Fèves : mélange d’hybrides de forastero et trinitaro en agroforesterie
Producteur de cacao : Vale Potumuju
Origine : Fazenda Santa Rita, au sud-est de l’Etat de Bahia au Brésil
Pourcentages : 56%
Inclusion : fruits de caféier séchés (cascara)
Notes de dégustation du chocolat cascara de Baiani
La robe chocolat tire vers le gris de maure et donne un aspect presque mat à la tablette. Le nez est très chocolat avec de légers accents fruités. La casse est brève et discrète, le croquant sonore. En bouche, les notes fruitées entrent directement en scène, suivies par une texture pâteuse inattendue. En fondant, une pointe cacaotée distille les mêmes notes fruitées qu’au nez, mais plus claires. La légère acidité s’accompagne de notes de réglisse et de cardamome sur une trame aux impressions vertes. Équilibrée, la longueur diffuse des notes de miel qui arrondissent un profil gustatif assez atypique.
Le petit plus : Alternez mâchonnements et fonte du chocolat pour déployer un maximum de saveurs.
Chocolat à la cascara de Baiani
La rencontre de deux fruits tropicaux
Souvent, le café s’associe au chocolat. Que ce soit sous forme de tablette ou de truffe, les deux produits se marient bien et partagent une historie comparable en terme de géographie. Ce que beaucoup ignorent, c’est que la graine de café, tout comme la fève de cacao, pousse dans un fruit, dans ce cas, la cerise de café. Même si le grain de café est entouré de peu de chair, au Brésil, cette matière est séchée et valorisée pour être consommée. Sous cette forme, la cerise de café s’appelle la cascara. Ainsi, Baiani incorpore la cascara dans ce chocolat en un hommage à la culture brésilienne.
Graines de café et chair de la cerise de café. Crédit : Ceazar77 via Wikipedia.
Bien que les apparences laissent croire que ce chocolat soit au café, gustativement, rien ne le laisse présager. En revanche, il est intéressant de noter que la richesse de l’expérience sensorielle se rapproche de la palette offerte par les cafés artisanaux de qualité. Une approche à mettre en perspective avec l’accord thé et chocolat.
Origine : province de La Convención, département de Cuzco, au centre du Pérou
Pourcentages : 70%
Transformation : torréfaction 43 minutes à 104°C et 72 heures de conchage
Millésimes : 2021 pour la torréfaction intense, inconnu pour l’autre
Notes de dégustation du chocolat Quillabamba d’Orfève
La robe entre le marron et le bistre est relativement claire. Le nez intense distille des notes de fruits secs et d’épices douces. La casse est relativement sonore pour une tablette fine et le croquant fuyant. En bouche, le fondant déploie une belle succession de notes intenses. Défilent des impressions de raisins secs, de noisette, puis un mélange d’épices rondes. La parade se termine par une pointe de myrtille, très légèrement tannique. La longueur est belle avec des notes de miel d’acacia, d’épices et une astringence maîtrisée. Le tout donne une impression intense et équilibrée.
La tablette de chocolat Quillabamba d’Orfève sait jouer avec les sens. Un délice.
Le petit plus : Si les jeux de lumière de la tablette sont captivants, pour profiter au mieux de la robe de ce chocolat, retournez-le. De même, en bouche, essayez-le en alternant les côtés lisse et texturé sur la langue. Qui a dit qu’on ne joue par avec la nourriture ?
Hommage au travail de l’artisan
Ce chocolat Quillabamba par Orfève est le parfait exemple de ce qui fait la qualité du travail artisanal. Des produits d’exception, ici les fèves chuncho, alliés une maîtrise du savoir-faire qui permet à l’artisan d’imprimer sa patte sur le produit final. Cette approche se traduit également par une grande transparence. Ainsi, Orfève indique non-seulement le type de fèves et leur origine, mais aussi comment elles ont été travaillées. S’il fallait pinailler, ne manque que la mention du producteur/sourceur et du prix payé pour le cacao.
Avec le temps, Orfève a su créer son style. Des premières tablettes qui mettaient l’accent sur l’intensité, leurs dernières créations ont gardé le caractère, tout en distillant avec finesse les saveurs les plus subtiles. Joli travail dont je me réjouis de continuer à suivre l’évolution.
Son plus grand défaut est aussi un avantage : une fois ouvert, le chocolat est difficile à remettre dans son emballage, la solution est de finir la tablette…
A titre de comparaison, ces mêmes fèves sont aussi interprétées par Qantu. La richesse sensorielle est similaire, mais le caractère de la tablette est complètement différent. Si vous avez l’occasion de comparer les deux chocolats, c’est un excellent moyen pour comprendre toute la valeur du travail des artisans et comment chacun exprime son style.
La note du sommelier
Le motif de la tablette subjugue les regards. Caroline et François-Xavier ont voulu ainsi faire un clin d’œil aux cadrans guillochés des montres genevoises qu'ils connaissent bien. Au-delà du visuel unique, loin des tendance vues et revues, c'est aussi et surtout une approche très intéressante d'un point de vue sensoriel. Preuve en est que le moule d'une tablette impacte également la dégustation du chocolat.
Très souvent associé au café, le chocolat se marie tout aussi bien avec le thé. Poussons l’exercice un peu plus loin en découvrant non pas des accords entre la boisson et des tablette, mais bien du chocolat au thé. Trois exemples aussi différents les un des autres, qu’instructifs. Un chocolat noir de Fu Wan à Taïwan auquel a été ajouté du thé Oolong local. Un chocolat blanc de Deseo en Pologne avec du matcha japonais. Une tablette noire de Pacari en Équateur à la yerba mate, qui… n’est pas du thé, mais une plante d’Amérique du Sud qui contient aussi de la caféine et se boit aussi en infusion, le fameux maté.
Chocolat au thé, trois exemples par Fu Wan de Taïwan, Deseo de Pologne et Pacari d’Équateur.
Notes de dégustation du chocolat au thé Charcoal Oolong Tea par Fu Wan à Taïwan
La robe est sombre, tirant sur l’ébène. Le nez mêle déjà notes chocolatées et de thé. La casse est franche, le croquant aussi. En bouche, le thé donne de suite le ton. Une impression ample et suave typique du oolong se déploie. Elle est ensuite suivie par des notes herbeuses, boisées et de feuilles de nori. Seulement plus tard vient le chocolat et ses saveurs rondes, légèrement fruitées. Le tout sur une fine trame qui tire vers le sésame noir grillé. Une chocolat à nulle autre pareil qui donne corps à un thé d’exception. Le mariage est parfaitement équilibré et dépasse la somme du chocolat et du thé. Le longueur est belle, ample, sereine. On en redemande.
Notes de dégustation du chocolat au thé Matcha par Deseo en Pologne
La robe vert tilleul accroche le regard et attise la curiosité. Le nez n’est pas en reste et diffuse ses odeurs de matcha imprégnées de beurre de cacao. Fine et gorgée de beurre de cacao, la tablette casse pourtant nettement, même si sans fracas. La croquant est agréable. En bouche, c’est d’abord le fondant qui s’exprime et qui distille les saveurs typiques du matcha. Un florilège de notes végétales qui fera le bonheur des aficionados de ce thé vert japonais. Les notes grasses restent étonnement équilibrées en bouche. En revanche, sur la longueur, c’est le matcha qui prend le dessus avec en trame la sensation lactée du lait du chocolat blanc. Quant à lui, le gras du beurre de cacao disparaît après avoir agréablement tapissé le palais.
Notes de dégustation du chocolat au maté Yerba Mate par Pacari en Équateur
La robe marron est relativement claire. Le nez est très cacaoté avec une pointe végétale à peine perceptible. La casse est sonore avec cette tablette épaisse et le croquant intense. En bouche, le chocolat prime, tant de par sa texture, que de par ses notes sucrée entre le fruit et le floral. A mesure qu’il fond, entre les saveurs chocolatées et de rose, transparaît, portée par une légère sensation amère, une note végétale, celle de la yerba mate. Elle peine à régater face au sucre et au gras du chocolat qui tiennent le haut du pavé. Finalement, c’est en longueur que la yerba mate regagne en énergie. Elle tapisse la bouche et laisse une agréable sensation sur la langue. Impression qui dure et donne un second souffle à la dégustation.
Le petit plus : Profitez de pouvoir « croquer » vos thés grâce au chocolat, prenez le temps d’explorer leurs textures. Laissez les fondre, mâchez-les, étalez-les sur votre langue. Peut-être encore plus que de coutume, une grande partie de l’expérience se joue au toucher.
Chocolat au thé, de gauche à droite : oolong, matcha et infusion de yerba mate.
Deux produits qui n’auraient pas dû se rencontrer
Si le café et le cacao sont souvent cultivés dans les mêmes régions, c’est bien moins le cas du thé et du cacao. Leur rencontre est donc le fruit d’une volonté, celle d’amoureux du goût et des bons produits. Le chocolat au thé oolong de Fu Wan est un inclassable gustatif qui illustre parfaitement la valeur ajoutée apportée par l’artisan connaissant parfaitement les deux produits. En effet, avec son fort taux d’oxydation, le oolong rouge de Taïwan est lui-même un thé particulier. En l’ajoutant directement dans la masse de cacao lors du conchage, il s’incorpore au chocolat sans trahir sa présence dans la texture.
Ailleurs, c’est avec la culture sud-américaine de la yerba mate et du maté, que Pacari joue l’alliance d’une boisson infusée avec le chocolat. Une approche tout aussi originale, bien que moins réussie à mon goût ; la faute à un ratio de sucre trop élevé. Certes le maté est intense, mais il aurait pu être équilibré avec un cacao de caractère. Dommage, mais la tablette n’en reste pas moins agréable et disparaît rapidement…
Finalement, en Pologne avec Deseo, loin de toute tradition de culture du théier ou du cacaoyer, l’approche est décomplexée. Le mariage du beurre de cacao et du thé vert japonais se fait de la façon la plus gourmande qui soit, avec un chocolat purement régressif. Le tout accompagné d’une pointe d’extravagance gustative pour faire voyager les papilles au pays du Soleil Levant. Et ça fonctionne, le plaisir d’un bon matcha s’associe à merveille à la gourmandise du chocolat blanc. C’est probablement là la conclusion à tirer : osons sortir des sentiers battus. Le chocolat au thé réserve de belles découvertes.
La note du sommelier
C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai découvert l'alliance du thé et du chocolat. Si la gourmandise du chocolat m'accompagne depuis l'enfance, c'est en dégustant des thés que j'ai commencer à former mon palais. Si aujourd'hui, c'est dans le domaine du chocolat que mes papilles sont les plus actives, pouvoir réunir ces deux plaisirs est un véritable moment de bonheur. A noter que le chocolat classique s'associe aussi à merveille à des thés sous forme liquide, mais c'est là un autre sujet...
N.B. Merci à Joanna pour l’envoi de la tablette Deseo.
Producteur de cacao : cueillette par les communautés indigènes
Origine : régions du Rio Puru et du Rio Juruá, Amazonie, Brésil
Pourcentage : 70% pour les trois
Millésimes : récoltes non-spécifiées
Inclusion : cupuaçu déshydraté pour la dernière tablette
Notes de dégustation des cacaos sauvages Rio Juruá par Luisa Abram
La robe est brou de noix profond. Le nez est intense, avec des notes acidulées et florales. La casse est cristalline, le croquant ample. En bouche, la texture soyeuse déploie des notes complexes, aériennes : florales (lys), légèrement épicées (poivre blanc), de cuir et quelque chose de suave suivi d’une pointe de lychee. Une impression de fraîcheur, de matin du monde au cœur de la forêt amazonienne. La longueur est belle, tout en finesse avec un je ne sais quoi de soyeux et de caramel gourmand. Un chocolat qui valorise de façon magistrale un cacao d’exception en laissant un souvenir intense. Une parenthèse dans le temps.
Notes de dégustation des cacaos sauvages Rio Puru par Luisa Abram
La robe est étonnement similaire à l’autre tablette. Presque quelconque. Le nez est plus épicé, mais garde cette pointe d’acidité fruitée, augurant d’un chocolat riche en saveurs. La casse reste claire et nette. En bouche, les saveurs entrent immédiatement en scène, dans un ballet parfaitement synchronisé, qui surprend par sa richesse. Cardamome, bâton de réglisse, quelque chose de plus prenant dans le fond de la gorge (de la cannelle et de la mélasse), des notes de noix vertes, un passage fugace de banane plantain… Malgré un caractère plus intense, plus sauvage, le tableau donne une impression de légèreté ciselée. On y revient encore et encore. La longueur est belle et équilibrée avec une dominante épicée.
Notes de dégustation des cacaos sauvages avec cupuaçu par Luisa Abram
Ce n’est pas la robe qui tient le devant de la scène, mais les morceaux de cupuaçu sertis au dos de la tablette. Ils se manifestent aussi avec intensité au nez. Des notes de grué frais. La casse est nette. En bouche, la sensation de grué revient à la charge distillant une sensation quasi éthylique. Cette impression tirant jusqu’à l’acétone laisse petit à petit la place à des notes de cuir, puis de raisins de Corinthe. Finalement, en croquant dans un morceau de cupuaçu, le fruité se dévoile avec des notes légèrement acidulées, de bonbon. Reste cette impression de solvant qui prend le dessus et peine à laisser une place au chocolat, qui se dévoile surtout en finale et dans la longueur.
Le petit plus : Oubliez les accords avec un autre produit gastronomique. Laissez-vous plutôt porter par la lecture d’un poème, par exemple d’Eluard ou de Baudelaire. Personnellement, j’ai apprécié l’Invitation au voyage avec le Rio Purus et Au cœur de mon amour avec le Rio Juruá.
Chocolats aux cacaos sauvages par Luisa Abram du Brésil. De gauche à droite : Rio Purus, Rio Juruá et inclusion cupuaçu (vue de dos).
Aux origines du goût, au cœur de l’Amazonie
C’est en écoutant un podcast sur la recherche de cacao sauvages (Obsessions: Wild chocolate par Rowan Jacobson) que j’ai entendu parler de Luisa Abram. Son travail acharné pour valoriser les cacaos sauvages cueillis par des communautés locales donnait envie d’en savoir plus… et surtout d’y goûter ! Force est de constater que le résultat est à la hauteur de sa passion et de son travail. Au-delà de leurs qualités gustatives, ces cacaos sauvages illustrent la nécessité de préserver également la biodiversité de cet arbre fruitier. Au cœur de cette forêt vierge dont il est natif, ce fruit exprime le meilleur de son potentiel. Pourtant, entre narcotrafiquants, déforestation et difficultés pour fermenter et sécher le cacao au milieu de nulle part, les défis sont nombreux. Mais le jeu en vaut largement la chandelle.
Avec une production confidentielle, ces cacaos sauvages ne seront jamais promis à une consommation à grande échelle. Et tant mieux. Leur valorisation sur le long terme est donc d’autant plus épineuse. La collaboration avec les communautés locales et les ONG est essentielle. Heureusement, les producteurs passionnés sont également au rendez-vous. Qu’il s’agisse de Volker Lehman et de son cacao de Tranquilidad en Bolivie, d’Elfie et Maxime avec leur Trésor caché au Pérou, ou de Luisa Abram au Brésil, leurs efforts méritent d’être reconnus et soutenus.
La note du sommelier
Peu de tablettes m'ont autant marqué que la Rio Juruá. Sa richesse, ses saveurs cristallines et subtiles m'ont transporté dans un univers plus proche de la parfumerie que de la chocolaterie. Une expérience unique. Si le chocolat au cupuaçu ne m'a pas autant convaincu, il reste une découverte intéressante, voire même dérangeante. Son goût hors des sentiers battus chicane et pousse à retenter l'expérience. Décidément le cacao et ses cousins n'ont pas fini de surprendre nos papilles.
Millésimes : 2019/2020 pour la torréfaction intense, inconnu pour l’autre
Notes de dégustation du chocolat Ping Tung par Fu Wan (léger)
La robe est à peine plus claire, d’un brun légèrement acajou. Dès l’ouverture de l’emballage, le nez est sollicité par un parfum intense et gourmand caractérisé par des notes de raisins secs. La casse est nette et le croquant sonore. En bouche, la texture soyeuse est vite accompagnée de nombreuses saveurs : noix de pécan, noix de muscade, cuir, une pointe de réglisse, puis quelque chose de fruité, voire vanillé. Un chocolat aux facettes multiples, insaisissables qu’on se presse de goûter à nouveau. En finale reste une sensation de bonbon au sucre de raisin. Le tout est aérien, agréable, porté par une impression cristalline. La longueur est belle et en finesse, comme un écho de ce feu d’artifices gustatif qui laisse son empreinte dans toute la bouche. Un concert de sensations magistral qui imprègne longtemps les papilles.
Ping Tung par Fu Wan, chocolat noir torréfaction légère ou intense.
Notes de dégustation du chocolat Ping Tung par Fu Wan (intense)
La robe est d’un brun chocolat profond, à peine plus foncée que son homologue à la torréfaction plus légère. Le nez est tout aussi expressif, mais plus porté sur les notes de noix torréfiées. La casse et le croquant restent similaires. En bouche, les notes de noix sont à nouveau les premières, mais plus intenses. Elles s’accompagnent de saveurs fruitées légèrement acidulées : pommes vertes et fruits rouges. Un équilibre très agréable, complété en finale par un je ne sais quoi de café torréfié et de bonbon cerise. Cette variante reste étonnement gourmande, malgré son caractère plus affirmé. La longueur en bouche est tout aussi intense.
Le petit plus : Ce chocolat se marie particulièrement bien avec du thé Oolong qui saura tenir la comparaison en matière de caractère et de structure en bouche. Jouez sur la durée d’infusion pour obtenir un équilibre parfait.
Un chocolat de Formose, « de la terre à l’âme »
Avouons-le d’emblée, une tablette de chocolat avec des pictogrammes chinois, ça ne court pas les rues. Une fois passé la surprise et aussi l’a priori, Fu Wan offre un véritable paradis aux papilles en manque d’exotisme. En effet, en plus de parfaitement maîtriser l’ensemble du processus de fabrication, de la culture du cacaoyer à la réalisation de la tablette, la manufacture met en avant un terroir unique. Cette particularité s’exprime tant dans les fèves de cacao que dans le résultat final qui distille cette sensation de l’Asie d’aujourd’hui imprégnée entre excès colorés à la K-pop et traditions culinaires séculaires. Une conjugaison au résultat aussi unique que délicieux et qui apporte un renouveau salutaire dans le domaine du chocolat. A comparer avec les chocolats de tradition sud-américaine, comme par exemple le Pangoa, ou helvétique.
Processus de fabrication du chocolat Fu Wan : rien est oublié et c’est tant mieux ! Sans compter que ce petit côté exotique donne envie d’en savoir plus.
Ce caractère asiatique se retrouve aussi dans ses excès et la jeunesse de ce marché pour le chocolat. Si gustativement et en termes d’intentions affichées il n’y a rien à redire, quelques points pourraient être améliorés. En matière de communication, comme pour beaucoup de producteurs, il manque des informations : torréfaction, type de fèves, millésimes, etc. Rien de rédhibitoire. Pour ce qui est de l’emballage en revanche, le plastique assez présent contraste avec la volonté d’un produit durable. Mais peut-on jeter la pierre, lorsque l’on consomme un chocolat venant d’aussi loin…
La note du sommelier
A environ une dizaine de francs (ou euros), la tablette semble être dans la moyenne des prix pratiqués dans le segment bean-to-bar. Il faut toutefois rapporter ce prix à son poids, qui est de 35g. Elle se retrouve alors propulsée parmi les plus chères. Est-ce qu'une telle dépense en vaut la peine ? A mon avis, oui, et ce pour deux raisons. Premièrement, dans l'absolu, le prix reste abordable et l'expérience gustative est à la hauteur. Deuxièmement, cette barrière aura tendance à freiner l'achat compulsif, ce qui n'est pas un mal vu l'empreinte climatique du dit chocolat.
Fèves : hybride de trinitario local (Raaka) et mélange d’acriollado et clones de nacional (Goodnow Farms)
Producteur de cacao : Kokoa Kamili (Raaka) et Famille Salazar (Goodnow Farms)
Origine : Ouest de la Tanzanie (Raaka) et nord-ouest de l’Equateur (Goodnow Farms)
Pourcentages : 82% (Raaka) et 77% (Goodnow Farms)
Millésimes : inconnus
Notes de dégustation du chocolat whisky Goodnow Farms : Putnam Rye Whiskey
La texture fine et le design épuré de la tablette vont de pair avec la robe brune sombre aux accents bistres. Au nez, les touches de whisky se mêlent agréablement à la gourmandise du chocolat avec une sensation de bouteille. La casse est sourde et le croquant cassant. En bouche, ce sont d’abord les notes de whisky qui se manifestent. Tout en subtilité, les impressions maltées et la texture souple flattent agréablement les papilles. Puis une note de barrique qui rapidement cède la place aux saveurs de noisette et de noix de pécan. Le chocolat apporte quant à lui une impression surannée et grasse qui semble tenir le tout dans un délicieux équilibre. La finale est intense, et développe des notes légèrement plus vertes de noix fraîches. Un chocolat élégant qui demande du temps, mais en offre en retour de par son côté « reviens y » langoureux.
Deux chocolats au whisky : celui de Goodnow Farms classique et celui de Raaka au cacao non-torréfié. La différence de robe est évidente.
Notes de dégustation du chocolat whisky Raaka : Bourbon Cask Aged
Bien plus claire, la tablette de Raaka trahit ainsi son cacao non-torréfié. Le nez est aussi plus brut avec ses notes de cuir et de café intenses. La casse est un peu moins nette, mais plus claire. Le croquant plus souple. En bouche, ce côté intense et acidulé tranche et les saveurs se bousculent. Après une sensation végétale très brute venue du cacao non-torréfié, les papilles sont emportées par une ronde de saveurs mêlant café torréfié, cerises et un je ne sais quoi de noisettes vertes. Le tout reste étonnement gourmand malgré son intensité, probablement grâce à la texture fondante et soyeuse. C’est en finale et dans la longueur, avec une note poivrée sur l’apex que se laissent deviner les origines de ce chocolat au bourbon que l’on goûte plusieurs fois pour mieux le saisir.
Le petit plus : Qui se ressemble s’assemble. Vraiment ? Goûtez différents chocolats au whisky avec différents whiskys — en prévoyant soigneusement de ne pas prendre le volant — et voyez comme certains duos vont se faire concurrence, alors que d’autres vont agréablement se compléter.
Les chocolats au whisky de Goodnow Farms et Raaka se distinguent par leurs caractères qui se reflètent dans leurs emballages.
Chocolats whisky Goodnow Farms & Raaka, hommages aux traditions américaines
Que ce soit Raaka ou Goodnowframs, les deux tablettes illustrent bien le potentiel en terme de complémentarité gustative. En effet, les deux chocolats ont des teneurs en cacao assez élevées, signe que le chocolat se marie bien avec le whisky, ne nécessitant que peu de sucre. Dans les deux cas, il est aussi intéressant de voir à quel point les deux chocolatiers connaissent bien leurs cacaos et savent l’allier à un alcool riche en saveurs, mais intense. Le fait de travailler avec des distilleries locales aux flacons originaux leur permet aussi cette finesse. Un goût des produits authentiques déjà mis en avant avec cette autre tablette de Goodnow Farms.
Il est intéressant de voir à quel point le chocolat donne le ton. Le bourbon américain à base de maïs est souvent plus souple et avec plus de corps en bouche que le rye, à base de seigle, plus sec. Pourtant, dans le cas de ces chocolats, c’est le cacao et la façon dont il a été travaillé qui fait la différence. A noter que les deux sont excellents, les médailles remportées le confirment si besoin, et impossibles à démarquer de par leurs caractères très différents.
La note du sommelierPeu friand du mélange chocolat et alcool, trop souvent déséquilibré, j'ai découvert la richesse de ces alliances grâce au bean-to-bar. En laissant les éclats fèves de cacao torréfiées s'imprégner dans le whisky avant de les sécher et de les broyer, le mariage des saveurs s'effectue en amont de la rencontre avec les papilles. Cette méthode permet de mieux doser les apports de chaque produit et de révéler le meilleur de chacun. A noter que la réciproque est également vraie. Un whisky vieilli avec du cacao prendra aussi une robe et des saveurs empreintes de cacao. Une approche merveilleusement illustrée par la collaboration entre Qantu et la distillerie Côte des Saints au Québec.
Fèves : variété(s) inconnue(s), probablement trinitario local
Producteur de cacao : non mentionné
Origine : district d’Idukki, dans l’État du Kerala, au sud de l’Inde
Pourcentages : 75% (noir) et 55% (lait)
Millésime : inconnu
Notes de dégustation du chocolat noir Idukki Inde
Les motifs triangulaires en relief jouent avec la lumière et permettent de bien apprécier la robe marron, profonde. Au nez, la puissance du cacao et des notes épicée, voire boisées sont présentes. La casse et le croquant sont sourds. En bouche, c’est d’abord la texture grasse qui ouvre le bal, suivie d’une agréable sensation cacaotée. Une touche de fruits blets, difficiles à saisir, puis de cerise et enfin ce qui fait la signature de ces fèves : les épices. Le tout est parfaitement équilibré. En finale, c’est à nouveau la texture qui ferme la danse avec une sensation d’enveloppement et de puissance contrôlée. La longueur est belle et juste. L’envie d’y revenir se fait rapidement pressante. Reste une sensation d’umami, qui flotte et explique cette autre création aux algues.
Notes de dégustation du chocolat au lait Idukki Inde
La robe aux tons acajou joue tout autant avec la lumière. Au nez, les accents caramels se mélangent au fruité, laissant filtrer un agréable souvenir de confiture au chaudron. La casse est étonnement très similaire à la déclinaison noire. La croquant est un peu plus mou. En bouche, le caramel donne le ton de suite, mais laisse rapidement place aux sensations plus épicées, avec un je ne sais quoi de subtilement mentholé, voire iodé. L’impression fruitée du nez peine à se faire un chemin vers les papilles. Pour y parvenir, il faut laisser fondre un morceau généreux. La texture semble plus hésitante, même si l’effet d’enveloppement revient et est très agréable. La longueur en bouche tend à se dissiper de par l’effet humectant de la tablette.
Le petit plus : Goûtez les deux tablettes en les associant à de l’hydromel léger ou, idéalement, à du chouchen. Observez la façon dont chaque chocolat se transforme et interagit avec la boisson, tant au niveau des textures que des saveurs.
Chocolat Idukki Inde par Terre de fèves, lait (gauche) et noir (droite).
Chocolat Idukki de Terre de fèves, une tablette au caractère breton
Le travail d’Anne-Laure la fondatrice de Terre de fèves à Vannes en Bretagne est remarquable à plus d’un titre. En plus d’avoir lancé une manufacture-boutique en pleine pandémie, elle travaille ses cacaos avec rigueur. Ainsi, elle n’hésite pas à se frotter à des fèves avec du potentiel, mais exigeant de la maîtrise. Le résultat est à la hauteur de sa passion. Elle sublime les saveurs et apprivoise les subtilités de ce cacao aussi atypique qu’intéressant. Nul doute que son talent ne va en rester là.
Le packaging en papier à base de cacao, la fenêtre avec un emballage transparent en cellulose, les certifications bio et commerce équitable : tout est cohérent. Ne manquent peut-être que des indications sur la torréfaction et des indications plus précises sur l’origine des fèves. Rien de rédhibitoire.
La note du sommelierCette interprétation des fèves d'Idukki en chocolat noir est un de mes préférées. L'intensité, la finesse des notes et la texture s'équilibrent à merveille, tout en conservant une dimension gourmande que j'apprécie dans un chocolat noir. Pour la variante au lait de ce cacao, jusqu'à présent, je reste subjugué par l'interprétation de Fredrik de chez Standout.
Producteur de cacao : Asociación de Productores de Pico Bonito
Origine : Département d’Atlántida au Nord du Honduras
Pourcentages : 70% (noir) et 49% (lait)
Millésime : 2020
Notes de dégustation du chocolat noir Honduras Atlantida
Visuellement, la tablette joue avec les textures et le moule sied bien à la robe chocolat profonde. Le nez se manifeste de suite avec des notes amples de tabac et de réglisse sur un fond d’épices. La casse est franche malgré la relative finesse du chocolat. Le croquant agréable. En bouche, les notes se confirment. Le tabac pousse presque jusqu’au tourbé d’un whisky. En mâchant un peu, des notes plus sucrées et fruitées ressortent avec une touche de banane plantain. La finale offre une sensation de noix. La simplicité de la texture est quelque peu en retrait face à l’intensité gustative, même si le chocolat tapisse agréablement la bouche. La longueur est divine et joue avec les échos des notes en y mêlant une touche épicée. Un chocolat de caractère réservé aux aficionados de saveurs intenses.
Notes de dégustation du chocolat au lait Honduras Atlantida
La robe plus chatoyante, tendant vers l’acajou, contraste avec la variante noire. Au nez, les notes de caramel laissent filtrer une touche de foins, trahissant la filiation avec le noir. La casse est un peu moins franche comme à l’accoutumée pour un lait. Le croquant confirme en même temps que le palais cette impression plus gourmande. Un agréable ballet commence. Les papilles dansent entre les sensations intenses de caramel légèrement acidulé et les notes d’herbe séchée. Assagi par le lait, le cacao en profite pour réveiller son caractère plus fruité, gourmand. Le goûteur attentif sentira de façon fugitive un je ne sais quoi salé, qui associé aux notes fumées rappelle le lard. Une sensation aussi inattendue qu’agréable !
Le petit plus : Comparez aussi les deux déclinaisons noire et au lait. Revenez y après une pause en changeant l’ordre dans lequel vous les goûtez. Si vous êtes d’humeur joueuse, tentez de trouver un vin rouge, par exemple un gamay vieilles vignes, qui fera des étincelles avec les deux tablettes !
Chocolat Honduras Atlantida au lait (gauche) et noir (droite) par Notes de fève à Matran en Suisse
Ces tablettes de Notes de fève illustrent à merveille le choix de leur nom
Le travail de Bastien, Laurent et Claire, que j’ai eu le plaisir de rencontrer en 2022, est parfaitement représenté par ces deux tablettes. Leur credo ? Le goût ! D’ailleurs, c’est ce qui me fait tant apprécier Notes de fève, étant donné mon plaisir à challenger mes papilles. Chose intéressante, via cette quête inlassable des saveurs, la chocolaterie a su incarner le style suisse du chocolat. Que ce soit dans ses chocolats au lait ou noirs, les textures, l’équilibre, ou encore le sens du travail bien fait sont là.
S’il fallait émettre une critique, ce serait celle d’une approche peut-être justement trop helvétique. Compte tenu de leur maîtrise technique, je suis impatient de voir le résultat une fois sorti des sentiers battus, par exemple avec un ultra dark milk ou en exacerbant certaines textures. Un espace de liberté qui donne envie de goûter leurs prochaines créations !
Producteur de cacao : Hacienda San José (co-gérée avec Domori d’Italie)
Origine : Etat de Sucre au Nord-Est du Venezuela
Pourcentage : 80%
Millésime : inconnu
Notes de dégustation
Tablette aux arcs et motifs géométriques, sa robe est sombre, d’un brun profond. Au nez, les notes boisées et épicées se mêlent sur une trame de raisins secs. Un chocolat à la force profonde. La casse est sèche. En bouche, la texture et le goût forme un alliage indiscernable. Une impression rappelant la peau de noix fraîches, avec un je ne sais quoi de noix de pécan grillées. En fin de bouche, le sentiment intense et corsé laisse filtrer un léger parfum floral, de la rose. Une touche de douceur fragile et étonnante dans cet univers gustatif aux accents très masculins. En en reprenant, des notes d’agrumes et d’épices complètent le tableau. Un chocolat extrêmement riche, qui demande du temps pour en profiter pleinement ! N’hésitez pas à vous aider de la roue des saveurs.
Le petit plus : Bien que très agréable de par son intensité, cette tablette gagnerait peut-être à être travaillée plus en finesse, peut-être avec une torréfaction plus douce. Pour entrevoir son potentiel, dégustez-la avec des loukoums artisanaux à l’eau de rose. La douceur du sucre et la texture du dessert vont adoucir ce grand brun ténébreux.
Carenero 80% Venezuela par Chocolat dicitte à Montréal
Ce chocolat dicitte cache un cœur tendre entre Venezuela et Canada
Cette tablette incarne à la perfection les chocolats du Nouveau Monde : loin des complexes du Vieux Continent. Sans chichis, elle va à l’essentiel. Emballage simple, élégant et recyclable. Des saveurs pures et un caractère bien trempé. L’ensemble de la collection de tablettes de Chocolat dicitte est représentatif de cette approche. Pourtant, à l’origine de cette chocolaterie, il y a Franck Dury Pavet… d’origine lyonnaise. Un héritage qui explique certianement le caractère corsé de ses tablettes et aussi son titre de créateur des meilleurs croissants de Montréal !
Le cacao vénézuélien est souvent une valeur sûre pour les chocolatiers à la recherche d’une matière première d’exception. Moins connues que les fèves de la région de Maracaibo, le cacao Carenero n’a pourtant rien à leur envier en termes de qualités gustatives. Le reste tient au talent et à l’interprétation du chocolatier torréfacteur. Dans ce cas, une excellente comparaison à faire est les tablettes de Carenero (4 et 8) d’Idilio Origins en Suisse.
Producteur de cacao : coopérative Kerta Semaya Samaniya
Origine : région de Jembrana à l’ouest de Bali en Indonésie
Pourcentage : 70%
Millésime : 2019
Notes de dégustation
Avec ses carrés fin, la tablette a des reflets anthracites sombres. Au nez, d’agréables notes chocolatées et légèrement épicées se dégagent. La casse est nette, franche. En bouche, la texture soyeuse impressionne avant de laisser place aux notes épicées subtiles. Clou de girofle et muscade nous transportent en Asie du Sud-Est. Sur la langue un quelque chose de gras, rappelant la brioche donne un sentiment de rondeur. Bien qu’assez linéaire, le chocolat délecte de par sa finesse et sa longueur en bouche équilibrée. Un régal.
Le petit plus : C’est un chocolat à laisser fondre. Si vraiment vous insistez pour en faire autre chose, croquez dedans sur une tranche de cuchaule. Le mariage avec le safran va vous étonner.
Tablette Bali Indonesia 70% de Standout Chocolate.
Mais encore… le chocolat Standout vous emmène tant à Bali qu’en Suède
Appréciant particulièrement le talent de Fredrik, je suis toujours aussi impatient qu’exigeant face à ses créations. Force est de constater que je n’ai encore jamais été déçu ! Depuis qu’il a créé Standout Chocolate dans sa petite ville de Suède, le résultat de son travail des fèves de cacao est exceptionnel. Pour chaque origine, il arrive à exprimer des notes que peu d’autres savent révéler. Au-delà de la finesse, c’est aussi l’équilibre de l’ensemble qui impressionne. Le trait n’est jamais forcé et l’ensemble est harmonieux. L’incarnation même du lagom suédois. Rien d’étonnant que cette approche fasse des merveilles lorsqu’alliée à la finesse de Bali.
Cette tablette est aussi l’occasion d’un exercice intéressant en la comparant avec la création de chez Encuentro. Récoltées à six mois d’intervalle, ce sont les mêmes fèves, de la même coopérative, mais interprétées autrement. La différence entre les deux chocolats produits avec le même cacao balinais est saisissante en terme de profil gustatif.