ils devront deviner de quel fruit est issu ce vinaigre ! Erithaj propose deux déclinaisons de ce produit : une version brute et l’autre affinée.

Sirop de cacao

Sirop de cacao trinitario du Vietnam par Erithaj

Si le jus est un des usages du cacao, il est bien sûr également possible d’en faire un sirop. Plus subtile qu’un succédané de chocolat décliné en sirop aux arômes artificiels, cette variante au cacao donnera toute sa richesse si elle est extraite d’un jus de cacao fin. A nouveau, c’est chez Erithaj qu’il est possible de s’en procurer facilement. A noter qu’ils proposent également des sirops de cacao associés à d’autres saveurs : ananas, citronnelle, gingembre, etc. On se prend à rêver de pouvoir faire une dégustation pour pouvoir comparer les sirops de cacao issus de de différentes plantations ou millésimes…

Confiture ou gelée de cacao

Gelée de cacao à partir de jus Koa
Gelée de cacao à partir de jus Koa

La plupart des fruits peuvent être transformés en confiture ou gelée… Le cacao ne déroge pas à la règle. Pour utiliser la pulpe fraîche, seul les pays producteurs peuvent s’y essayer, en revanche, avec le jus disponible sous nos latitude chacun peut tenter l’expérience en ajoutant de l’agar-agar… Compte tenu du prix du jus, l’exercice n’est toutefois pas donné, mais avouez que pouvoir proposer une confiture de cacao lors de votre prochain brunch ferait son petit effet… A défaut, pourquoi pas ajouter des éclats de cacao à votre confiture maison, par exemple pour remplacer la cannelle ?

Infusion de cacao

Recette infusion cacao glacé
Infusion de cacao glacé

Après avoir été torréfié, la fève de cacao est séparée de l’enveloppe, aussi appelée écorce. Ce résidu est riche en goût et contient une petite proportion de matière grasse. Il peut être infusé comme une tisane. Froid ou chaud, il constituera une boisson originale, avec beaucoup moins de calories qu’un chocolat chaud. Une fois infusées — jusqu’à plusieurs fois —, les écorces pourront être compostées ou utilisées comme terreau au jardin, voir ci-dessous. A noter que l’infusion peut aussi servir d’ingrédient pour réaliser cocktails, alcool et autres boissons créatives. L’infusion en vrac de chez Chocolats du Monde, qui vient d’une plantation au Costa Rica, est particulièrement gourmande avec ses notes rondes.

Produits de cosmétiques à base de cacao

Crème à base de cacao de la marque suisse Theobroma

Les vertus du cacao semblent inspirer les entrepreneurs suisses. C’est à Neuchâtel, fief historique de Suchard, que se trouve la marque de cosmétique Theobroma, qui comme son nom l’indique, utilise le produit du cacaoyer pour embellir ses clients. Les propriétés naturelles hydratantes du beurre de cacao sont en effet connues et sa richesse en anti-oxydants en fait un ingrédient idéal pour créer une ligne de cosmétiques. Une fois de plus la Suisse surf sur son image chocolatée de luxe, alors qu’aucun cacaoyer n’y pousse…

Médicaments avec du beurre de cacao

Le beurre de cacao est extrait directement en pressant les fèves

Les propriétés du beurre de cacao tel que sa relative stabilité dans le temps et le fait qu’il fonde à la température du corps en ont fait durant de nombreuses années un composant très apprécié de l’industrie pharmaceutique. En effet, c’est par exemple l’ingrédient naturel idéal pour produire… des suppositoires ! Un usage du cacao plutôt inattendu… Proche de la molécule de caféine, la théobromine présente dans l’amande du cacao a aussi longtemps été considérée comme faisant partie de la pharmacopée occidentale, avant d’en disparaître petit à petit. Aujourd’hui, le plaisir procuré par un carré de chocolat n’en fait pas moins un excellent complément prophylactique pour garder le moral !

Terreau de jardinage à base de cacao

Terreau à base d’écorces de cacao

Après le chocolat suisse, le terreau à base de cacao fabriqué en Suisse ! Des dires mêmes du fabriquant, il « donne au jardin et aux plantations un bel aspect soigné ». Une qualité vantée avant même de mentionner ses propriété répulsives envers les escargots… Un produit proposé par la marque Ricoter. A noter que si ce terreau est un excellent moyen de valoriser les déchets de l’industrie chocolatière, dans le cadre des cacaos fins bean-to-bar, il est bien plus intéressant d’utiliser les coques des amandes de cacao pour en faire des infusions, voir ci-dessus, avant de les composter ou de les utiliser dans son jardin.

Le… cacao lui-même !

Fèves de cacao séchées proposées par Erithaj

Que ce soit en poudre ou en amandes torréfiées, il se décline en différent produits de consommation directe. Simplement séchées, les fèves de cacao se mangent comme n’importe quelle noix. Leur amertume et finesse gustative va beaucoup dépendre de la variété de cacao et de la qualité de la fermentation et/ou du séchage. La poudre de cacao souvent utilisée en pâtisserie est généralement la moins intéressante en terme de propriétés. Elle est le résidu issu du pressage des amandes de cacao pour en extraire le beurre. On parle alors souvent de cacao maigre. De même, les fèves de cacao concassées, qu’on appelle les éclats ou nibs, sont aussi utilisées pour ajouter une touche croquantes et cacaotées à un chocolat ou une pâtisserie.

Le cacao ne sert qu’à faire du chocolat ? Pas vraiment semble-t-il. Quels usages du cacao connaissez-vous et/ou avez-vous déjà testées ? En connaissez-vous d’autres ? Répondez en commentaire.

Cacao préhistorique, l’origine méconnue du chocolat

Fruits de T. grandiflorum, T. bicolor, T. speciosum et du cacaoyer

Theobroma cacao est le nom latin du cacaoyer. Un arbre aussi apprécié pour ses fruits que méconnu. Longtemps, les biologistes n’ont décrit que trois sous-espèces ou variétés de cacao : criollo, forastero et trinitario. Plus récemment, le mouvement du bean-to-bar a mis en évidence l’immense variété des cacaos. De nos jours, créer un chocolat à partir d’un cacao rare/sauvage/perdu semble être un must pour proposer une expérience unique, authentique. Certains de ces chocolats apportent réellement une expérience hors du commun. Comme souvent avec mère nature, il y a bien plus à y regarder de plus près…

Si le cacao a commencé à intéresser l’humain il y a déjà quelques milliers d’années, l’histoire des cacaoyer est bien plus ancienne. Elle débute avec une fin, celle des dinosaures, il y a environ 65 millions d’années. Suite au changement climatique extrême provoqué par l’impact météoritique, après quelques millions d’années, la vie a repris ses droit et a même explosé grâce à un climat plus chaud. Cette période — également berceau des mammifères que nous sommes — a donné naissance à de nouveaux arbres, dont ceux de la famille theobroma. Aujourd’hui, cette lignée compte environ vingt espèce, dont le cacaoyer commun.

Fruits de quatre espèces de 4 – le cacao commun est la 4e cabosse en partant de la droite.
(Wikipedia, Roy Bateman)
Fruits de quatre espèces de 4 – le cacao commun est la 4e cabosse en partant de la droite.
(Wikipedia, Roy Bateman)

Origine fossiles du cacao

Les balbutiements de theobroma ne sont pas bien connus en raison du manque de fossiles. Leurs empreintes sont non seulement rarement préservées, mais sont aussi difficiles d’accès, enfouies sous l’épaisse forêt vierge tropicale. La plupart se présente sous forme de fossiles de graines ou de feuilles. Une grande partie des découvertes de cette période a été possible grâce à la mine de charbon de Correjon coal en Colombie. C’est qu’on été découverts de très nombreux fossiles non documentés. Ce site archéologique a révélé un environnement préhistorique très riche, notamment avec des arbres fruitiers encore présents aujourd’hui, dont le cacaoyer.

La faune était également abondante. Les premiers cacaoyers poussaient entourés d’animaux réellement gigantesques, à l’instar du titanoboa, un méga-serpent pouvant atteindre 15 mètres de long. (1)

Nombre de ces animaux ont disparu en raison d’une période climatique encore plus chaude. Heureusement, les theobroma ont eu le temps de s’adapter et ont pu survivre jusqu’à nos jours. Actuellement, il y a une vingtaine d’espèce d’arbres ayant un lien de parentée fort avec le cacaoyer, tel que theobroma bicolor ou theobroma grandiflorum, respectivement connu sous leur noms vernaculaires de mocambo et cupuaçu. Tous deux étaient cultivés en parallèle du cacao par les premières cultures sud-américaines et sont encore utilisés en Amazonie aujourd’hui. Par exemple, le cupuaçu est connu pour son beurre, similaire à celui du cacao, mais plus riche.

Beurre de cupuaçu (Wikipedia, P.S. Sena)
Beurre de cupuaçu (Wikipedia, P.S. Sena)

Au-delà de la nécessité de préserver cette biodiversité et de maximiser nos chances d’avoir du chocolat dans le futur, cette variété de fruits représente un potentiel intéressant pour les chocolatiers bean-to-bar. En utilisant ces ingrédients proches du cacao, mais différents, les producteurs peuvent enrichir d’autant plus la palettes des outils à leur disposition pour proposer de nouvelles saveurs, de nouvelles textures. La question reste alors de savoir quand est-ce qu’il sera possible de goûter des chocolats « préhistoriques » ?

(1) https://www.youtube.com/watch?v=ZPL_TmJdKvU (en anglais)