Procope : Desplanches fait du bean-to-bar à Genève

Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait avec du cacao Del Lago.

L’entreprise Desplanches est un acteur bien implanté de la place genevoise. Des créations chocolatées à la boulangerie, ils proposent un large assortiment. Désormais, c’est sous la marque Procope que Desplanches produit son propre chocolat, rejoignant la tendance bean-to-bar. En visite, j’en ai profité pour acheter six tablettes différentes au sein d’un assortiment très fourni tant en termes d’origines, de déclinaisons lactées ou de différents pourcentages de cacao. La vendeuse s’est montrée particulièrement sympathique. Je me réjouissais donc de goûter ces créations.

Del Lago par Procope de Desplanches à Genève

Sur l’ensemble choisi, mon attention s’est portée sur deux tablettes déclinant du cacao vénézuélien en chocolat noir et au lait. Pourquoi ? Parce que leurs fèves sortent des « classiques » du bean-to-bar, tout en étant proches de ce qui se trouve en Suisse en matière de couverture. De quoi pouvoir identifier le type d’approche gustative choisie par Procope pour créer sa signature bean-to-bar. Dans la pratique, pour ces deux chocolats :

  • Fèves : hybrides Trinitario et Criollo
  • Producteurs de cacao : non-spécifié, sourcé par Fanzuela
  • Origine : Sud-ouest du lac Maracaïbo au Venezuela
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 70% (noir) et 50% (lait)
  • Inclusions : lait en poudre (pour la tablette au lait uniquement) et lécithine de tournesol

Notes de dégustation du chocolat noir

La robe marron est belle et relativement claire pour un chocolat noir. Le nez très chocolat est plat, laissant à peine filtrer quelques notes épicées. La casse est cristalline et le croquant net. En bouche, les notes semblent sourdes. En insistant, le cacao dévoile des touches (très) torréfiées, de noisette et une pointe discrète de poivre de Jamaïque. La texture est étonnement peu fondante. Enfin, la longueur est en retrait et distille les mêmes notes.

Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait avec du cacao Del Lago.
Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait réalisés avec du cacao du Venezuela.

Notes de dégustation de la tablette au lait

La livrée brun caramel différencie clairement la variante lactée. Le nez est sans reliefs, à peine chocolaté. La casse est étonnement sonore, tout comme le croquant. En bouche, la texture sèche et friable donne le ton avant de laisser place aux notes de biscuits secs et de noisette. De même, la longueur reprend ce motif avant de se dissiper rapidement. Heureusement serait-on tenté de dire.

Procope de Desplanches, un bean-to-bar comme un autre ?

Les conditions de stockage à l’intérieur de la boutique ont clairement eu une influence sur les tablettes. En effet, trois sur six présentaient des signes de blanchiment une fois déballées. Un constat d’autant plus inquiétant que j’ai acheté ces chocolats hors période estivale. Si l’impact gustatif de ce blanchiment n’est pas nul, la qualité du travail de fond laisse malgré tout à désirer. En effet, je goûte des chocolats ayant soufferts de mauvaises conditions de transport, mais la qualité du travail reste parfaitement identifiable.

Dans le cas présent, la torréfaction du cacao est approximative. Un constat d’autant plus décevant que Procope est l’enfant de Desplanches, un chocolatier établi. De plus, de nombreux entrepreneurs chocolatiers sans bagage se montrent plus assidus dès leurs débuts. De même, la démarche souffre d’un autre travers : vouloir recréer les standards du chocolat de couverture. C’est pourquoi, le caractère des petits lots de cacao ne se retrouve pas dans cette approche.

Finalement, l’écueil gustatif sur lequel Procope bute est particulièrement frustrant en raison de la démarche initiale. En effet, la boutique dispose d’un bon service et met en avant le travail avec un laboratoire visible. Mieux, un système de QR-code sur les tablettes permet de retracer l’origine des ingrédients. Même si la plateforme est peu intuitive, l’approche d’ouvrir la traçabilité des ingrédients est à saluer.

La note du sommelier
Faut-il partager un avis négatif ? C'est la question que je me suis longuement posée face à ces chocolats. Si j'ai décidé de passer outre mes réticences, c'est pour plusieurs raisons. Malgré un message à l'entreprise pour leur signaler le problème, je n'ai reçu aucun réponse. Procope existe maintenant depuis quelques temps, les erreurs de jeunesse auraient pu, dû être corrigées dans l'intervalle. Finalement, ce beanto-bar venant d'un chocolatier établi, ces faux pas cumulés sont vraiment décevants et ternissent l'image des autres artisans s'engageant dans cette démarche. C'est pourquoi je préfère avertir les clients et espère surtout pouvoir changer d'avis sur Procope dans le futur !

Chocolat noir ou au lait ?

Chocolat noir ou au lait: exemple avec le Sierra Leone de Notes de fève

Lequel est meilleur ? Le chocolat noir ou au lait ? Outre le fait qu’il s’agisse surtout de préférences gustatives personnelles, la question est souvent un non-sens. En effet, les tablettes invoquées pour la comparaison sont souvent de producteurs différents, avec des cacaos différents, etc. Pas de quoi alimenter la réflexion de façon très productive. Pourtant, grâce aux producteurs bean-to-bar, il est possible de faire avancer le débat… tout en mangeant du bon chocolat. Alors sans plus attendre faisons avancer la science !

Sierre Leone Kailahun de Notes de fève à Matran en Suisse

La maison Notes de fève propose deux chocolats parfaits pour cet exercice. Les deux tablettes sont réalisées non seulement par le même chocolatier, mais en plus avec du cacao de la même origine et du même millésime. Cerise sur la gâteau, le chocolat au lait est un dark milk, aussi appelé ultra-cacaoté. De quoi s’assurer que le sucre ne prenne pas le dessus et que l’ajout de lait soit uniquement là pour transformer le profil gustatif du cacao. Des conditions idéales pour réaliser un comparatif.

  • Fèves : trinitario et forastero
  • Producteurs de cacao : Village Hope
  • Origine : région de Kailahun en Sierra Leone
  • Récolte : 2022
  • Pourcentage : 80% (noir) et 67% (lait)
  • Inclusion : lait en poudre (pour la tablette au lait uniquement)

Notes de dégustation du chocolat noir

La robe noir ébène joue avec la lumière pour le plus grand plaisir des yeux. Le nez est particulièrement chocolaté avec quelques traces de cacao. La casse est relativement discrète et le croquant plutôt friable. En bouche, le cacao ouvre le bal et déroule des notes automnales boisées, de noix ou encore d’écorce de pomme. La texture étonne, oscillant entre fondant et friable, ajoutant au caractère atypique du chocolat. Enfin, la longueur est belle et révèle des tannins souples et agréables, tout en rappelant les notes de noix. Un chocolat complexe qui redemande à être goûté plusieurs fois. Parfait pour le brunch d’un dimanche d’automne.

Le petit plus : Pour rester proche de l’esprit fribourgeois de la chocolaterie, associez un morceau à un peu de cuchaule.

Chocolat noir ou au lait: exemple avec le Sierra Leone de Notes de fève
Chocolat noir ou au lait, l’exemple avec le Sierra Leone de Notes de fève. Avouez que la nuance de couleur est subtile !

Notes de dégustation de la tablette au lait

D’un ton plus clair à peine décelable, la robe ébène ne laisse pas filtrer au premier abord la nature lactée du chocolat. Au nez, le goûteur distrait pourrait ne pas remarquer la pointe lactée qui souligne discrètement le côté très chocolaté. Un peu plus molle, la casse donne déjà plus d’indices, tout comme le croquant. En bouche, le doute est dissipé, c’est bien un chocolat différent du premier. La texture grasse et prenante rappelle celle d’un Bourgogne. Les notes cacaotées sont accompagnées de celles de noisettes grillées et toujours ce je ne sais quoi de lacté. Le tout laisse poindre quelques accents inattendus qui font penser à de la réglisse et peut-être à nouveau ce je ne sais quoi d’écorce de pomme. De même, la longueur fait ressortir les tannins et confère du racé au tout. A nouveau, il faut goûter encore et encore.

Le petit plus : Prenez un tout petit morceau de datte séchée et accompagnez-le d’un morceau de chocolat qui se transforme alors en pâte à tartiner régressive à souhait en faisant ressortir d’autant plus le côté noisette grillée, voire de massepain ! D’ailleurs, le même exercice avec le chocolat noir renforcera ce côté massepain.

Alors… chocolat noir ou au lait ???

Grâce à cette comparaison, il est intéressant de noter que le lait peut réellement devenir un révélateur du cacao. En faisant ressortir certains traits, il transforme l’expérience sans rien ôter à la richesse gustative du cacao. Au contraire, il peut même apporter de nouvelles notes. Est-ce que cela signifie que le chocolat au lait prévaut sur le chocolat noir ? Définitivement, non. Les deux se valent en terme de qualité sensorielle.

Ainsi, il ressort clairement de l’exercice que l’ajout ou non de lait dépend fortement du cacao utilisé, de la façon de le travailler et du résultat recherché. Si le but est simplement de travailler l’aspect gourmand, la comparaison n’a même pas lieu d’être. En revanche, si le lait est vu comme un ajout pouvant transformer le cacao, alors la question est parfaitement pertinente et avoir une préférence est tout à fait défendable par des arguments en lien avec la qualité du cacao et son potentiel gustatif.

La note du sommelier
Les producteurs qui fabriquent du chocolat au lait font souvent cet exercice de comparaison avec le pendant non-lacté de leur création. Ainsi, ils se retrouvent souvent face aux mêmes dilemmes. Ce qui est dommage, c'est que ce travail, en plus d'être invisible, n'est pas valorisé. Les deux tablettes présentées ici illustrent bien l'intérêt gustatif aussi pour les consommateurs. Une façon d'éduquer le client tout en s'amusant. Que demander de plus ?

Olé d’avoine et Rêves de cachemire par Qantu

Chocolats Olé d'avoine et Rêves de cachemire de Qantu
  • Fèves : non-mentionné
  • Producteur de cacao : non-mentionné
  • Origine : Pérou
  • Pourcentage : 50% (Olé d’avoine) et 55% (Rêves de cachemire)
  • Inclusion : sucre d’érable et poudre d’avoine 50% (Olé d’avoine) et lait de chèvre (Rêves de cachemire)

Notes de dégustation du chocolat Olé d’avoine de Qantu

La robe est celle d’un chocolat noir léger, d’un joli brun. Quant à lui, le nez trahit la présence de l’avoine avec ses notes suaves de petit-déjeuner. La casse est sourde et le croquant net. En bouche, les mêmes sensations matinales gourmandes reviennent. A y regarder de plus près, le chocolat distille d’autres notes. Quelque chose de la citrouille butternut mêlé d’épices évanescentes avec une pointe de noix de pécan. Une symphonie automnales qui renforce le côté « à manger dans un moment de cocooning ». La longueur relance le sentiment d’avoine et de chocolat. Belle, elle vient mourir lentement sur les papilles.

Notes de dégustation du chocolat Rêves de cachemire de Qantu

La robe marron pourrait passer pour celle d’un chocolat noir. Le nez ne laisse pas de doute. Après une impression chocolatée, le caractère caprin est bien présent. La casse et le croquant sont mous comme ceux d’un chocolat au lait. En bouche, c’est le fondant très caramel qui ouvre le bal. Le caractère affirmé du lait de chèvre qui suit, transporte les papilles dans un autre univers, celui des fromages affinés. Pourtant au-delà des ingrédients, transparaît quelque chose de fruité, suranné, tirant vers la confiture de poires Abate bien mûres. En finale, ce sentiment est rehaussé par un je ne sais quoi de miel de fleur. Un voyage sensoriel unique.

Le petit plus : Oserez-vous commencer votre journée par ces chocolats ? Que vous soyez plutôt petit-déjeuner bol d’avoine ou brunch avec du chèvre frais, tentez l’expérience Qantu. A jeun, comme un remède. Les sens sont d’autant plus aux aguets et le plaisir décuplé.

Chocolats Olé d'avoine et Rêves de cachemire de Qantu
Deux chocolats qui semblent être au lait, pourtant qu’un seul l’est réellement: Rêves de cachemire, car Olé d’avoine est légalement un chocolat noir.

Le chocolat au lait autrement

Avoine, cachemire, Qantu sort des sentiers battus pour interpréter le chocolat au lait autrement. Si le lait d’avoine est tendance et le lait de chèvre gourmand, c’est surtout leur approche qui fait la différence. Elfi et Maxime ont mis dans ces deux tablettes tout leur cœur et leur univers. Le résultat est un moment de douceur qui sent bon le petit-déjeuner tardif, un week-end d’automne. Même gourmands, ces chocolats jouent sur des notes tout en finesse. De quoi satisfaire tout le monde et de sortir du cliché des « autres » laits sans intérêt.

La note du sommelier
Si l'interprétation de ces accords lactés est réussie, l'amateur des bons cacaos que je suis reste un peu sur sa faim. Les origines et les types de fèves ne sont pas mentionnés. Certes, ce n'est pas le but de l'exercice, mais pour les fadas de cacaos comme moi, c'est comme le mucilage qui habille la fève : la touche qui fait la différence. A noter aussi le soin habituel apporté à la personnalisation de l'emballage avec les dessins reconnaissables entre mille qui font la touche Qantu.

Chocolat au lait ou aux laits ?

Lait versé

Quasi érigé en symbole national, le chocolat au lait semble couler une existence douce et immuable dans les Alpes suisses. Pourtant, à y regarder de plus près, il semblerait que lui aussi réponde aux sirènes du monde moderne. Qu’en est-il, faut-il désormais utiliser le pluriel et parler de chocolat aux laits ? Tour d’horizon des dernières tendances et de ce qui mérite l’attention ou, au contraire, n’est qu’un argument de vente.

Qu’est-ce que le chocolat au lait ?

Légalement, en Suisse et en Europe, pour être dit au lait, un chocolat doit contenir au minimum 20% de cacao et 20% de lait en poudre. Il reste pas mal de marge pour y ajouter sucre, lécithines végétales moins chères que le beurre de cacao, etc. Cette définition signifie également qu’il n’y pas de règle spécifique pour définir un chocolat dit dark milk ou rubis. De même, nul besoin de se cantonner au lait de vache.

Historiquement et culturellement, il est intéressant de souligner le fort lien entre le chocolat au lait et la Suisse. En effet, c’est Daniel Peter, qui en 1875 crée la première recette de chocolat au lait sur les rives du lac Léman. Cette première variante utilise du lait… condensé. Ce n’est qu’une dizaine d’année plus tard, à force d’expérimentations, qu’il met au point le chocolat avec du lait en poudre. Le succès est au rendez-vous. Le chocolat suisse entre dans la légende pour son fondant et sa douceur.

Le premier chocolat au lait créé par Daniel Peter
Le premier chocolat au lait a été créé à Vevey au bord du Léman par Daniel Peter. Crédit : Archives historiques Nestlé.

Aujourd’hui encore, le chocolat helvétique est fortement influencé par cette conception très douce du chocolat. Ainsi, même décliné en noir, il se doit d’être fondant. Une typicité qui lui vaut d’être souvent riche en beurre de cacao. A noter également en 1879, l’invention en Suisse du conchage qui permet de renforcer ces caractéristiques en lien avec la texture.

Il n’y a pas que la vache

Si l’histoire semble gravée dans le marbre, heureusement la créativité des chocolatiers n’a pas disparu. Avec le renouveau du chocolat artisanal des années 2000, il faut aussi revisiter et valoriser les best-seller au lait. Toutefois, il faudra attendre les années 2010 pour que le chocolat au lait devienne un sujet d’expérimentation digne de ce nom. Fort de sa suissitude, le couverturier Felchlin lance un chocolat au lait d’alpage produit dans la biosphère UNESCO de l’Entlebuch au cœur des Alpes. Ode à la qualité des ingrédients et au savoir-faire, ce chocolat n’apporte pas grand chose en terme d’innovation gustative.

Plus aventurier, d’autres tenteront de se départir du lait de vache. Apparaissent ainsi des tablettes au lait d’ânesse, mais aussi de brebis ou de chèvre. Le virage est entamé. Gustativement, l’impact est sensible et le jeu devient intéressant. Souvent, les chocolatiers bean-to-bar réalisent les meilleurs essais en valorisant le cacao grâce à ces nouveaux ingrédients. Ces mêmes chocolatiers mettent plus volontiers en avant le goût. Chez d’autres, il n’est pas rare de voir des arguments de vente tel que « lait plus digeste, plus nutritif, plus proche du lait maternel »…

La course à l’originalité bat son plein, avec l’imagination pour seule limite. Tant mieux. A ce jeu, certains n’hésitent pas à passer outre les frontières. Pourquoi se borner au lait quand la gamme des produits lactés est plus large. Passionné, Samuel Romagné avait lors de son aventure bean-to-bar chez Canonica testé le chocolat au yaourt. Une réussite aussi audacieuse qu’originale. Chez Naive, c’est carrément le kéfir. Le défi reste souvent lié au fait de trouver des produits lactés différents et utilisables. Au niveau industriel, Villars, avec sa récente collection de chocolat au lait provenant de différents cantons suisses a les moyens pour structurer son approvisionnement.

Chocolat au lait végan, voire artificiel

Si les autres laits animaux ont rapidement conquis les producteurs classiques, c’est outre-Atlantique qu’à démarré la frénésie des laits dits végétaux. Porté par les consommateurs intolérants au lactose, le mouvement a ensuite essaimé grâce au véganisme. Les premiers essais se sont souvent avérés peu intéressants gustativement. Une fois de plus, lorsque les artisans bean-to-bar s’approprient ces produits, la démarche devient intéressante.

Chocolats au lait d'avoine, de chèvre et au kéfir par Qantu et Naive
Chocolats au lait d’avoine, de chèvre et au kéfir par Qantu et Naive vs lait traditionnel. Pour lequel optez-vous ?

Laits d’amande, d’avoine, de coco, de soja ont tous un profil gustatif différent. Comme toute inclusion dans le chocolat, ils peuvent révéler de belles surprises. A mon sens, le principal défi réside dans la filiation avec le lait classique. Si le consommateur recherche un succédané à son expérience habituelle, il sera déçu. En revanche, en abordant ces produits comme une autre création, l’expérience devient réellement intéressante.

D’un point de vue industriel, face aux coûts environnementaux de la production de masse du lait, les ingénieurs mettent au point du lait produit in vitro. Du fait de la standardisation lors de la pasteurisation et du mélange entre différentes fermes, il est fort probable que la différence entre lait naturel et artificiel, soit facile à percevoir pour le consommateur. Dès lors, réduit en poudre pour fabriquer du chocolat au lait, ce succédané pourrait tout à fait s’avérer être une alternative bienvenue pour une production de masse. Reste à savoir s’il restera alors encore du cacao pour l’industrie du chocolat…

Crédit photo principale : freepik

Pourcentage de cacao du chocolat, que dit la réglementation ?

Pourcentage de cacao du chocolat

Quel produit peut être appelé chocolat ? Quelle est le pourcentage de cacao légal du chocolat ? Pour répondre à ces questions, il faut se pencher sur la composition des tablettes. Mais attention, celle-ci varie énormément d’un type de chocolat à l’autre. Sortez vos codices et vos tablettes ! Tour d’horizon différent pour comprendre ce qui se cache derrière un marché lucratif qui éclipse les producteurs à la recherche de goût et d’éthique.

Pourcentage légal du chocolat noir… aux noisettes, crémant, etc.

En Suisse, « pays du chocolat », la loi est plutôt floue. La législation helvétique ne prescrit pas grand chose à part ce qui peut être appelé chocolat. La règle est alors qu’il contienne au moins 35% de cacao. Pour le reste peu importe. Il peut être appelé noir, extra-noir, noir intense, crémant, de cuisine, inclure des noisettes, des amandes ou tout autre chose comestible autorisée. Cette définition est un legs de la réglementation européenne en la matière. A noter qu’il n’y a pas de prescription sur le pourcentage maximal.

Attention, il est encore possible de descendre en dessous de cette limite de 35%. Il suffit de ne pas indiquer que l’on vend du chocolat, mais un produit au chocolat. Si cela semble logique pour une barre chocolatée, cela laisse de la marge pour un produit sous forme de tablette généreusement fourrée à tout autre chose. Le chocolat doit alors constituer au moins 10% de la masse, c’est-à-dire pas grand chose…

L’image d’Épinal véhiculée par la notion de qualité suisse en prend un coup. Ainsi la faîtière Chocosuisse « œuvre donc pour une harmonisation aussi grande que possible des réglementations. » Dans les faits, souvent à force de lobbying à Bruxelles, cela signifie niveler le socle commun vers le bas. On repassera pour la qualité et l’éthique. Mais le business est lucratif. Comme souligné par le Département fédéral des affaires étrangères, des 200’000 tonnes de chocolat produites en Suisse près des trois-quarts partent à l’étranger.

Techniquement parlant, un chocolat ne se compose que de deux ingrédients : de la pâte de cacao et du sucre. Et encore, ce dernier peut être réduit à la portion congrue.

Et le chocolat au lait ?

Le chocolat au lait est tout aussi peu réglementé avec un seuil de cacao fixé à 20% et 20% de lait en poudre. A noter que, tout comme pour le chocolat noir, la définition ne prohibe pas l’ajout d’autres graisses végétales, à l’instar de la lécithine de soja. Seules les graisses animales autres que le lait sont interdites. Cela permet également d’avoir des chocolats au lait… d’ânesse, de chèvre, etc.

Le chocolat suisse est plus réglementé que le chocolat noir
Au pays du chocolat, l’appellation suisse est plus réglementé que celle de chocolat noir.

Étonnement, cette définition signifie que remplacer le lait traditionnel par des laits végétaux — soja, amande, coco — font de ces tablettes végétariennes des chocolat noirs. De même, selon cette règle, le chocolat rubis qui contient du cacao et du lait en poudre est légalement un chocolat… au lait. Pourtant, la classification gustative des chocolats distingue le rubis et les chocolats lactés végétaux.

Pourcentage de cacao légal du chocolat blanc

Légalement, si le chocolat blanc est mentionné sous son nom habituel, il est pourtant mis dans une catégorie à part. Ainsi, il est définit comme un « produit obtenu à partir de beurre de cacao, de sucres et de lait ou de produits à base de lait ». Ce ne serait donc pas du chocolat à proprement parler selon l’administration ! Pour être appelé chocolat blanc (sic !), le produit en question doit contenir au moins 20% de beurre de cacao et 14% de lait. Le beurre de cacao n’est donc pas un produit lié au cacao pour les bureaucrates.

Tout comme le rubis assimilé au lait, le chocolat blond n’est autre qu’un chocolat blanc légalement. Le fait qu’il soit caramélisé ne changeant rien à sa composition. Les appellations chocolat blond ou chocolat dulcey deviennent même illégales…

Définition légale du chocolat suisse

Pour être appelé suisse, le chocolat doit avoir été intégralement fabriqué en Suisse à partir de la transformation des fèves de cacao. A mon avis, cette définition est problématique. Ainsi, une tablette simplement moulée en Suisse à partir de chocolat de couverture suisse peut être vendue avec la mention chocolat suisse. Le chocolatier qui appose cette mention entretien potentiellement le flou sur le fait qu’il a lui-même fabriqué le produit de A à Z.

réglementation chocolat suisse
L’utilisation de la dénomination « chocolat suisse » est bien encadrée, en revanche, l’ajout de « pur » n’est qu’un argument de marketing.

Heureusement, la définition de chocolat suisse ne se borne pas uniquement à sa dimension légale. Outre son histoire, le chocolat helvétique porte aussi un style et une approche. Les producteurs bean-to-bar du pays illustrent à merveille cet esprit ou génie helvétique comme on dit ici. Particularité croustillante, le cadre légal suisse définit… le chocolat à la double-crème.

Et le sucre ?

Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas de prescription explicite pour le sucre. Que ce soit pour sa provenance ou sa quantité. Le maximum autorisé n’est contraint que par la part minimale de cacao. Vu les faibles pourcentages, cela représente beaucoup de sucre, jusqu’à 65%. C’est-à-dire 65g sur une tablette de 100g, alors que la recommandation journalière de l’OMS en la matière est de 25g…

Chocolat dark milk, qu’est-ce que c’est ?

Chocolat dark milk 65% d'Omnom

Quelque part entre le chocolat noir et le chocolat au lait se situe le dark milk. Mais qu’est-ce que ce « chocolat noir au lait » ? Cette traduction littérale de l’anglais dark milk chocolate reste quand même bien paradoxale… Né du mouvement bean-to-bar, cette catégorie de chocolats hybrides mérite que l’on s’y attarde un peu plus.

Existe-t-il une définition légale du dark milk ? En premier lieu, pour être appelé chocolat en Suisse, un produit doit contenir au minimum 35% de cacao. Cela signifie que l’appellation chocolat noir peut être utilisée pour une tablette à… 35%. Autant dire que les amateurs qui ne jurent que par un pourcentage élevé de cacao dans leur chocolat risquent de déchanter. Quant au chocolat au lait, c’est au au minimum 20% de cacao. Aux yeux de la loi, le dark milk n’est qu’un chocolat au lait et n’existe pas en tant que tel. Ce n’est dont pas du côté du taux de cacao qu’il faut chercher. Une preuve supplémentaire que connaître la teneur en cacao d’un chocolat n’est pas une information utile de prime abord.

Mieux que le chocolat au lait ?

Le mouvement bean-to-bar est né de la volonté de redonner ses lettres de noblesse au chocolat en mettant en avant le produit dont il est issu, le cacao. Après s’être concentrés sur le chocolat noir classique — généralement aux alentours de 70% —, de nombreux producteurs explorent des versions plus corsées au-delà de 85%. C’est par exemple le cas de la manufacture Orfève à Genève. D’autres travaillent les inclusions en mariant le chocolat noir aux noix, fruits déshydratés, sels, épices, etc.

Par ailleurs, pour répondre à la demande de leur marché, ou simplement parce qu’ils aiment aussi la douceur, certains producteurs ajoutent également à leur offre une gamme de chocolats au lait. C’est notamment le cas dans les pays nordiques et germaniques, comme par exemple Standout chocolate en Suède. Franchir ce pas lacté mène à l’anti-chambre du dark milk.

Si un chocolat au lait classique oscille entre 30 et 45% de cacao, son profil reste assez doux. Après avoir tant travaillé leurs fèves pour en faire ressortir les saveurs, de nombreux torréfacteurs de cacao cherchent à conserver cette richesse cacaotée. Tout comme pour le chocolat noir qu’ils vont corser de plus en plus lorsqu’ils gagnent en expérience, les chocolatiers augmentent souvent la teneur en cacao de leur chocolat au lait. C’est ainsi que naît le dark milk.

Ultra dark milk, la nouvelle frontière

S’il n’y a pas de seuil commun, c’est généralement passé 45-50% de cacao dans un chocolat au lait que la frontière entre lait et noir se brouille. On entre alors dans le domaine des dark milk. Il n’est pas rare que certains flirtent même avec les 70%. Au-delà, rares sont les chocolatiers qui s’y aventurent, car il faut alors diminuer le sucre. Certes, le lactose possède des propriétés sucrantes, mais bien moindres que celles du sucre classique. Tout ou presque repose alors sur la qualité des fèves et de leur travail par l’artisan. Ainsi, le producteur autrichien Zotter a carrément réalisé une tablette à 70% sans sucre, qu’avec du lait en poudre !

Dark milk industriel de Cadburry
Chocolat dark milk industriel par l’anglais Cadburry

Avec l’arrivée des industriels sur le segment du dark milk, les producteurs bean-to-bar vont probablement devoir, une fois encore, se démarquer. Rassurez-vous, pour avoir goûté quelques chocolats au lait industriels ventant leur surplus de cacao, je suis quand même resté sur ma faim en termes de saveurs. Il n’est donc pas impossible que pour illustrer la différence de qualité de leurs fèves et de leur travail, les bean-to-bar explorent de plus en plus ce territoire des ultra dark milk. A noter dans ce domaine, le travail pionnier de Chocolat Madagascar qui a été jusqu’à créer une tablette au lait à 80%. Folie qui semble avoir payé vu qu’elle a été distinguée par l’Académie du chocolat.

Et vous que pensez-vous du dark milk ? Tendance passagère ou segment qui a vocation à se faire une place bien en vue ?