Lequel est meilleur ? Le chocolat noir ou au lait ? Outre le fait qu’il s’agisse surtout de préférences gustatives personnelles, la question est souvent un non-sens. En effet, les tablettes invoquées pour la comparaison sont souvent de producteurs différents, avec des cacaos différents, etc. Pas de quoi alimenter la réflexion de façon très productive. Pourtant, grâce aux producteurs bean-to-bar, il est possible de faire avancer le débat… tout en mangeant du bon chocolat. Alors sans plus attendre faisons avancer la science !
Sierre Leone Kailahun de Notes de fève à Matran en Suisse
La maison Notes de fève propose deux chocolats parfaits pour cet exercice. Les deux tablettes sont réalisées non seulement par le même chocolatier, mais en plus avec du cacao de la même origine et du même millésime. Cerise sur la gâteau, le chocolat au lait est un dark milk, aussi appelé ultra-cacaoté. De quoi s’assurer que le sucre ne prenne pas le dessus et que l’ajout de lait soit uniquement là pour transformer le profil gustatif du cacao. Des conditions idéales pour réaliser un comparatif.
- Fèves : trinitario et forastero
- Producteurs de cacao : Village Hope
- Origine : région de Kailahun en Sierra Leone
- Récolte : 2022
- Pourcentage : 80% (noir) et 67% (lait)
- Inclusion : lait en poudre (pour la tablette au lait uniquement)
Notes de dégustation du chocolat noir
La robe noir ébène joue avec la lumière pour le plus grand plaisir des yeux. Le nez est particulièrement chocolaté avec quelques traces de cacao. La casse est relativement discrète et le croquant plutôt friable. En bouche, le cacao ouvre le bal et déroule des notes automnales boisées, de noix ou encore d’écorce de pomme. La texture étonne, oscillant entre fondant et friable, ajoutant au caractère atypique du chocolat. Enfin, la longueur est belle et révèle des tannins souples et agréables, tout en rappelant les notes de noix. Un chocolat complexe qui redemande à être goûté plusieurs fois. Parfait pour le brunch d’un dimanche d’automne.
Le petit plus : Pour rester proche de l’esprit fribourgeois de la chocolaterie, associez un morceau à un peu de cuchaule.
Notes de dégustation de la tablette au lait
D’un ton plus clair à peine décelable, la robe ébène ne laisse pas filtrer au premier abord la nature lactée du chocolat. Au nez, le goûteur distrait pourrait ne pas remarquer la pointe lactée qui souligne discrètement le côté très chocolaté. Un peu plus molle, la casse donne déjà plus d’indices, tout comme le croquant. En bouche, le doute est dissipé, c’est bien un chocolat différent du premier. La texture grasse et prenante rappelle celle d’un Bourgogne. Les notes cacaotées sont accompagnées de celles de noisettes grillées et toujours ce je ne sais quoi de lacté. Le tout laisse poindre quelques accents inattendus qui font penser à de la réglisse et peut-être à nouveau ce je ne sais quoi d’écorce de pomme. De même, la longueur fait ressortir les tannins et confère du racé au tout. A nouveau, il faut goûter encore et encore.
Le petit plus : Prenez un tout petit morceau de datte séchée et accompagnez-le d’un morceau de chocolat qui se transforme alors en pâte à tartiner régressive à souhait en faisant ressortir d’autant plus le côté noisette grillée, voire de massepain ! D’ailleurs, le même exercice avec le chocolat noir renforcera ce côté massepain.
Alors… chocolat noir ou au lait ???
Grâce à cette comparaison, il est intéressant de noter que le lait peut réellement devenir un révélateur du cacao. En faisant ressortir certains traits, il transforme l’expérience sans rien ôter à la richesse gustative du cacao. Au contraire, il peut même apporter de nouvelles notes. Est-ce que cela signifie que le chocolat au lait prévaut sur le chocolat noir ? Définitivement, non. Les deux se valent en terme de qualité sensorielle.
Ainsi, il ressort clairement de l’exercice que l’ajout ou non de lait dépend fortement du cacao utilisé, de la façon de le travailler et du résultat recherché. Si le but est simplement de travailler l’aspect gourmand, la comparaison n’a même pas lieu d’être. En revanche, si le lait est vu comme un ajout pouvant transformer le cacao, alors la question est parfaitement pertinente et avoir une préférence est tout à fait défendable par des arguments en lien avec la qualité du cacao et son potentiel gustatif.
La note du sommelier
Les producteurs qui fabriquent du chocolat au lait font souvent cet exercice de comparaison avec le pendant non-lacté de leur création. Ainsi, ils se retrouvent souvent face aux mêmes dilemmes. Ce qui est dommage, c'est que ce travail, en plus d'être invisible, n'est pas valorisé. Les deux tablettes présentées ici illustrent bien l'intérêt gustatif aussi pour les consommateurs. Une façon d'éduquer le client tout en s'amusant. Que demander de plus ?