Cacao cérémoniel, qu’est-ce que c’est ?

Cacao cérémoniel et cacao de cérémonie

Si les amateurs connaissent la cérémonie du thé au Japon ou encore la cérémonie du café en Éthiopie. Mais saviez-vous qu’il existe aussi du cacao cérémoniel ? Nouvelle tendance mercantile, retour aux origines du cacao, ou encore approche bien-être basées sur les vertus du cacao… Je vous propose de découvrir en quoi consiste le cacao cérémoniel.

Des origines à aujourd’hui

Les populations précolombiennes ont d’abord consommé le cacao sous forme de boisson. Fortement ritualisée et puis associée classes supérieures chez les Aztèques, cette consommation a même valu aux fèves de cacao de devenir monnaie d’échange. Broyé, le cacao était transformé en boisson et associé à différentes épices, dont la vanille. Force, courage, vitalité… les vertus du breuvage étaient nombreuses. Ces propriétés exceptionnelles vaudront même à Cortès de se faire servir du cacao en présence de Moctezuma dans une coupe d’or.

Alors appelée xocolatl, la boisson n’est ni sucrée, ni ne semble complètement convaincre gustativement les premiers Européens. Toutefois, le décorum et le rituel entourant le cacao marquent les esprits. C’est ainsi que le cacao entame sa conquête du monde en commençant par les cours européennes. Sa démocratisation transformera aussi les pays producteurs qui se tourneront de plus en plus vers une agriculture intensive du cacao. De même, l’influence européenne – encore ! –, vaudra à de certains pays producteurs de cacao de se détourner de leur tradition et d’adopter en partie la culture contemporaine du « chocolat chaud » et sucré. Un comble.

Aujourd’hui, avec le tourisme qui permet de découvrir les coutumes locales et le renouveau de la culture du cacao, un nouveau produit apparaît : le cacao cérémoniel. Du cacao « adapté » à la cérémonie du cacao. Reste une question majeure en suspens : qu’est-ce que cette cérémonie ? Historiquement, si les récits abondent, ils sont surtout rapportés par les Européens, donc avec certains biais, et occultent certains détails comme les quantités exactes. De même, les traditions locales actuelles évoluent et se teintent naturellement de nombreuses influences. C’est pourquoi, il n’existe pas de cérémonie « officielle », quoi qu’en disent certains gourous.

Recette pour la cérémonie du cacao

Ingrédients
- fèves de cacao (torréfiées ou non)
- fécule de maïs
- eau
- épices des Amériques (piment, poivre de Jamaïque, vanille)

Ingrédients optionnels
- autres épices (cannelle, gingembre, clous de girofle, etc.)
- sucre, miel, sirop d'érable, mélasse

Moudre les fèves pour en faire une pâte, diluer dans de l'eau chaude, épaissir avec de la fécule de maïs, assaisonner et sucrer selon préférences, fouetter pour faire mousser, déguster chaud, tiède ou froid selon envie.
Cacao cérémoniel
Cacao cérémoniel ou chocolat chaud ? Photo de Melody Zimmerman via Unsplash.

Les supposées vertus du cacao cérémoniel

Souvent associé à des pratiques ésotériques ou de bien-être, le cacao cérémoniel surfe sur la vague des « aliments santé ». Des affirmations à prendre avec circonspection, tout comme les antioxydants du chocolat, qui n’apportent de bénéfices que dans le cadre d’une alimentation équilibrée. De même, si la cérémonie se déroule dans un cadre propice à la détente, voire à la méditation, ses effets sur le stress seront bénéfiques. Mais il ne faut pas y chercher autre chose et en particulier des vertus curatives miraculeuses.

A ce titre, deux approches s’opposent : l’utilisation de cacao dit cru ou torréfié. L’usage de la variante « crue » préserverait plus de « bonnes » propriétés du cacao. Outre le fait que le cacao cru est malgré tout fermenté, donc chauffé à près de 45-50°C, certains arôme ne sont présent qu’après torréfaction et inversement. Il s’agît donc essentiellement d’une question gustative. De même, l’ajout ou non d’épices non-traditionnelles (voir recette ci-dessus) ou d’éléments sucrants fait couler beaucoup d’encre. Là encore, laissez-vous plutôt guider par le plaisir des sens. Un produit de qualité, sans conservateurs, vaut mieux que son pendant industriel.

Où trouver du cacao cérémoniel ?

Mais en fait… La recette parle de fèves de cacao, pas de cacao cérémoniel ! Flairant le bon filon, plusieurs producteurs commercialisent du cacao déjà prêt à l’emploi. C’est-à-dire de la pâte de cacao broyé, soit en pot, soit sous forme de…. tablette. Certains y ajoutent déjà des épices et/ou du sucre. D’autres laisse ce soin aux clients. Dans tous les cas, la préparation est à faire fondre dans de l’eau chaude, voire du lait. Vous trouvez aussi que cela ressemble étonnement à un chocolat chaud agrémenté d’épices ? Rien d’étonnant…

Reste le plaisir du rituel – encore et toujours ! – dont on aurait tort de se priver. A ce titre, tenter l’expérience soi-même vaut la peine. Achetez des fèves de cacao, faites les passer à la moulinette, affinez votre mélange et laissez la magie de l’effort et de la découverte vous emporter. Pour les fèves de cacao, de nombreuses épiceries en proposent, tout comme vos producteurs bean-to-bar préférés, qui vous permettront d’en obtenir de meilleure qualité en terme de goût.

Et vous ? Quelle est votre recette personnelle préférée ? Partagez vos découvertes en commentaire.

Crédit photo principale : Pablo Merchán Montes via Unsplash.

Y aurait-il du chocolat sans la disparition des dinosaures ?

Dinosaure gâteau chocolat

La question semble ridicule. Chocolat, dinosaures : impossible d’envisager les deux ensemble. Bien sûr, si les dinosaures étaient restés les maîtres de la planète, les humains ne seraient pas apparus – en tous cas sous leur forme actuelle. Donc, nous n’aurions pas été là pour fabriquer le chocolat. Fin de l’histoire. Enfin, pas vraiment…

L’impact météoritique qui a entraîné la disparition des dinosaures a provoqué de nombreuses répercussions sur notre planète. En effet, en décimant de nombreuses espèces animales et végétales, de nombreux écosystèmes ont été complètement remodelés. Ainsi, il se pourrait que la catastrophe ait bénéficié d’une façon inattendue au cacaoyer…

Vin, chocolat et dinosaures, une même histoire ?

L’enquête commence en Amérique du Sud, avec une équipe de paléobotanistes. Un chercheur américain, Fabiany Herrera, est à la recherche d’un fossile aussi mythique qu’insaisissable. Celui du grain de raisin… Difficile à trouver au milieu des roches de par sa taille, précieux, car permettant de retracer l’histoire de cette plante emblématique pour l’humain qu’est la vigne.

En 2022, Fabiany et ses collègues font une percée dans les Andes colombiennes. Ils y découvrent un fossile particulièrement ancien. Pour confirmer qu’il s’agît bien de raisin, c’est au scanner médical qu’ils sondent leur trouvaille pour en révéler la structure. Poursuivant leurs efforts, ils parviennent à identifier neuf nouvelles espèces de raisin à travers l’Amérique du Sud, remontant entre 19 et 60 millions d’années. Ce travail leur permet de brosser le tableau de l’évolution de cette plante sur ce continent.

Ainsi, ils expliquent qu’avec la disparition des dinosaures, les forêts changent drastiquement. La croissance des arbres n’est plus ralentie par ces géants qui façonnaient les forêts à leur passage. Elles deviennent de plus en plus denses. C’est pourquoi, la lumière devient aussi de plus en plus difficile à atteindre pour de nombreuses plantes. A défaut de pousser assez vite, certaines espèces développent de nouvelles stratégies . Ainsi, la vigne grimpe pour gagner en hauteur et en exposition à la lumière. De même, ses fruits sont facilement disséminés grâce aux oiseaux, ce qui lui permet de coloniser de larges régions.

Fossile de Florissantia quilchenensis
Fossile de Florissantia quilchenensis, une fleur de la même famille que le cacao. Crédit Wikipedia.

Et le chocolat alors ?

Ce changement d’environnement a aussi certainement affecté le cacao préhistorique et pourrait expliquer les caractéristiques actuelles des cacaoyers. En effet, malgré le fait qu’il soit une plante tropicale, le cacaoyer n’est pas adapté aux environnements en plein soleil. Bien qu’atteignant 12 à 15 mètres à l’état sauvage, sa hauteur n’est pas suffisante pour concurrencer les espèces plus grandes. C’est donc un arbre ayant besoin de conditions ombragées. Un héritage peut-être venu de ces forêts sans dinosaures.

Pour compenser la manque de lumière, le cacaoyer tire du sol une partie de l’énergie dont il a besoin. C’est pourquoi il nécessite des sols riches. Ces caractéristiques en font un arbre fruitier peu adapté à l’exploitation intensive. Ainsi, en monoculture, il épuise les sols, qui après quelques années ne sont plus fertiles. De même, pour l’exploiter, il aura fallu un important processus de sélection pour les rendre plus résistant au soleil direct. Mais si la variété industrielle, appelée CCN51, permet de planter du cacao sur des parcelles défrichées, elle ne répond pas aux problèmes de l’épuisement des sols. Sans mentionner les ravages liés aux parasites et autres champignons qui prolifèrent sur ces parcelles à faible biodiversité, et rendant les cultivateurs dépendants des fongicides et des engrais.

Finalement, les meilleurs cacaos sont issus de l’agroforesterie où la symbiose avec d’autres espèces permet un bon équilibre. Au-delà des aspects environnementaux, ces cacaos sont aussi souvent plus riches d’un point de vue gustatif. De quoi nous encourager à cultiver l’héritage légué par un certain astéroïde, qui, il y a environ 65 millions d’années, changeait la donne pour le cacao… et les humains.

Crédit photo image principale : Silvana Mool.

Pourquoi torréfier le cacao pour faire du chocolat ?

pourquoi torréfier le cacao

Parmi les différentes étapes de production du chocolat, la torréfaction est souvent citée en exemple. Deux raisons à cela. Premièrement, la plupart des producteurs de chocolat exercent leur métier loin des plantations de cacao. Ils apportent leur savoir-faire seulement à partir de cette étape. Deuxièmement, se dire chocolatier-torréfacteur permet de se distinguer des chocolatiers dits classiques, qui ne font que travailler du chocolat de couverture, sans transformer eux-mêmes le cacao. Mais, au fond, pourquoi torréfie-t-on le cacao ?

Besoin physico-chimique

Le fait de torréfier le cacao influence ses propriétés physiques et chimiques. D’une part, la torréfaction permet de décoller plus facilement la peau de l’amande de cacao pour ensuite s’en défaire. Faute de quoi la texture du chocolat changerait. Paradoxalement, et contrairement à ce que de nombreux torréfacteurs artisanaux pensent, la torréfaction ne baisse pas significativement le taux d’humidité des fèves. Ce taux est surtout tributaire du séchage des fèves dans le pays de production du cacao.

D’autre part, la torréfaction influence également les molécules du cacao. Elle a ainsi un effet sur son goût. Le phénomène à l’œuvre qui a le plus d’impact à cette étape s’appelle la réaction de Maillard. A distinguer de la caramélisation, cette réaction est typique des phénomènes de cuisson qui exhalent le goût et les odeurs des aliments. Dans le cas du cacao, cette étape va avoir plusieurs actions. Premièrement, elle change la couleur du cacao. Passant du brun clair au brun chocolat, la fève acquiert ainsi sa robe iconique. Deuxièmement, le goût gagne en intensité, notamment en astringence. En effet, les changements de concentration d’antioxydants jouent un rôle dans cette variation de couleur et de goût.

Cacao torréfié et cru
De gauche à droite, cabosse de cacao, cacao cru, cacao torréfié et torréfié sans sa peau. Crédit : Chansom Pantip.

Torréfier le cacao, une étape cruciale et un savoir-faire unique

Sur le papier tout semble clair. Pourtant, trouver l’équilibre est un savoir-faire qui demande beaucoup de pratique. Trop torréfié, le cacao devient amer, voire brûlé. Pas assez, il manquera d’intensité. Cette étape permet au chocolatier d’imprimer son style au cacao. Le processus est également plus complexe qu’il n’y paraît. Particulièrement sensibles, certains cacaos ne tolèrent pas plus de quelques dizaines de secondes d’écart avant d’être trop torréfiés.

La température, la durée, l’humidité de l’air, la taille et le type de fèves de cacao déterminent les caractéristiques précises de la torréfaction. Généralement, pour le cacao, la réaction de Maillard ne débute qu’au-delà de 100°C et est la plus effective au-dessus de 130°C. C’est pourquoi les torréfacteurs font souvent varier la température au fil du temps. Ils peuvent ainsi exprimer le meilleur du cacao, tout en s’assurant d’une torréfaction uniforme malgré la diversité relative des fèves. Une torréfaction plus légère exprime plus les arômes fruités du cacao, alors que plus forte, elle mettra l’accent sur les notes plus intenses et plus umami.

Tableau comparatif des différentes conditions de torréfaction de trois cacaos différents.
Tableau comparatif des différentes conditions de torréfaction de trois cacaos différents. Il est surtout intéressant de noter pour la 2e cacao, le changement significatif de composition en passant d’une torréfaction de 120° à 135°C. Crédit : Joanna Oracz & Ewa Nebesny.

Ainsi, lorsqu’un artisan indique un type de torréfaction — douce, intense —, voire une température et une durée, il ne trahit pas son secret. En effet, sans plus de précisions, il n’est guère possible d’en faire quoi que ce soit. En revanche, ce faisant, il met non seulement en avant son travail, mais il facilite la comparaison et la compréhension par le consommateur.

Cacao torréfié, cru ou pasteurisé

Le chocolat torréfié est souvent opposé au chocolat dit cru ou raw. Toutefois, si le cacao utilisé pour produire ces chocolats n’est pas à torréfié, cela ne signifie pas qu’il n’a pas été chauffé durant sa fermentation, puis pour être transformé en masse de chocolat liquide.

En revanche, les cacaos travaillés par les industriels sont rarement torréfiés. Plus souvent pasteurisés que torréfiés. En effet, pour se débarrasser des moisissures et des bactéries de ces cacaos, les entreprises chauffent brièvement les fèves à haute température, à plusieurs centaines de degrés. Si elle garantit la sécurité alimentaire du cacao, cette façon de faire détruit les composants les plus volatils qui font le goût subtil des chocolats artisanaux de qualité.

La note du sommelier
Poser des questions sur la torréfaction du cacao est un excellent moyen pour s'assurer que votre interlocuteur réalise bien lui-même son chocolat de la fève à la tablette. Avec le temps, vous pourrez aussi identifier quel style vous convient plus. 

Pour aller plus loin, notamment en se plongeant dans les détails techniques, cet article scientifique publié par deux chercheuses dans la revue European Food Research and Technology en 2018 regorge d'informations.

Pénurie de cacao : va-t-on manquer de chocolat ?

Pénurie de cacao et de chocolat

Selon le Robert, le luxe se définit comme un « mode de vie caractérisé par de grandes dépenses consacrées au superflu » ou autrement dit, le « caractère coûteux, somptueux (d’un bien, d’un service). » Une définition qui correspond bien à un produit qui est tout, sauf vital. Quoi qu’en disent certains amateurs de chocolat. Dès lors se pose une question aussi frivole que lancinante : s’il y a pénurie de cacao, risque-t-on de manquer de chocolat ?

Finitude de la quantité de cacao

La quantité de cacao produite dans le monde ces dernières années équivaut environ à 5 millions de tonnes selon la Plateforme suisse du cacao durable. Un chiffre qui ne veut pas dire grand chose pour les consommateurs que nous sommes. S’il faut environ un kilo de cacao pour une plaque de chocolat noir, cela signifie que la production mondiale permet d’en produire environ 5 milliards. Dans le faits, vraisemblablement plus du double pour tenir compte des chocolats avec moins de cacao. Gigantesque, non ? Néanmoins, rapporté à la population globale, cela représente environ une tablette par personne et par an. Un chiffre plus si extravagant.

Mais alors, se dirige-t-on vers une pénurie de cacao et de chocolat ? Non. La tendance de ces dernières années est à une augmentation de la production mondiale de cacao. La production a plus que doublé ces 20 dernières années. Toutefois, il n’est pas possible de se fier à cette dynamique pour faire des prévisions fiables à moyen et long terme.

Diminution de la production ne signifie pas pénurie de cacao

Les effets du changement climatique impactent de nombreux domaines de l’agriculture, en particulier en milieu tropical. La culture du cacao ne fait pas exception. De même, en Afrique où est produite la majorité de cacao bon marché, le vieillissement des agriculteurs et le manque de relève dans les plantations fait craindre une baisse de production supplémentaire.

Cette diminution de la productivité est et sera en partie compensée par l’émergence de nouveaux acteurs dans d’autres pays. Ces initiatives voient le jour soit grâce à des entreprises privées, soit grâce au soutien étatique qui cherche à créer de nouvelles filières cacaoyères. Reste qu’à plus long terme, la productivité va s’amoindrir. Même s’il est aujourd’hui difficile d’estimer quel sera l’impact sur la production mondiale, une pénurie semble peu vraisemblable à moyen terme.

Faut-il en être rassuré ? Non plus, car avec la mondialisation, la consommation de cacao augmente. Si certains pays comme la Suisse en consomment moins, les marchés asiatiques tirent la tendance à la hausse. Il est donc probable qu’entre augmentation de la demande et berne de la productivité, à moyen terme, les prix augmenteront.

Pénurie de cacao, les producteurs mieux rémunérés ?

Cours du cacao à la bourse
Fin 2023 et début 2024, les cours du cacao à la bourse s’envolent. Faisant plus que doubler sur un an. Y a-t-il pénurie ?

La situation semble jouer en faveur d’une meilleure rémunération des producteurs de cacao. Un a priori qui n’est qu’en partie vrai. En effet, le prix de la bourse met un certain temps à se répercuter jusque sur le terrain. De même, les changements climatiques et sociaux vont obliger les cacaoculteurs à soit investir dans des variétés plus résistantes, soit à augmenter leur dépendance aux intrants chimiques, voire les deux. Leur niveau de vie et la pénibilité de leur travail ne vont donc pas forcément changer, au contraire. La source du problème réside dans notre consommation d’un cacao peu cher, au prix dicté par les grands industriels. Le prix réel du chocolat devrait être bien différent de ce que nous connaissons.

Rareté des bons cacaos

Quid des chocolats dits bean-to-bar ? Leur filière mieux contrôlée est-elle le gage d’une sécurité de l’approvisionnement en cacao ? A court et moyen terme, très probablement. Reste que les effets liés au climat impacteront tout le monde et la hausse globale du nombre d’amateurs de chocolat augmente aussi le nombre d’amateurs prisant le bean-to-bar. La rareté et la demande dictent les prix, qui vont donc logiquement monter.

Si l’effet de correction des prix pour le consommateur occidental sera moindre dans le domaine du chocolat de qualité, il y a fort à parier que la différence pour les chocolats de grande consommation sera bien plus grande. Nous découvrirons alors ce que représente le coût réel du chocolat. Un tableau bien sombre, mais qui laisse encore de la place à l’espoir. Aujourd’hui, il est encore possible de changer le cours des choses en minimisant l’impact de nos activités et celui de nos sociétés sur le climat. Bonne nouvelle : chaque tablette de chocolat compte, alors mangez futé !

Crédit image principale : Freepik

Quel pays produit le meilleur cacao ?

Quel pays produit le meilleur cacao

Les publicités vantent souvent l’origine du chocolat ou plutôt de son cacao. Mais alors… quel pays produit le meilleur cacao ? Peut-on choisir son chocolat en fonction du pays d’origine du cacao ou faut-il se fier à d’autres critères ? Je vous propose de répondre à ces questions pour vous permettre de mieux choisir vos chocolats, tout en évitant les pièges du marketing.

Quels pays produisent du cacao ?

Deux pays assurent plus de la moitié de la production mondiale de cacao : la Côte d’Ivoire et le Ghana. Toutefois, cette masse est essentiellement destinée à la production de chocolat industriel. En réalité, la liste des pays qui produisent du cacao transformé en chocolat est bien plus grande !

Carte des pays producteurs de cacao
Carte des pays producteurs de cacao. Source : Plate-forme suisse du cacao durable

En plus des pays ci-dessus, il faut citer l’Angola, l’Australie (Queensland), le Belize, le Bénin, la Birmanie, le Burundi, Le Cambodge, les États-Unis (Hawaï), la Jamaïque, le Kenya, le Laos, le Malawi, la République centrafricaine, le Rwanda, le Salvador, Sao Tomé, Taïwan, la Zambie, le Zimbabwe, ainsi que de nombreuses îles du Pacifique et des Caraïbes. Bref, quasiment chaque pays bénéficiant d’un climat tropical.

Y a-t-il des pays qui produisent du meilleur cacao que d’autres ?

Si la production de cacao se situe surtout en Afrique, l’arbre fruitier est originaire du bassin amazonien, en Amérique du Sud. Encore aujourd’hui, cette filiation vaut une meilleure réputation aux cacaos d’Amérique du Sud. Pourtant, alors que certains pays comme l’Équateur produisent actuellement presque 10% du cacao mondial, il est évident que toutes les fèves du pays ne se valent pas en terme de qualité.

En réalité, dans le cas des chocolats produits à partir de cacao d’Amérique du Sud, il vaut mieux prêter attention à la mention soit des variétés de cacao précisément identifiées, soit des origines géographiques très précises. En effet, un type de cacao très précis est généralement synonyme de la provenance d’une plantation ou d’une région spécifique. Cette traçabilité est de bon augure quant à la qualité du travail du cacao. A contrario, les fèves de moins bonne qualité finissent souvent mélangées avec d’autres. Ainsi, elles peuvent se perdre sous l’appellation très vague d’un seul pays.

De même, certains pays considérés comme quelconques en terme de qualité de cacao réservent de belles surprises. Ainsi, au Ghana, la ferme Sronko produit un cacao particulièrement fruité, interprété notamment par Garçoa de Zurich.

Et les régions ?

S’il est impossible de déterminer quel pays produit le meilleur cacao, qu’en est-il de régions plus spécifiques ? Si certaines semblent plus intéressantes de part leur variété locale de cacao, gare aux généralités ! Ainsi au Pérou, dans la région de Curimana, la coopérative Comité Central con Desarollo al Futuro de Curimana produit un excellent cacao d’une variété… commerciale. Une fois encore, la qualité du travail à l’échelle des producteurs fait la différence.

Finalement, il faut également distinguer le travail du cacao dans la plantation de l’interprétation des fèves de cacao par le chocolatier-torréfacteur. Selon le talent et les affinités des chocolatiers, un même cacao donnera un chocolat très différent. De même, les préférences personnelles et l’envie du moment feront varier les préférences en termes de chocolats et de cacaos. Parler d’un pays qui produit le meilleur cacao du monde n’a donc pas de sens.

La note du sommelier
Personnellement, je choisis rarement un chocolat en fonction de l'origine de son cacao. A deux exceptions près. Premièrement, lorsque la région ou la plantation me rappellent un bon souvenir. Deuxièmement, lorsque je ne connais pas encore l'origine en question. Curiosité oblige. Récemment, j'ai ainsi découvert la richesse des origines présentes au Brésil. A noter aussi qu'il existe des modes, de nouvelles "destinations", qui gagnent en visibilité sur la scène bean-to-bar grâce à un prix ou un reportage. Si l'original déçoit rarement, les suivants sont très variables en terme de qualité.

Crédit image principale : Les chocolats de Nicolas / Macrovector / Wikicommons

Quel est l’impact du chocolat sur l’eau, une ressource menacée

Quel est l'impact du chocolat sur l'eau

Le climat occupe régulièrement les discussions des amateurs de chocolat. Que ce soit en raison de la déforestation liée à la culture du cacao ou du CO2 émis par son transport, l’impact est une évidence. Depuis peu, les discussions intègrent également une nouvelle dimension : l’impact du chocolat sur l’eau. Quelle est son utilisation des ressources en eau ? Le constat semble sans appel : le chocolat ferait partie des pires élèves.

Mesurer la quantité d’eau nécessaire à la production d’aliments permet de comprendre les conséquences de nos habitudes de consommation. Ainsi, un fruit ou un légume qui pousse dans une région désertique consomme de l’eau d’irrigation. De même, un animal boit de l’eau, mais mange aussi souvent un fourrage qui pousse aussi grâce à l’irrigation.

Dès lors, qu’en est-il réellement pour le chocolat ? De quels éléments faut-il tenir compte ?

L’impact du chocolat sur l’eau

Régulièrement décriée, la viande rouge caracole en tête des classements, avec près de 15’000 litres d’eau nécessaires pour produire un kilo. Une valeur à comparer au 300 litres utilisés en moyenne pour produire un kilo de légumes. Quid du chocolat ? Avec 17’000 litres par kilo, l’impact du chocolat sur l’eau est phénoménal… Et encore, il s’agît d’un chocolat noir avec seulement 60% de cacao. En effet, à 100%, on frôle les 24’000 litres le kilo.

S’il semble que la quantité consommée de chocolat soit plus faible que celle de viande, ces valeurs sont malgré tout énormes. Mais d’où viennent ces chiffres ? Mis en avant par l’association Water Footprint Network, ils sont tirés d’une étude scientifique. Sérieux, ce travail est disponible ouvertement et s’appuie sur des données publiques, notamment d’agences onusiennes. De plus, il a été publié dans une revue scientifique avec comité de relecture et est abondement cité.

Impacts de l’eau verte, bleue et grise

Toutefois, il faut regarder la situation plus en détails. En effet, les chercheurs mentionnent trois types d’empreinte d’eau : verte, bleue et grise. La verte est l’eau provenant des précipitations et directement utilisée par les plantes. Elle est particulièrement importante pour les produits agricoles. La bleue est l’eau prélevée des stocks souterrains ou de surface, par exemple pour l’irrigation. La grise est l’eau nécessaire pour assimiler les polluants, notamment les fertilisants.

Dans le cadre du chocolat, l’essentiel de l’impact hydrique se joue au niveau de l’eau dite verte, soit celle apportée par la pluie pour arroser les cacaoyer ou la canne à sucre. Ainsi, 98% sont verts et les 2% restants se divisent à part égales entre eaux bleue et grise. Le cacao poussant dans des régions tropicales, cette eau de pluie fait partie du cycle naturel de l’écosystème dans lequel l’arbre se trouve. Fin de la discussion, le problème n’en est pas un… non ?

Pas vraiment. Effectivement, l’essentiel du cacao transformé en chocolat provient de cultures intensives. La déforestation qui en découle affecte l’écosystème, qui devient plus fragile, notamment en termes de ressources en eau. Cette situation est particulièrement visible sur la carte de l’impact de l’eau verte qui illustre l’article scientifique.

Carte mondiale de l'impact des cultures sur l'eau
En haut à gauche, la carte de l’impact de l’eau verte illustre bien les disparités entre pays cultivateur de cacao. Ainsi, en Afrique, le Ghana et la Côte (cercle) d’Ivoire subissent plus fortement l’eau verte, qu’un pays comme le Venezuela (rectangle) en Amérique du Sud.

Une situation qui évolue

Le choix d’un chocolat produit à partir de cultures de cacao durables est donc primordial. Malgré tout, il faut tenir compte d’inconnues supplémentaires. En effet, l’étude citée date de 2010 et examinait la période météorologique de 1996 à 2005. Compte tenu des effets rapides du changement climatique, les conclusions peuvent elles aussi changer. Ainsi certaines régions de l’Amazonie, pourtant connues pour leur climat tropical humide, souffrent aujourd’hui de sécheresse.

De même, ceux qui souhaitent faire pousser du cacao en laboratoire ne résoudront pas cette problématique. L’impact du chocolat sur l’eau ne serait que déplacé. Finalement, il s’agît non seulement de manger mieux, mais aussi moins. Le but est de respecter les ressources naturelles de notre environnement. C’est-à-dire l’écosystème dans lequel pousse le cacao.

Image principale tirée d’Abstral Official.

Peut-on faire du chocolat sans cacao ?

Chocolat sans cacao

La question peut sembler saugrenue. Pourtant, elle n’est pas anodine : peut-on réellement faire du chocolat sans cacao ? Entre chocolat de laboratoire et produits naturels de substitution, le chocolat semble être menacé de toutes parts. Qu’en est-il réellement et connaissez-vous les alternatives ? Découvrez les dernières tendances dans le domaine.

Cupaçu et les autres cousins du cacao

Si le cacao est roi, il n’est pas le seul de la famille des arbres fruitiers theobroma. Ses cousins donnent également des fruits intéressants. Le theobroma grandiflorum produit le cupuaçu et le theobroma bicolor le mocambo. De façon similaire au cacao, un artisan peut transformer ces fruits en tablettes. Curieux ? Je parle du goût de ces produits au cupuaçu et au mocambo dans cet article.

Malgré tout, il faut rappeler que, légalement, pour être appelé chocolat, une tablette doit contenir du cacao. Ces créations n’en sont donc pas techniquement parlant. Au-delà de ces considérations réglementaires, ces produits sont une option intéressante pour découvrir un « chocolat » sans cacao. Bien que peu répandus, ils tendent à gagner en visibilité auprès des adeptes de nouvelles tendances.

Le café pour du chocolat sans cacao ?

Le chocafé est un autre prétendant au titre de tablette sans cacao. Avec cette approche, l’idée consiste à remplacer la pâte obtenue à partir des fèves de cacao par de la pâte de grains de café. Ainsi, en Suisse, Coffola propose une tablette de ce genre. Le tendance existe également dans les pays producteurs de cacao et de café, comme par exemple en Équateur. Là-bas, on peut citer le producteur bean-to-bar Mashpi qui réalise une création de ce type.

Tablette de café de Mashpi - coffee chocolate bar - un concurrent du coffola
Tablette de café de Mashpi – coffee chocolate bar – un concurrent du coffola pour du chocolat sans cacao… ou presque. Crédit : Mashpi Chocolate.

Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, le résultat contient du cacao. En effet, c’est le beurre de cacao qui sert de liant pour assurer la texture de la pâte de café. D’ailleurs, le rôle de cet ingrédient n’est pas à négliger au niveau gustatif. Dans le cas de Mashpi, l’utilisation du beurre de cacao non désodorisé et provenant de leur propre plantation ajoute une grande richesse sensorielle. Attention, les personnes sensibles préféreront éviter ces produits dopés à la caféine.

Cacao de laboratoire

Mais alors, n’existe-t-il pas de chocolat sans cacao? Commercialement non, mais la donne pourrait changer. En effet, l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) a produit une tablette de chocolat dont le cacao n’a pas vu de cacaoyer. Les chercheurs utilisent des fèves de cacao — la nature reste irremplaçable — pour en multiplier les cellules dans une cuve et ainsi obtenir la matière première pour leur chocolat. Un procédé décrit dans cet article de Swissinfo.

Finalement, si ce test de faisabilité n’a pas vocation a remplacer la culture traditionnelle du cacao, il a le mérite de tenter de répondre à un enjeu essentiel du chocolat industriel, celui de l’impact environnemental de la cacaoculture. Autre point intéressant, il révèle le prix d’une tablette réellement produite en Suisse de A à Z : entre 15 et 20 francs… Certes, l’industrialisation du processus permettrait de faire baisser ce prix, mais on reste loin des références actuelles les moins chères.

Et vous, avez-vous déjà goûté ces alternatives ? Qu’en avez-vous pensé ?

La note du sommelier
Personnellement, si je n'ai pas goûté le chocolat de laboratoire, j'ai eu l'occasion de tester les autres alternatives. Les cousins du cacao m'ont le plus convaincu en terme de richesse gustative. Leur texture et leurs notes gourmandes m'ont clairement donné envie d'en reprendre. Similairement, j'ai trouvé le chocafé de Mashpi vraiment intéressant, mais ai certainement moins envie d'en consommer spontanément. A mon avis, le chocolat classique reste encore un must.

Theobroma bicolor et grandiflorum: peut-on en faire du chocolat ?

Theobroma bicolor

Saviez-vous que le cacao a des cousins ? Theobroma biocolor et grandiflorum sont les plus connus. Si ces fruits tropicaux partagent une parentée commune avec le cacao, est-il alors possible d’en faire du chocolat et quel serait son goût ? Légalement ces produits ne peuvent pas être appelés chocolat, car ce dernier doit être composé de cacao, donc de theobroma cacao. Gustativement, c’est une autre histoire… A travers trois tablettes de producteurs différents, je vous propose de découvrir ces « chocolats » de Theobroma biocolor et grandiflorum. Une occasion rare pour découvrir des univers gustatifs complètement atypiques.

Tablette de chocolat aux inclusions de cupuaçu de Mission chocolate, Lion de Barbon (chocolat de Theobroma Bicolor) et Cupulate de la Brigaderie Paris (chocolat de Theobroma Grandiflorum)
De gauche à droite : tablette de chocolat classique aux inclusions de cupuaçu de Mission chocolate, Lion de Barbon (chocolat de Theobroma Bicolor) et Cupulate de la Brigaderie Paris (chocolat de Theobroma Grandiflorum).

Theobroma bicolor, le chocolat qui n’en était pas un

Aussi appelé mocambo, arbre jaguar, balamte ou pataxte, le theobroma bicolor est un fruit à l’apparence plus rustique que celle du cacao. Partie prenante des cultures précolombiennes, il était consommé et utilisé dans la cuisine. Les Européens semblent l’avoir moins apprécié et ne l’ont pas exporté massivement comme le cacao.

Aujourd’hui, certains artisans bean-to bar l’apprivoisent pour le transformer en tablette, à l’instar du cacao. C’est le cas de Barbon, à Montréal au Canada, avec son Lion 85% du Mexique. Une création à partir de theobroma bicolor, de sucre et de beurre de cacao comme un « chocolat » classique. Toutefois, la présence de vanille et de sapote rendent difficile de savoir quel serait le goût du bicolor seul.

Barbon Lion, chocolat de Theobroma bicolor
Notes de dégustation du Lion de Barbon
La robe est oscille entre le beige et le blond caramel. Le nez dégage une impression sucrée sur un lit de tourbe. Sensation improbable. La casse est molle, presque inaudible. Le croquant est un peu plus sonore. En bouche, les papilles sont perdues. Cette impression tourbée est toujours là, soulignée petit à petit par des notes de noisettes, de cajou et de noix du Brésil, dégageant une impression de crème de marrons. Le tout est très rond, sans âpreté, ni amertume ou acidité. Particulièrement doux. La texture est très grasse et le fondant lent, presque pâteux, contribuant à ce sentiment d'ovni gustatif. L’ensemble conserve une très belle longueur aux accents de gianduja. Inclassable, l'envie de goûter à nouveau taraude les papilles.

Theobroma grandiflorum, chocolat… ou pas

Un peu plus connu sous son autre nom de cupuaçu, le theobroma grandiflorum est un autre cousin comestible du cacao. D’apparence brunâtre, presque terne en comparaison des couleurs des cabosses de cacao, ce fruit est encore consommé dans plusieurs pays d’Amérique du Sud. Il reste pourtant méconnu sous nos latitudes. Une situation qui pourrait changer en raison de l’engouement pour les produits atypiques. En France, c’est la Brigaderie de Paris avec son cupulate — agglutinement de « cupuaçu » et « chocolate » — qui propose une interprétation du theobroma grandiflorum en tablette.

Brigaderie Paris Cupulate, chocolat de Theobroma grandiflorum
Notes de dégustation du Cupulate de la Brigaderie de Paris 
La robe marron aux accents acajou pourrait le faire passer pour un chocolat au lait. Au nez, le doute s'installe. Les notes épicées intenses vont titiller la curiosité des sens jusqu'au fond de la gorge. Le casse est très molle, complètement insonore, le croquant absent. En bouche, c'est l'explosion. Très fondante la tablette distille des notes de cuir, d'épices, de noix et un je ne sais quoi de fruité. Le tout dans un équilibre parfait sans surcharger les papilles, tout en les épatant. En trame de fond apparaît lentement une sensation d'intensité, qui fait écho à l'amertume du chocolat sans en être à proprement parler. La longueur distille du fruit et garde cette belle tension gustative. Magistral.

Point intéressant, seul du sucre vient relever le goût de cette tablette composée à 70% de cupuaçu. La richesse gustative provient donc uniquement du fruit. Preuve, s’il fallait, du potentiel gustatif des fruits originaires d’Amazonie

Chocolat aux inclusions de cupuaçu

Une autre approche consiste à inclure du cupuaçu à du chocolat classique. C’est une option choisie par la Brigaderie de Paris pour une autre de ses tablettes, mais aussi par Mission chocolate. Ce producteur bean-to-bar est situé à Sao Paulo au Brésil où le fruit fait partie de la culture.

Mission Chocolate, chocolat avec inclusion de cupuaçu
Notes de dégustation du Cupuaçu de Mission Chocolate
La robe brune est parsemée de morceaux de cupuaçu séché. Le nez est chocolaté avec un je ne sais quoi de fruit. Le casse est bridée par les morceaux de fruit et le croquant discret. En bouche, c'est d'abord l'intensité du chocolat qui frappe avant d'être rejointe par la sucrosité du fruit. Le chocolat apporte l'onctuosité de sa texture et gagne à se laisser fondre en bouche. La longueur est appréciable. Une approche beaucoup plus classique, mais aussi beaucoup plus facile à aborder.

Cette interprétation des inclusions de cupuaçu rappelle celle du cascara par Baiani, autre producteur brésilien, mais avec plus de talent. L’équilibre entre le chocolat et les inclusions est meilleur. Toutefois, l’accord entre les deux produits reste quelque peu en deçà des deux autres tablettes en terme de richesse gustative. Cacao et cupuaçu coexistent harmonieusement sans pour autant se sublimer l’un l’autre.

Hybridation de theobroma pour des chocolats uniques

La proximité des fruits des différents theobroma permet aussi d’expérimenter d’autres démarches, comme l’hybridation des arbres de cacaoyer avec leurs cousins. Ces croisements sont probablement à l’origine des fèves sauvages utilisées par exemple par Qantu pour réaliser son incroyable Trésor caché. Une autre possibilité consiste à mélanger les fèves de cacao avec celles d’autres theobroma. Une solution également explorée par Barbon dont je vous partagerai prochainement le résultat.

Reste une question en suspens : ces créations atypiques valent-elles la peine ? Que ce soit le theobroma bicolor ou grandiflorum, leurs « chocolats » sortent des sentiers battus. A ce titre, il sont un must pour tout curieux. Personnellement, il y a fort à parier que mes papilles se laissent à nouveau tenter par l’expérience. Toutefois, ces produits restent rares et risquent de décevoir ceux qui cherchent à répondre à une pulsion gourmande et régressive. Heureusement, dans ce domaine, theobroma cacao s’en sort très bien.

Qu’est-ce que le chocolat à la taza ?

Chocolat à la taza avec des churros

La plupart d’entre nous haussons un sourcil à cette question. Les plus explorateurs vous diront avoir déjà goûté des chocolats Taza. Oui, la marque aux accents mexicains, mais qui est en réalité américaine. Sauf que non, il n’est pas question de ce producteur. Je veux parler de chocolat à la taza, avec une emphase particulière sur le « à la ».

Tradition de l’ancien monde

Les hispanophones auront sans doute traduit taza en tasse, ce qui lève d’ores et déjà un peu du voile. Il s’agît donc de chocolat en tasse. Si vous avez déjà pris votre petit déjeuner en Espagne, il s’agît de la même tasse de chocolat épais dans laquelle il est d’usage de tremper ses churros.

Outre son côté délicieusement régressif, cette tradition du chocolat épais en tasse est un héritage historique. En effet, avant d’être transformé en tablette par l’Anglais Francis Fry en 1847, le chocolat était d’abord consommé sous forme liquide. On se préparait alors un chocolat dans une chocolatière. Un plaisir qui se perd et dont subsiste un vague écho sous la forme du chocolat chaud. De même, aussi rares soient-ils les salons de chocolat n’offrent rien du panache institutionnel des churrerías espagnoles.

Chocolat chaud et sa chocolatière
Si bon soit-il, le chocolat chaud de « Terre de fèves » et sa chocolatière ne représentent pas le chocolat à la taza.

En outre, le chocolat chaud ne doit pas être confondu avec le fameux taza. Si le chocolat chaud se décline sous diverses formes et que sa principale polémique vient du fait de savoir s’il doit être préparé avec du lait ou de l’eau, il n’a rien à voir en terme de consistance. Le chocolat à la taza se doit d’être bien plus épais et sans mousse.

Une norme légale pour le chocolat à la taza

Les aspects culturels de cette façon de consommer le chocolat vont au-delà de la curiosité et du débat entre gourmets. Une norme existe même pour décrire ce chocolat. Tout comme le pourcentage légal d’un chocolat, la définition du chocolat à la taza provient de l’Union européenne et a donc aussi cours en Suisse. Adoptée en 2000, la directive stipule :

Chocolate a la taza

Désigne le produit obtenu à partir de produits de cacao, de sucres et de farine ou d’amidon de blé, de riz ou de maïs contenant pas moins de 35 % de matière sèche totale de cacao, dont pas moins de 18 % de beurre de cacao et pas moins de 14 % de cacao sec dégraissé et pas plus de 8 % de farine ou d’amidon.

Directive 2000/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2000 relative aux produits de cacao et de chocolat destinés à l’alimentation humaine

Si les recettes traditionnelles semblent s’accorder sur l’usage de fécule ou amidon de maïs, un autre héritage du Nouveau Monde rapporté par les Espagnols, le législateur européen permet l’usage du blé et du riz pour épaissir le mélange. A noter également qu’il est aussi nécessaire d’utiliser du cacao maigre et du sucre. En revanche, rien quant à l’ajout de lait ou d’eau pour le servir dans sa tasse.

Chocolat à la taza industriel
Chocolat à la taza espagnol produit de façon industrielle.

Au-delà des définitions, ce qui fait la qualité d’un chocolate a la taza, ce sont ses ingrédients. Moins de sucre, un soupçon d’épaississant de maïs et surtout un chocolat de qualité. Accompagné d’un verre d’eau et en bonne compagnie, aucun doute quant au bien-fondé de cette tradition ibérique.

Crédit photo principale : Oscar Nord

Chocolat cru, qu’est-ce que c’est ?

Chocolat cru aussi appelé raw

Appelé aussi raw, le chocolat cru est un produit tendance. Cuisiner cru, sans cuire les aliment serait meilleur pour la santé et exacerberait le goût des produits. Le chocolat n’échappe pas à cette mode. Mais d’où vient cette appétence pour le cru ?

La cuisine crue ou brute — le terme anglais de raw a une connotation plus large que juste non-cuit — est une réponse à la cuisine moléculaire, qui a fait florès au tournant du millénaire. Venu de Scandinavie au début des années 2010, l’appel au cru a accompagné celui d’une une nourriture plus responsable et locale.

A l’époque plus développé qu’en Europe, le chocolat bean-to-bar américain n’a alors pas raté le coche. L’archétype de cette approche du chocolat cru est la marque Raaka. Fondée en 2010 à New-York, la manufacture base toute sa production sur ce principe. En Europe, le mouvement sera repris en partie, par exemple à Berlin par Belyzium, mais avec un marché moindre.

Le chocolat cru est-il vraiment cru ?

Au sens strict du terme, non. En effet, une fois récoltées et sorties de la cabosse de cacao, les fèves de cacao sont fermentées durant plusieurs jours. Lors de ce processus, la température monte entre 40 et 50°C. La fermentation donne ses saveurs à la fève. Sans elle, pas de cacao et de chocolat.

Fèves de cacao mises à fermenter dans une caisse en bois.
Fèves de cacao mises à fermenter dans une caisse en bois. Crédit : USAID U.S. Agency for International Development

Dans un deuxième temps, les fèves sèchent au soleil. Le but est de faire évaporer l’humidité contenue dans les fèves pour ne laisser qu’un résidu de 5 à 7%. Cette étape permet d’obtenir un produit moins susceptible à la moisissure et ainsi plus facile à transporter et stocker.

Si on ne peut parler de réelle cuisson, il est difficile de dire que les fèves de cacao n’ont subi aucune altération chimique par la chaleur. De même, le sucre contenu dans nombre de tablettes labellisées crues nécessite une cuisson à ébullition. A ce titre, je trouve donc abusif de parler de chocolat cru ou raw.

Le chocolat non-torréfié

Si le chocolat est souvent qualifié de cru, c’est par abus de langage, pour parler de chocolat non-torréfié. Encore trop souvent, la fabrication du chocolat omet l’importance de la récolte et de la fermentation du cacao. Ainsi, on ne se concentre que sur l’étape de la torréfaction… effectuée dans les pays consommateurs de chocolat. Dommage.

Contrôle des fèves de cacao dans un torréfacteur.
Prélèvement et contrôle d’un échantillon de fèves de cacao en train d’être torréfiées chez Notes de fève.

Si la torréfaction permet d’abaisser encore plus le taux d’humidité du cacao, elle renforce aussi le goût du cacao. Ainsi, fabriqué à partir des mêmes fèves, un chocolat non-torréfié différera sensiblement de son homologue classique d’un point de vue gustatif. Il exprimera plus de saveurs fines et sera généralement moins long en bouche. L’intérêt de cette approche réside surtout au niveau du goût. Sélection des fèves, qualité de celles-ci, équilibre entre cacao et sucre, le travail de fabrication du chocolat demande encore plus de soin lorsque les fèves ne sont pas torréfiées.

Parfois, la frontière entre torréfié et non-torréfié devient floue. En effet, avec l’arrivée sur le marché de fèves de plus en plus subtiles en termes de saveurs, les manufactures travaillent la torréfaction de plus en plus finement. Le but est de faire ressortir tout le bouquet sans que celui-ci ne soit noyé dans l’intensité du cacao. Les torréfactions légères, c’est-à-dire à plus basse température deviennent de plus en plus monnaie courante. Lorsque la torréfaction passe sous la barre des 100°C, les définitions commencent à se brouiller.

Du sucre brut : A Genève, la manufacture Orfève a développé une gamme de chocolat appelés "brut de noir". Ces tablettes contiennent du sucre grossièrement broyé pour en conserver la texture. Une autre approche "brutale" qui réveille les papilles et joue avec les sensations.

Et la pasteurisation ?

Les chocolatiers industriels ne s’embarrassent que rarement de trouver le profil de torréfaction idéal. Le but principal est généralement de supprimer toute trace de germes et de champignons. C’est pourquoi les producteurs pasteurisent les fèves de cacao en les chauffants brièvement à plusieurs centaines de degrés. Cette démarche permet aussi d’uniformiser, pour ne pas dire brûler, les différentes qualités, types et origines de cacao. Le chocolat devient alors un produit standardisé.

Chocolat cru, est-il meilleur pour la santé ?

Au-delà du goût, l’argument de la santé revient souvent à propos des produits crus. Le chocolat cru, ou plutôt non-torréfié, est-il plus sain ? De par sa température, une torréfaction intense pourra dégrader une partie des molécules qui composent les anti-oxydants. Mais une torréfaction classique pourrait même améliorer leurs effets. A ce titre, « cru » ou non, le chocolat conserverait ses vertus.

La véritable question est plutôt de savoir si les chocolats et leurs anti-oxydants ont un réel impact sur notre santé. La plupart des études qui vantent des effets positifs sont discutables : soit anciennes, soit financées par des industries en besoin d’arguments de vente… Une fois encore, il faut plutôt chercher les bienfaits du chocolat dans la consommation de produits de qualité et dans le cadre d’une alimentation équilibrée.

En conclusion, le chocolat cru n’est pas une panacée ! Il faut plutôt y voir une approche gustative et culinaire qui démontre l’incroyable versatilité de ce produit. A titre personnel, j’ai beaucoup apprécié certains chocolats non-torréfiés pour les émotions très brutes qu’ils procurent. Un sentiment de chocolat sauvage.