Pourquoi torréfier le cacao pour faire du chocolat ?

pourquoi torréfier le cacao

Parmi les différentes étapes de production du chocolat, la torréfaction est souvent citée en exemple. Deux raisons à cela. Premièrement, la plupart des producteurs de chocolat exercent leur métier loin des plantations de cacao. Ils apportent leur savoir-faire seulement à partir de cette étape. Deuxièmement, se dire chocolatier-torréfacteur permet de se distinguer des chocolatiers dits classiques, qui ne font que travailler du chocolat de couverture, sans transformer eux-mêmes le cacao. Mais, au fond, pourquoi torréfie-t-on le cacao ?

Besoin physico-chimique

Le fait de torréfier le cacao influence ses propriétés physiques et chimiques. D’une part, la torréfaction permet de décoller plus facilement la peau de l’amande de cacao pour ensuite s’en défaire. Faute de quoi la texture du chocolat changerait. Paradoxalement, et contrairement à ce que de nombreux torréfacteurs artisanaux pensent, la torréfaction ne baisse pas significativement le taux d’humidité des fèves. Ce taux est surtout tributaire du séchage des fèves dans le pays de production du cacao.

D’autre part, la torréfaction influence également les molécules du cacao. Elle a ainsi un effet sur son goût. Le phénomène à l’œuvre qui a le plus d’impact à cette étape s’appelle la réaction de Maillard. A distinguer de la caramélisation, cette réaction est typique des phénomènes de cuisson qui exhalent le goût et les odeurs des aliments. Dans le cas du cacao, cette étape va avoir plusieurs actions. Premièrement, elle change la couleur du cacao. Passant du brun clair au brun chocolat, la fève acquiert ainsi sa robe iconique. Deuxièmement, le goût gagne en intensité, notamment en astringence. En effet, les changements de concentration d’antioxydants jouent un rôle dans cette variation de couleur et de goût.

Cacao torréfié et cru
De gauche à droite, cabosse de cacao, cacao cru, cacao torréfié et torréfié sans sa peau. Crédit : Chansom Pantip.

Torréfier le cacao, une étape cruciale et un savoir-faire unique

Sur le papier tout semble clair. Pourtant, trouver l’équilibre est un savoir-faire qui demande beaucoup de pratique. Trop torréfié, le cacao devient amer, voire brûlé. Pas assez, il manquera d’intensité. Cette étape permet au chocolatier d’imprimer son style au cacao. Le processus est également plus complexe qu’il n’y paraît. Particulièrement sensibles, certains cacaos ne tolèrent pas plus de quelques dizaines de secondes d’écart avant d’être trop torréfiés.

La température, la durée, l’humidité de l’air, la taille et le type de fèves de cacao déterminent les caractéristiques précises de la torréfaction. Généralement, pour le cacao, la réaction de Maillard ne débute qu’au-delà de 100°C et est la plus effective au-dessus de 130°C. C’est pourquoi les torréfacteurs font souvent varier la température au fil du temps. Ils peuvent ainsi exprimer le meilleur du cacao, tout en s’assurant d’une torréfaction uniforme malgré la diversité relative des fèves. Une torréfaction plus légère exprime plus les arômes fruités du cacao, alors que plus forte, elle mettra l’accent sur les notes plus intenses et plus umami.

Tableau comparatif des différentes conditions de torréfaction de trois cacaos différents.
Tableau comparatif des différentes conditions de torréfaction de trois cacaos différents. Il est surtout intéressant de noter pour la 2e cacao, le changement significatif de composition en passant d’une torréfaction de 120° à 135°C. Crédit : Joanna Oracz & Ewa Nebesny.

Ainsi, lorsqu’un artisan indique un type de torréfaction — douce, intense —, voire une température et une durée, il ne trahit pas son secret. En effet, sans plus de précisions, il n’est guère possible d’en faire quoi que ce soit. En revanche, ce faisant, il met non seulement en avant son travail, mais il facilite la comparaison et la compréhension par le consommateur.

Cacao torréfié, cru ou pasteurisé

Le chocolat torréfié est souvent opposé au chocolat dit cru ou raw. Toutefois, si le cacao utilisé pour produire ces chocolats n’est pas à torréfié, cela ne signifie pas qu’il n’a pas été chauffé durant sa fermentation, puis pour être transformé en masse de chocolat liquide.

En revanche, les cacaos travaillés par les industriels sont rarement torréfiés. Plus souvent pasteurisés que torréfiés. En effet, pour se débarrasser des moisissures et des bactéries de ces cacaos, les entreprises chauffent brièvement les fèves à haute température, à plusieurs centaines de degrés. Si elle garantit la sécurité alimentaire du cacao, cette façon de faire détruit les composants les plus volatils qui font le goût subtil des chocolats artisanaux de qualité.

La note du sommelier
Poser des questions sur la torréfaction du cacao est un excellent moyen pour s'assurer que votre interlocuteur réalise bien lui-même son chocolat de la fève à la tablette. Avec le temps, vous pourrez aussi identifier quel style vous convient plus. 

Pour aller plus loin, notamment en se plongeant dans les détails techniques, cet article scientifique publié par deux chercheuses dans la revue European Food Research and Technology en 2018 regorge d'informations.

Rio Tocantins par Luisa Abram de Sao Paolo au Brésil

Chocolat Rio Tocantins Luisa Abram
  • Fèves : cacao sauvage d’Amazonie
  • Producteurs de cacao : communautés indigènes
  • Origine : berges du Tocantins, près de la ville de Mocajuba, dans l’Etat du Pará au Brésil
  • Torréfaction et conchage : inconnus
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation du chocolat Rio Tocantins par Luisa Abram

La robe brou de noix présente de discrets accents chatoyants. Bien chocolaté, le nez laisse deviner une fraîcheur fruitée. La casse est sonore, presque craquante, le croquant également. En bouche, les notes cacaotées donnent le ton, mais sont rapidement suivies par un défilé de sensations : notes boisées, de multiples noix et de caramel. Presque rêche, sans être désagréable, la texture contraste le tout d’une façon racée. Subtile et durant étonnamment longtemps, la longueur distille des notes de poire abatte et fait saliver. Une expérience incomparable, qui incite à recommencer.

Le petit plus : Faites fondre un morceau de ce chocolat et ajoutez y un petit morceau de poire abatte bien mûre. Laissez faire la magie d’une rencontre qui sent bon la gourmandise automnale.

Chocolat Rio Tocantins Luisa Abram
Chocolat Rio Tocantins Luisa Abram, un hommage aux cacaos qui peuplent la forêt amazonienne, loin des plantations massives.

Chocolat sauvage, une marque de fabrique de Luisa Abram

Les chocolats de Luisa Abram ont comme particularité d’être réalisés à base de cacaos uniques, sourcés auprès de communautés indigènes amazoniennes. ainsi, cette façon de se procurer du cacao vaut aux différentes tablettes des noms de cours d’eau brésiliens. En effet, avec une surface de forêt équivalente à celle de l’Union européenne, les voies de navigation fluviales constituent d’importants axes de circulation pour accéder au ressources de cacao rare du Brésil. En plus du Rio Tocantins de Luisa Abram, vous pourrez par exemple goûter les cacaos sauvages du Rio Puru et du Rio Juruá.

Les fèves d’exception sont la marque de fabrique de Luisa Ambram. Les collaborations avec les communautés locales qu’elle met en place lui permettent de s’assurer d’une production de qualité une fois ces cacaos cueillis. C’est pourquoi, elle cherche également à transmettre le meilleur de ces produits dans ses tablettes. Une démarche grâce à laquelle elle a acquis un savoir-faire unique aussi en terme de transformation. Son style délicat témoigne de son talent.

La note du sommelier
Brillant, le travail de Luisa Abram est toujours épatant. Toutefois, le fait de ne pas avoir plus d'informations sur le travail qu'elle réalise avec les fèves et de ne pas connaître la récolte crée une certaine frustration. Non pas qu'il s'agisse de cacher quoi que ce soit, mais simplement de pouvoir comparer plus finement ses tablettes. Reste qu'à choisir, je préfère un torréfacteur qui met en avant ses producteur de cacao plutôt que son travail.

Pénurie de cacao : va-t-on manquer de chocolat ?

Pénurie de cacao et de chocolat

Selon le Robert, le luxe se définit comme un « mode de vie caractérisé par de grandes dépenses consacrées au superflu » ou autrement dit, le « caractère coûteux, somptueux (d’un bien, d’un service). » Une définition qui correspond bien à un produit qui est tout, sauf vital. Quoi qu’en disent certains amateurs de chocolat. Dès lors se pose une question aussi frivole que lancinante : s’il y a pénurie de cacao, risque-t-on de manquer de chocolat ?

Finitude de la quantité de cacao

La quantité de cacao produite dans le monde ces dernières années équivaut environ à 5 millions de tonnes selon la Plateforme suisse du cacao durable. Un chiffre qui ne veut pas dire grand chose pour les consommateurs que nous sommes. S’il faut environ un kilo de cacao pour une plaque de chocolat noir, cela signifie que la production mondiale permet d’en produire environ 5 milliards. Dans le faits, vraisemblablement plus du double pour tenir compte des chocolats avec moins de cacao. Gigantesque, non ? Néanmoins, rapporté à la population globale, cela représente environ une tablette par personne et par an. Un chiffre plus si extravagant.

Mais alors, se dirige-t-on vers une pénurie de cacao et de chocolat ? Non. La tendance de ces dernières années est à une augmentation de la production mondiale de cacao. La production a plus que doublé ces 20 dernières années. Toutefois, il n’est pas possible de se fier à cette dynamique pour faire des prévisions fiables à moyen et long terme.

Diminution de la production ne signifie pas pénurie de cacao

Les effets du changement climatique impactent de nombreux domaines de l’agriculture, en particulier en milieu tropical. La culture du cacao ne fait pas exception. De même, en Afrique où est produite la majorité de cacao bon marché, le vieillissement des agriculteurs et le manque de relève dans les plantations fait craindre une baisse de production supplémentaire.

Cette diminution de la productivité est et sera en partie compensée par l’émergence de nouveaux acteurs dans d’autres pays. Ces initiatives voient le jour soit grâce à des entreprises privées, soit grâce au soutien étatique qui cherche à créer de nouvelles filières cacaoyères. Reste qu’à plus long terme, la productivité va s’amoindrir. Même s’il est aujourd’hui difficile d’estimer quel sera l’impact sur la production mondiale, une pénurie semble peu vraisemblable à moyen terme.

Faut-il en être rassuré ? Non plus, car avec la mondialisation, la consommation de cacao augmente. Si certains pays comme la Suisse en consomment moins, les marchés asiatiques tirent la tendance à la hausse. Il est donc probable qu’entre augmentation de la demande et berne de la productivité, à moyen terme, les prix augmenteront.

Pénurie de cacao, les producteurs mieux rémunérés ?

Cours du cacao à la bourse
Fin 2023 et début 2024, les cours du cacao à la bourse s’envolent. Faisant plus que doubler sur un an. Y a-t-il pénurie ?

La situation semble jouer en faveur d’une meilleure rémunération des producteurs de cacao. Un a priori qui n’est qu’en partie vrai. En effet, le prix de la bourse met un certain temps à se répercuter jusque sur le terrain. De même, les changements climatiques et sociaux vont obliger les cacaoculteurs à soit investir dans des variétés plus résistantes, soit à augmenter leur dépendance aux intrants chimiques, voire les deux. Leur niveau de vie et la pénibilité de leur travail ne vont donc pas forcément changer, au contraire. La source du problème réside dans notre consommation d’un cacao peu cher, au prix dicté par les grands industriels. Le prix réel du chocolat devrait être bien différent de ce que nous connaissons.

Rareté des bons cacaos

Quid des chocolats dits bean-to-bar ? Leur filière mieux contrôlée est-elle le gage d’une sécurité de l’approvisionnement en cacao ? A court et moyen terme, très probablement. Reste que les effets liés au climat impacteront tout le monde et la hausse globale du nombre d’amateurs de chocolat augmente aussi le nombre d’amateurs prisant le bean-to-bar. La rareté et la demande dictent les prix, qui vont donc logiquement monter.

Si l’effet de correction des prix pour le consommateur occidental sera moindre dans le domaine du chocolat de qualité, il y a fort à parier que la différence pour les chocolats de grande consommation sera bien plus grande. Nous découvrirons alors ce que représente le coût réel du chocolat. Un tableau bien sombre, mais qui laisse encore de la place à l’espoir. Aujourd’hui, il est encore possible de changer le cours des choses en minimisant l’impact de nos activités et celui de nos sociétés sur le climat. Bonne nouvelle : chaque tablette de chocolat compte, alors mangez futé !

Crédit image principale : Freepik

Afficiao et Ekeko par Carrack Chocolat de Genève en Suisse

Chocolat Carrack Aficiao Ekeko
  • Fèves : trinitario et criollo (Aficiao) et Pure nacional (Ekeko)
  • Producteurs de cacao : Öko Caribe (Aficiao) et Don Fortunato (Ekeko)
  • Origine : Région de San Francisco en République dominicaine (Aficiao) et Vallée du Maranon au Pérou (Ekeko)
  • Torréfaction et conchage : inconnu
  • Récolte : 2020 (Aficiao) et 2021 (Ekeko)
  • Pourcentage : 75%

Notes de dégustation du chocolat Aficiao par Carrack Chocolat

La robe est foncée, tirant presque vers des accents anthracites. Chocolaté, le nez laisse transparaître quelques notes fruitées. La casse est nette tout comme le croquant. En bouche, les notes boisées ouvrent le bal, tirant vers les épices (réglisse, poivre, muscade). Suivent des impressions de noix, puis, plus gourmandes, de miel. La texture est dense, agréablement pâteuse, la langue s’y lovant avec plaisir. Les papilles sont nappées de chocolat. Agréable, la longueur joue plus sur la texture que les saveurs soulignant le côté gourmand de ce chocolat.

Notes de dégustation du chocolat Ekeko par Carrack Chocolat

La robe brun foncé est profonde. Le nez diffuse des notes fruitées et acidulées très nettes. La casse est franche, le croquant agréable. En bouche, les notes fruitées se confirment avec beaucoup de rondeur sur une trame légèrement boisée et cacaotée. Le chocolat a du caractère. La texture est fondante, sans trop en faire tirant presque vers le pâteux. La longueur donne un coup de fouet à l’intensité et révèle des notes de noix. Sur le long terme — les sensations procurées par ces fèves dure et dure —, des traces de torréfaction apparaissent, ainsi qu’un côté astringent.

Le petit plus : Le véritable intérêt consiste à comparer ces deux tablettes. Alternez, goûtez à nouveau et identifiez ce qui vous plaît dans chacune. L’exercice vous renseignera en détail sur vos préférences tant les deux créations sont différentes.

Chocolat Carrack Aficiao Ekeko
Les tablettes Aficiao et Ekeko de Carrack Chocolat, respectivement à gauche et à droite. Pas facile de discerner les nuances de leurs robes. Pourtant en bouche, le doute n’est plus permis.

Des fèves d’exception pour se lancer, le pari osé de Carrack

« Afficiao Ekeko Carrack Chocolat » sonne comme un incantation. De celles qui invoquent le chocolat pour mieux vous faire découvrir des fèves d’exception. En effet, derrière les tablettes de Carrack Chocolat se cache un duo ambitieux que j’ai eu la chance d’interviewer. Ces compères gourmands cherchent sans cesse à se dépasser. Une démarche parfaitement représentée par ces deux chocolats.

Le cacao d’Öko Caribe en République Dominicaine n’est plus à présenter. Ainsi, travaillé par les maîtres torréfacteurs les plus talentueux, il fait des merveilles, notamment chez Beaningful. De même, son profil aromatique riche en fait un excellent support pour les chocolatiers qui veulent affiner leur style en faisant ressortir des notes spécifiques.

Quant à lui, le cacao péruvien de la vallée du Maranon fait figure de légende. En effet, découvert en 2007 à relativement haute altitude, ces cacaoyers produisent la variété Pur Nacional que l’on croyait disparue. Particulièrement aromatique, ce cacao est aussi très délicat et demande une grande finesse lorsqu’il est travaillé. Rares sont ceux qui ont su exprimer son plein potentiel.

La note du sommelier
L'équilibre de ces tablettes est intéressant. Elles révèlent toutes deux une grande richesse gustative. Largement de quoi vous faire oublier les chocolats classiques. Toutefois, l'amateur averti connaissant ces fèves sait que leur potentiel peut être encore plus grand. De quoi se réjouir, car ces tablettes sont parmi les premières réalisées par Emile et Alain. C'est pourquoi j'ai hâte de pouvoir suivre leur évolution à l'aune de telle fèves. Que du bonheur !

Pourquoi offre-t-on du chocolat à la Saint-Valentin ?

Chocolat à la Saint-Valentin

Offrir du chocolat à la Saint-Valentin. Une évidence que seuls les publicitaires osent encore matraquer. Il n’y a guère que les roses qui peuvent prétendre rivaliser avec ce symbole. Pourtant, le chocolat tient une place particulière dans l’histoire de cette tradition. Il révèle le rôle clé joué par les chocolatiers dans la promotion de la Saint-Valentin en tant que fête commerciale. Découvrez le savant mélange entre chocolat, amour et bonnes affaires qui fait de l’histoire de la Saint-Valentin une télénovela à déguster… avec un morceau de chocolat, bien sûr !

Saint-Valentin, quand chocolat rime avec amour

Historiquement, la Saint-Valentin devient une date liée à l’amour assez tardivement. Alors que l’histoire de ce saint remonte aux martyrs romains, ce n’est qu’à l’époque médiévale que semblent naître les légendes européennes qui associent ce saint à la bénédiction secrète des couples. En effet, c’est aussi à cette période que l’amour chevaleresque devient un thème littéraire. L’Amour devient source de célébration. En revanche, nulle trace de chocolat à l’époque. Premièrement parce que le cacao n’a pas encore été ramené des Amériques. Deuxièmement, parce que le seul symbole d’alors est une fleur donnée en gage de son amour.

Ce n’est que bien plus tard, à l’apogée du romantisme, au 19e siècle, qu’arrive le chocolat. Durant cette période faste de la révolution industrielle, les aliments à base de sucre se démocratisent. Cette tendance touche aussi le chocolat, qui passe de boisson à aliment solide. Ainsi, en 1849, l’industriel anglais John Cadbury, de la marque éponyme, s’inspire du chocolat à manger de son compatriote Joseph Fry pour créer ses propres tablettes. Son fils, Richard, excelle dans la vente. Pour écouler la nouvelle gamme de produit, il a alors l’idée de créer des boîtes de chocolats à offrir… notamment à la Saint-Valentin. L’idée fait florès et les boîtes de l’époque sont aujourd’hui des objets de collection très prisés.

Boite de chocolat Saint-Valentin années 1890
Boite de chocolats qui aurait pu être offerte à la Saint-Valentin dans les années 1890 en Angleterre. Crédit : Susan Voake via Pinterest.

Un remède plus ancien

Mais comment est-on passé d’une Saint-Valentin chevaleresque à une méthode de vente de chocolat ? La connexion pourrait être plus romantique qu’il n’y paraît. En effet, plusieurs récits médiévaux incluent dans leur trame le thème du philtre d’amour, notamment celui de Tristan et Iseult. Plus tard, à son arrivée en Europe, le cacao est bu par la noblesse, notamment pour ses vertus médicinales. Ainsi, il n’est pas impossible que l’inconscient collectif ait bénéficié de ce creuset pour associer le chocolat à un remède d’amour, avant même que les stratégies de vente ne s’en emparent. Il est intéressant d’imaginer que cette tradition puisse être l’héritage des récits romantiques des chevaliers.

Aujourd’hui encore, le chocolat est associé à une certaine aura aphrodisiaque et sensuelle. Si les historiens attestent de ce lien à différentes époques, ses origines se situeraient en Amérique dans les cultures précolombiennes. Effectivement, en plus de le consommer sous forme de boisson, les élites amérindiennes utilisent alors le cacao en tant que monnaie. Associé aux échanges sociaux en tant que cadeau entre puissants, le cacao bénéficie d’une aura prestigieuse. Puis, lorsque les Aztèques tombent à leur tour amoureux du cacao, ils l’associent à Xochiquetzal, déesse de l’amour et de la fertilité. Le lien est scellé. L’aventure qui nous mène à la tradition contemporaine du chocolat à la Saint-Valentin peut se poursuivre.

Le chocolat est-il un aphrodisiaque ?

Si cacao et chocolat sont à l’origine du lien entre cadeaux et amours, plusieurs questions se posent. Notamment celle de savoir s’il existe un mécanisme biologique sous-jacent à cette association. En d’autres termes, le chocolat serait-il un aphrodisiaque ? Dans un article de la Revue médicale suisse, des chercheurs de l’Université de Genève explorent la question. Au-delà de leur travail historique, ils mettent en valeurs les propriétés du cacao et s’intéressent à leur impact potentiel sur la sexualité.

Le chocolat à la Saint-valentin éveille-t-il le désir ?
Le chocolat à la Saint-valentin éveille-t-il le désir ?

Ainsi, les différences substances contenues dans le chocolat et le cacao auraient le potentiel d’influencer différents mécanismes du corps humain. Les observations par neuro-imagerie suggèrent que la consommation de chocolat activerait des régions cérébrales également impliquées dans le désir sexuel et les relations interpersonnelles proches. De même, l’odeur du chocolat aurait un effet relaxant. Comme mentionné par les auteurs, le tout conduit à « un ensemble d’effets utiles dans le déroulement du comportement sexuel. » Une façon alambiquée de dire que le philtre d’amour peut prendre la forme d’une tablette de chocolat.

Toutefois, au-delà de ces éléments concordants, il faut se garder de tirer des conclusions définitives. En effet, les chercheurs le soulignent clairement : « on manque d’études contrôlées concernant la relation entre fonction sexuelle et consommation de chocolat. » Reste l’adage populaire qui nous rappelle qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien… A défaut, le sujet peut toujours servir à briser la glace lors d’un premier rendez-vous.

P.S. Pour ceux qui cherchent un cadeau de dernière minute à cette occasion, je propose des solutions chocolatées à télécharger sur ma boutique en ligne.

Crédit image principale : Racool_studio via Freepik

Soconusco 85% par Cuna de Piedra de Santa Catarina au Mexique

Cuna de Piedra Soconusco, chocolat
  • Fèves : inconnues
  • Producteurs de cacao : coopérative locale de la périphérie Raymundo Enroquez
  • Origine : région de Soconuso dans l’Etat du Chiapas au Mexique
  • Torréfaction et conchage : inconnus
  • Récolte : saison des pluies 2021
  • Pourcentage : 85%

Notes de dégustation du chocolat Soconusco par Cuna de Piedra

La robe brune a des reflets presque chatoyants et est relativement claire pour un tel pourcentage. Le nez chocolat se mêle à des pointes de fruits secs. La casse est cristalline, le croquant net. En bouche, l’intensité se fait de suite sentir avec une sensation astringente et acidulée. Les notes d’agrumes se mêlent à une certaine rondeur de fruits secs. Peut-être de l’abricot et un je ne sais quoi de cacahuète, puis de miel d’acacia. La texture bien que grasse est surtout dominée par l’astringence. La longueur est belle, très belle, et dévoile de fines notes poivrées et de pruneaux d’Agen. Cette tablette détonne de par son caractère bien tranché et demande à être goûtée, encore et encore.

Le petit plus : Alternez entre mâchonnements et fonte sur la langue. Très différentes, les sensations pourraient laisser croire à deux chocolats distincts.

Cuna de Piedra Soconusco, chocolat
Cuna de Piedra Soconusco, un chocolat au caractère bien trempé qui se veut l’héritier des traditions précolombiennes. Voyage garanti.

L’apologie des origines du cacao

Cuna de Piedra porte bien son nom. Le berceau de pierre fait autant référence à la façon traditionnelle de broyer le cacao qu’à la place centrale des fèves dans la culture mexicaine d’hier et aujourd’hui. Cette vision se retrouve dans l’approche de la marque, membre SlowFood et d’une association de commerçants pour un futur durable.

Cet engagement pour le goût autrement se retrouve parfaitement dans les tablettes à l’esthétique épurée et soignée, tout comme dans le travail gustatif du cacao. Ainsi, le producteur prend même le soin d’indiquer la saison de la récolte. Voyager avec tous ses sens n’est pas une expression surfaite. De même, leur assortiment de tablettes fait la part belle aux produits locaux : tabasco, mezcal… N’y manquerait peut-être qu’une interprétation « originelle » du mariage entre la vanille et le cacao.

Cuna de Piedra Soconusco, chocolat
L’utilisation d’un écrin d’alu est ici sublimée avec le plaquage du film au plus près de la tablette pour en faire ressortir le dessin. Simplement efficace.
La note du sommelier
Toujours aussi curieux des chocolats de la région de Soconusco, je dois avouer que cette tablette me dérange autant qu'elle m'impressionne. Très différente de ce que j'ai pu goûter jusqu'à présent, elle joue sur l'intensité des sensations en s’éloignant du côté ouvertement gourmand des autres. Un jeu maîtrisé à la perfection, tant on en redemande. Ce côté engagé et entier fait presque oublier le manque d'information quant aux fèves et au travail du torréfacteur.

Vanille dans le chocolat : bon ou mauvais signe ?

Vanille dans le chocolat

De nombreux chocolats, y compris chez de les artisans chocolatiers, contiennent de la vanille. Naturel, cet ingrédient ne semble pas poser de problème. Mais qu’en est-il réellement ? Mettre de la vanille dans le chocolat est-il bon, mauvais ou sans incidence ? Et surtout pourquoi en ajouter ? Sans le savoir, grâce à cette épice, vous pouvez évaluer la qualité d’un chocolat avant de l’acheter. Je vous propose de découvrir comment.

Vanille dans le chocolat, une tradition Aztèque

Historiquement, l’ajout de vanille remonte à bien avant avant l’invention de la tablette. C’est dans la boisson à base de cacao, que les populations précolombiennes ajoutaient de la vanille. Les Européens découvrent cette gousse avec l’arrivée de Cortés à Mexico en 1519. Les récits de l’époque décrivent l’empereur aztèque Moctezuma buvant son cacao parfumé à la vanille.

Chocolat à boire Moctezuma du Mexique
Chocolat à boire de Moctezuma du Mexique. Quand la tradition devient un concept commercial dans lequel le sucre supplante allégrement la vanille.

Influencés par cette pratique, les Européens associent également la vanille au chocolat. Cette tradition vanillée perdure dans les salons du Vieux Continent qui servent du chocolat à boire. De même, la vanille reste lorsque le cacao est transformé en tablette à croquer. En effet, la vanille adoucit le chocolat. Aujourd’hui, de nombreux chocolatiers perpétuent encore cet héritage, même si peu d’entre eux en connaissent l’origine et surtout l’intérêt gustatif.

Cachez cette vanille que je ne saurais voir

Souvent, dans le chocolat, la vanille joue le rôle d’un exhausteur de goût. Comme la plupart des épices utilisées de cette façon, elle doit révéler le « bon » d’un chocolat. C’est ce qui explique qu’on ne la sente généralement pas. Toutefois, comme l’ajout de sucre en grande quantité sert à cacher un chocolat de moindre qualité, la présence de vanille apporte souvent douceur et nuances gustatives aux fèves mal torréfiées.

Liste des ingrédient d'un chocolat Lindt contenant de la vanille.
Liste des ingrédient d’un chocolat Lindt contenant de la vanille. Capture d’écran du site de Lindt.

Ainsi, une tablette qui indique de la vanille dans sa composition n’est pas de bon augure. Un rapide examen de la liste des ingrédients vous renseignera sur sa présence ou non. Les pires produits en terme de qualité annonceront carrément la présence d’arôme de vanille ou de vanilline. Certains artisans tenteront de justifier cet ajout en spécifiant l’origine de la vanille. D’une part qu’elle soit de Madagascar ou de Tahiti, la vanille peut être de qualité très variable. D’autre part, un cacao de qualité, travaillé avec brio se suffit à lui-même. Nulle besoin d’ajouter autre chose que du sucre pour transformer des fèves en chocolat exceptionnel.

Chocolat à la vanille

La vanille dans le chocolat serait-elle donc à proscrire ? Non. Tout comme il existe du chocolat au piment, aux noisette ou au lait, faire du chocolat à la vanille est possible. Malheureusement, rares sont les chocolatiers qui créent et mettent en avant sur l’emballage que le chocolat est à la vanille. La seule exception notable vient des industriels qui, le plus souvent pour du chocolat blanc de mauvaise qualité, font figurer ostensiblement la présence de vanille…

Pourtant le potentiel de la vanille est considérable. Les différentes variétés de vanille sont impressionnantes en termes de saveurs. Toutefois, réussir à proposer une création qui mette autant en avant le cacao que l’épice est un défi. Trouver l’équilibre gustatif sans que l’un ne prenne le dessus sur l’autre est particulièrement délicat vu le caractère aussi intense que subtil de la vanille d’exception. L’exercice semble plus facile avec du chocolat au lait. Pourtant un chocolat noir avec un haut pourcentage de cacao pourrait faire des merveilles.

La note du sommelier
Initialement peu porté sur la vanille, j'ai réellement découvert le potentiel de cette épice à l'occasion d'un voyage. Une simple glace à la "vraie" vanille de la plantation adjacente m'a fait l'effet d'une révélation gustative. Depuis, j'en utilise volontiers lorsque je cuisine. Jusqu'à présent, je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de goûter un vrai chocolat noir à la vanille annoncé comme tel et qui viendrait épater mes papilles. Pourtant le potentiel est là. Nombre de régions qui cultivent du cacao produisent aussi de la vanille. Avis aux producteurs !
Glace à la vanille
Votre serviteur découvrant de la glace à la « vraie » vanille. Une image qui se passe de tout commentaire.

Crédit image principale : Jocelyn Morales.

Czekolada mleczna Zorzal par Deseo de Varsovie en Pologne

Czekolada mleczna Zorzal par Deseo
  • Fèves : inconnues
  • Producteurs de cacao : Zorzal Cacao
  • Origine : République dominicaine
  • Torréfaction et conchage : inconnus
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 52%
  • Inclusions: lait, noix de pécan caramélisées et vanille de Madagascar

Notes de dégustation du chocolat Czekolada mleczna Zorzal par Deseo

La robe brune est éclipsée par les éclats de noix de pécan caramélisées qui captent le regard. Le nez mêle caramel et impression de foins lactés. La casse est claire, le croquant franc. Sur la langue, la texture fondante du lait distille petit à petit les notes chocolatées mêlées de caramel. Ce je ne sais quoi de lait d’alpage revient avant de céder sa place aux impressions torréfiées de noix. Le côté pécan ajoute de la rondeur, sans prendre le dessus. La longueur revient sur le caractère à la fois lacté et cacaoté.

Le petit plus : Donnez un coup de fouet gourmand à ce chocolat en déposant un morceau sur un petite cuillère avec un peu de… sirop d’érable foncé ou robuste. L’expérience devient alors réellement intéressante et régressive à souhait.

Czekolada mleczna Zorzal par Deseo
Czekolada mleczna Zorzal par Deseo, une tablette de chocolat au lait et noix de pécan venue de Pologne.

De la gourmandise. Oui, mais…

Deseo vise clairement le segment haut de gamme avec son emballage blanc gaufré, ses tablettes visées de la signature d’un contrôleur et l’apposition d’un numéro de production. Pourtant, il manque quelque chose. Que ce soit plus de détails sur le cacao et la façon dont il est travaillé, ou en terme d’ingrédients. La vanille et la lécithine de soja semblent être là pour rogner sur les coûts et voiler pudiquement un travail approximatif.

Initialement, les apparences semblaient prometteuses. Pourtant, le compte n’y est pas. Certes, le marché polonais est encore loin de la maturité d’autres pays où le bean-to-bar s’est fait une place plus confortable. Malgré tout, le résultat est d’autant plus regrettable que l’exercice se fait dans un registre plus facile, celui de la gourmandise. A ce titre, czekolada mleczna Zorzal Deseo est à comparer avec la performance inattendue de BTB Chocolate qui joue sur un registre autrement plus difficile.

La note du sommelier
La déception est d'autant plus grande que les moyens semblent être là, notamment vu l'effort consenti sur l'emballage. En comparaison, la qualité du travail de Sisters A. Chocolate en Ukraine est à des années-lumière et ce malgré des conditions de production, de vente et d'approvisionnement autrement plus compliquées. Preuve, s'il en fallait, que le talent n'a rien à voir avec les moyens.

Merci à Joanna pour la découverte de cette tablette.

Lécithine dans le chocolat : qu’est-ce que ça apporte ?

lécithine dans le chocolat

La lécithine dans le chocolat est source de nombreuses controverses. Les puristes diront qu’il n’y a besoin que de deux ingrédients pour faire du chocolat : du cacao et du sucre. Tout le reste n’est que superflu. Si légalement rien d’autre n’est nécessaire, tant que les pourcentages minimaux sont respectés, il n’est pas interdit d’y ajouter de la lécithine. Dès lors, pourquoi en utiliser et qu’est-ce que ça apporte ?

Qu’est-ce que la lécithine ?

De nombreux domaines utilisent la lécithine, des cosmétiques à l’alimentaire. Les fabricants en obtiennent notamment à partir de plantes comme le soja, le tournesol, le colza ou encore le maïs. Ses propriétés en font un ingrédient particulièrement utile. En effet, au niveau des molécules, sa caractéristique principale vient du fait qu’une extrémité attire l’eau et l’autre se lie facilement aux composés des ingrédients gras. Cette propriété permet de faire des mélanges — des émulsions pour être exact — plus stables. En tant qu’additifs, les lécithines permettent de changer le processus de fabrication, la texture, mais aussi le goût d’un aliment.

Malgré tout, la lécithine est souvent au cœur de polémiques. Que ce soit en tant qu’ingrédient mauvais ou bénéfique, sa présence ne laisse pas indifférent. En terme de santé, les lécithines végétales semblent a priori jouer un rôle nutritionnel plutôt bénéfique. En revanche, il faut se méfier des promesses vantant qu’elles peuvent soigner certaines maladies. Leur rôle négatif vient plutôt de leur impact sur l’environnement. En effet, la lécithine est souvent extraite du soja, notamment OGM, qui est fréquemment cultivé sur des parcelles issues de la déforestation et a un impact sur les ressource en eau.

Pourquoi mettre de la lécithine dans le chocolat ?

Il existe deux styles de chocolat. D’une part, des chocolats peu gras auxquels les fabricants n’ajoutent aucun ou très peu de beurre de cacao. D’autre part, des chocolats très crémeux, auxquels les producteurs ajoutent du beurre de cacao pour augmenter le fondant. En terme de fabrication, dans le premier cas, le défi consiste à travailler un masse de chocolat plus dense. Avec moins de viscosité, le mélange peut bloquer les machines, surtout dans un local à l’humidité mal contrôlée. L’ajout de lécithine permet de fluidifier le tout sans augmenter le fondant. Ainsi, il faut cinq à dix fois moins de lécithine que de beurre de cacao pour un résultat similaire. Dans le cas des chocolats très gras, le risque est que le beurre de cacao se sépare du reste de la masse. L’ajout de lécithine permet alors d’avoir un mélange plus stable.

Le cacao et le sucre sont mixés dans un mélangeur.
Le cacao et le sucre sont mixés dans un mélangeur. C’est à ce stade que la lécithine peut être ajoutée à la masse de chocolat pour modifier sa viscosité. Crédit : Daderot, wikipedia.

Gustativement, la principale différence entre l’ajout de lécithine ou de beurre de cacao dans le chocolat réside dans la texture. Avec un point de fusion bien en deçà de la température du corps humain, le beurre de cacao confère un fondant unique. Moins sensible à la chaleur, la lécithine rendra le chocolat moins fondant. Cette propriété est aussi intéressante pour la conservation. En effet, avec de la lécithine le produit résiste mieux aux variations des conditions de stockage. Ainsi, ce choix prévient en partie le blanchissement du chocolat. Bien que sans danger, ce phénomène est le résultat de la séparation du gras de la masse, rendant ainsi le chocolat plus cassant et moins goûteux.

Les avantages et les inconvénients

Au final, qu’est-ce que l’ajout de lécithine dans le chocolat apporte au producteur et au consommateur ? Pour le premier, au-delà des contraintes techniques, c’est aussi une question de coûts, en particulier à l’échelle industrielle. En effet, si le chocolat se conserve mieux, les pertes et le gaspillage diminuent. L’économie est aussi significative. D’une part, les lécithines coûtent moins cher que le beurre de cacao. D’autre part, elles nécessitent de moindres quantités. A noter, que cela peut aussi signifier devoir se priver de certains clients allergiques à certaines lécithines.

Pour le consommateur, dans le cas d’un chocolat industriel, la différence est minime en termes gustatifs. Il vaut alors surtout la peine de faire attention au type de lécithine pour réduire son impact environnemental en privilégiant la lécithine de tournesol ou de colza à celle de soja. Dans le cas de chocolats dits bean-to-bar pour lesquels l’origine du cacao joue un grand rôle gustatif, l’ajout de lécithine va changer le fondant et donc l’expérience. Un élément qui peut être rédhibitoire pour certains. Mais ce choix du producteur doit être pondéré. En effet, le climat tropical de certains pays ne laisse peut-être pas d’autre choix. Comme souvent, il faut se garder de voir la lécithine dans le chocolat comme uniquement bonne ou mauvaise.

La note du sommelier
Personnellement, je préfère choisir des produits sans lécithine. Pourquoi ? Car en changeant la texture du chocolat et la façon dont il fond en bouche, l'expérience est altérée. A mon avis, un chocolatier torréfacteur qui connaît et maîtrise son cacao saura en tirer le meilleur sans avoir à ajouter d'autres ingrédients. Cela facilite également la comparaison des interprétations par différents chocolatiers d'un même cacao. Ce point de vue est très spécifique à mon activité et ne devrait pas être considéré comme un idéal.

Piura par Maüa à Majorque en Espagne

Chocolat Piura de Maüa
  • Fèves : forestaro de l’Amazonie
  • Producteurs de cacao : inconnus
  • Origine : région de Piura au Pérou
  • Torréfaction et conchage : entre 90° et 120°C, puis conchage entre 28-36 heures
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 85%

Notes de dégustation du chocolat Piura par Maüa

La robe est particulièrement claire pour un chocolat noir intensément cacao. Relativement léger, le nez distille des notes de fruits secs. La casse est cristalline, le croquant franc. En bouche, l’intensité du cacao ne laisse pas de doute. Les notes de tabac se mêlent aux impressions de fruits blets. le tout sur une trame d’acidité maîtrisée et assez peu d’astringence. Soyeuse, la texture est agréable et complémente bien l’intensité des saveurs. Tout en intensité également, la longueur emplit la bouche et joue sur les notes acidulées, tirant vers la cacao fermenté.

Le petit plus : Essayez de marier ce chocolat avec un peu de jus de lychee. Tout l’art de cet accord consiste à trouver en bouche la bonne quantité de chocolat fondu et une lampée adaptée.

Chocolat Piura de Maüa
Chocolat Piura de Maüa, une invitation au voyage et une robe particulièrement claire pour un 85%.

Chocolat des îles… baléares

L’exotisme est parfois là où l’on ne s’y attend pas, comme par exemple avec Maüa qui produit ses chocolats à Majorque, au large des côtes espagnoles. D’ailleurs, le nom du producteur est un collage entre Majorque et le Nicaragua où se sont rencontrés les deux fondateurs. Leur passion contagieuse se transmet particulièrement bien grâce à leur travail et la bonne transparence qui l’entoure. Ne manquent que le millésime, le producteur de cacao et le prix payé pour celui-ci.

Si ce chocolat Piura par Maüa est une réussite, il mérite d’autant plus d’être comparé à l’interprétation de ce terroir faite par d’autres torréfacteurs. La qualité des fèves de Piura au Pérou est telle, que les papilles n’ont que l’embarras du choix : Standout, Qantu, Orfève… Or, la particularité de cette région est d’être située sur le versant « pacifique » des Andes, contrairement à plusieurs autres fèves péruviennes cultivées côté bassin amazonien.

La note du sommelier
Le résultat est excellent et parfaitement maîtrisé. De même, je n'ai pas boudé mon plaisir en le dégustant, puis le dévorant. Pourtant — et c'est un sentiment parfaitement subjectif — , dans cette interprétation des fèves de Piura, il m'a manqué un je ne sais quoi d'émotion. Sans que je sois capable de mettre plus exactement des mots sur cette impression. Une sensation que j'ai éprouvé à chaque fois que j'en ai repris sur plusieurs jours. La dégustation reste une expérience éminemment personnelle... C'est ce qui la rend aussi insaisissable que précieuse.