Comment vendre du chocolat en été ?

Comment vendre du chocolat en été?

Avec l’arrivée des beaux jours, de nombreux artisans du chocolat se mettent en estive. Vendre du chocolat en été semble être une mission impossible. Mais pourquoi et est-il possible de faire autrement ?

Historiquement, l’essentiel des revenus des chocolatiers se joue lors de la période des fêtes de fin d’année. C’est pourquoi, avec la régularité d’un métronome qui avance, on se retrouve bombardé de publicité de plus en plus tôt à cette époque. Avec Pâques et la Saint-Valentin, il est possible d’améliorer un peu une mauvaise saison des fêtes. Malgré tout, le constat est sans appel : la consommation de chocolat baisse avec l’arrivée de l’été. Au-delà de souligner l’impact très terre-à-terre du changement climatique sur des entreprises qui font généralement la fierté de leur communauté, c’est aussi l’occasion de penser à d’autres solutions.

Solutions pour vendre du chocolat en été

La consommation de chocolat baisse alors que la température monte. A l’inverse, celle des produits rafraîchissants augmente. Alors pourquoi ne pas en tirer profit ? En effet, moyennant une plancha à froid, il est possible de proposer un concept de glace à la minute. L’idée consiste à transformer n’importe quelle tablette en crème glacée. Ainsi, le chocolat reste au cœur de l’activité. Un glacier spécialisé dans la glace au chocolat uniquement… Avouez que le concept est séduisant pour se démarquer dans un créneau en plein essor.

Comment vendre du chocolat en été?
Comment vendre du chocolat en été ? Transformez vos tablettes en glaces ! Crédit photo : Amy Vann via Unsplash.

Les glaces ne sont pas votre truc ? Vous avez déjà un coin et proposez des pâtisseries ? Il existe quelques astuces pour valoriser l’existant. Par exemple, en proposant un espace climatisé, il est possible d’attirer une clientèle à la recherche de répit en cas de canicule. De même, si vos chocolats chauds font votre fierté, il est possible de les décliner en chocolats froids. Vous n’êtes pas équipé ? Pas de soucis. Le milk-shake est votre planche de salut. Grâce à une base neutre, par exemple une glace fior di latte, et à un mixer, vous déclinez vos chocolats. Vous proposez alors autant de variantes que de tablettes dans votre assortiment. Pas mal, non ?

Une dernière astuce consiste à proposer des chocolats plus « estivaux ». Par exemple en y incorporant des inclusions de saison, notamment fruits, parfums typiques de glaces, de boissons désaltérantes, etc. L’évocation de la fraîcheur est un levier psychologique puissant. Il est même possible de concevoir des chocolats spécialement dédiés à être mis au frais — ce qui est d’ordinaire à proscrire.

Et si c’est impossible ?

D’aucuns, plutôt que de lutter pour vendre du chocolat en été, prennent cette saisonnalité comme faisant partie de leur fonctionnement. Ainsi, la saison chaude n’est pas consacrée à la vente de chocolat, mais à tout ce qui était mis de côté dans le feu de l’action. Tests de nouvelles recettes, administration, refonte du site internet, mise à jour du matériel de production, partenariats… et surtout, des vacances !

Vendre du chocolat en été... ou pas!
Vendre du chocolat en été… ou pas ! Crédit photo : Tim Mossholder via Unspalsh.

Similairement, d’autres chocolatiers s’associent à des partenaires à la saisonnalité inverse, à l’instar des vendeurs de glaces et autres boissons rafraîchissantes. Une solution qui présente l’avantage de répartir les risques en termes de loyer, mais qui demande aussi de trouver un partenaire fiable et de l’organisation. Finalement, une solution consiste aussi à proposer des abonnements pour « passer » l’été tout en écoulant une partie de la production. Mais cette option a ses limites en raison des départs en vacances et des contraintes logistiques liées à la chaleur.

Besoin d’aide ?

Parfois, il est utile d’avoir l’avis d’une personne externe. Fort de mon expérience tant dans le chocolat que dans le marketing et l’entrepreneuriat, je conseille volontiers les professionnels du bean-to-bar. Le premier échange n’engage généralement qu’à une discussion intéressante et du chocolat. Contactez-moi.

Crédit photo principale : Herbert Goetsch.

Carrack chocolat, le nouveau bean-to-bar de Genève

Alain et Emile, les deux cofondateurs de Carrack Chocolat.

Carrack chocolat est la nouvelle chocolaterie bean-to-bar genevoise. Si la cité de Calvin peut se targuer de nombreuses boutiques de chocolat, côté production artisanale bean-to-bar c’est moins impressionnant. Certains artisans « classiques » s’y sont essayés avec plus ou moins de succès. D’autres, comme Ublossom, ont fermé. Le seul acteur crédible jusqu’à présent était Orfève. Avec l’arrivée de Carrack chocolat, la donne pourrait changer et le paysage cacaoté genevois s’enrichir. Tant mieux, car il existe un véritable marché pour fournir une alternative au chocolat de couverture et de masse. Pour vous, j’ai rencontré dans leur atelier les deux fondateurs, Emile Germiquet et Alain Chanson.

Carrack chocolat, pourquoi avoir orthographié autrement le carac, cette spécialité suisse au chocolat ?

Emile : A la base, nous voulions donner un autre nom à notre marque, mais il était déjà pris. Après de pas mal de réflexions, on a choisi carrack en référence au type de bateau à voile qui ramenaient les premières fèves de cacao des Amériques. Ce nom nous plaisait et en plus, il fait un clin d’œil à la pâtisserie.

Lors d'une dégustation chez Carrack chocolat, les fèves de cacao ne sont jamais loin.
Lors d’une dégustation chez Carrack chocolat, les fèves de cacao ne sont jamais loin.

Faut-il en conclure que vous êtes des spécialistes du cacao qui se lancent dans le chocolat ?

Emile : Non, pas du tout. Personnellement, j’ai travaillé dans de nombreux domaines et je gère aussi une agence de voyages. C’est d’ailleurs, comme ça que l’envie m’est venue. J’avais pour habitude d’offrir à mes clients du chocolat bean-to-bar pour adoucir leur retour. La curiosité m’a poussé à comprendre comment un aussi bon chocolat est fait. De fil en aiguille, je me suis dit pourquoi ne pas essayer moi-même.

Alain : Moi aussi, je ne viens pas du tout du monde du cacao, ni du chocolat. A la base, je suis menuisier. Ce qui m’a attiré dans ce projet, c’est la possibilité de travailler de façon créative tout en utilisant mes mains. On ne dirait pas de prime abord, mais faire du chocolat est un travail très demandant.

Comment avez-vous alors appris à faire du chocolat à partir de la fève, comment êtes vous devenus Carrack chocolat ?

Emile : Dans ma cuisine ! J’ai acheté du petit matériel pour faire des essais. C’est galère, mais quel plaisir ! Après ma compagne m’a gentiment fait comprendre qu’il ne serait pas possible de squatter la cuisine indéfiniment. Grâce aux conseils de Caroline et de François-Xavier [les fondateurs d’Orfève], j’ai pu comprendre comment me lancer plus sérieusement.

La souffleuse de coques de fèves de cacao réalisée par Carrack chocolat.
La souffleuse de coques de fèves de cacao construite par Carrack chocolat.

Alain : Pour ma part, c’est vraiment à force d’expérimenter et de tests. On a construit nous-mêmes ou adapté pas mal de nos outils. Comme j’aime bricoler, ça nous permet de réaliser ce dont nous avons exactement besoin. Par exemple, nous avons entièrement conçus la machine qui permet de séparer grâce à une souffleuse la fève torréfiée de son enveloppe. Alors que c’est souvent un élément qui limite la capacité de production des artisans, nous avons pu la dimensionner avec de la marge. Notre atelier est en grande partie pensé de cette façon.

A l’inverse de cette production « sur mesure », toutes vos tablettes de chocolat noir sont déclinées avec le même pourcentage de cacao. Pourquoi ?

Alain : C’est un choix délibéré de notre part. Notre objectif est de permettre à chacun de comparer les cacaos pour ce qu’ils sont : l’ingrédient principal du chocolat. Malgré un pourcentage similaire, chaque plaque a son caractère, sa particularité. La torréfaction et le conchage sont adaptés à chaque cacao, ce qui a gros impact sur le résultat final.

Emile Germiquet, cofondateur de Carrack chocolat.
Emile Germiquet, cofondateur de Carrack chocolat.

Emile : Lors des dégustations, les gens sont étonnés que les différences de saveurs ne sont dues qu’aux fèves et pas au pourcentage de cacao. Tout comme les cépages du vin, les variétés de cacao ont chacune leur caractère. Génétique, terroir, météo, fermentation influencent le potentiel gustatif des fèves. Notre travail consiste à découvrir ce potentiel et de le révéler dans les arômes et la complexité du chocolat. On pense que cette manière permet la meilleure comparaison. C’est aussi pour cette raison qu’on a directement créé des chocolats au lait, des pâtes à tartiner et des noisettes enrobées.

Carrack chocolat, aussi pour les plus jeunes alors ?

Emile : Oui, mais pas que ! Les grands aussi aiment la douceur.

Alain : Ça va au-delà du goût. J’aime que les gens puissent découvrir notre travail. On a même pris des jeunes en stage. Attention, c’est du sérieux. Pas pour passer la journée à regarder comment on travaille, mais pour réellement mettre la main à la pâte. C’est aussi une façon de permettre de découvrir le chocolat fait à partir de la fève.

Alain Chanson, cofondateur de Carrack chocolat.
Alain Chanson, cofondateur de Carrack chocolat.

Merci à Emile et Alain de m’avoir ouvert les portes de leur atelier et pour le temps qu’il m’ont offert pour découvrir leur travail… et le goûter ! On craque pour Carrack. Leur passion et leur transparence m’ont rappelé la rencontre avec Notes de Fève à Matran.

La note du sommelier
Ce qui m'a frappé chez Emile et Alain, c'est leur humilité et leur curiosité. Malgré leur planification minutieuse, ils n'hésitent pas à remettre en question leur travail. Grâce à cette approche, ils ont réussi ce qui est souvent le plus difficile à créer : leur propre style. C'est pourquoi je me réjouis particulièrement de voir comment leur travail va évoluer au fur et à mesure qu'ils vont approfondir leur savoir-faire.

Notes de fève, le chocolatier bean-to-bar de Matran

Laurent et Bastien Curty, cofondateurs de Notes de fève

C’est non loin de Fribourg, à Matran, que j’ai eu le plaisir de faire la connaissance de Bastien et Laurent Curty, frères et cofondateurs de la chocolaterie bean-to-bar Notes de fève. Leurs locaux regroupent l’atelier de fabrication et un espace de vente/dégustation accessible sur rendez-vous. Se déplacer pour leur rendre visite en vaut largement la peine. Retour sur la rencontre avec deux passionnés de chocolat.

Notes de fève a moins d’un an et pourtant vous proposez déjà une large gamme de chocolats, comment faites-vous ?

Laurent : A la différence de nombreux producteurs bean-to-bar en Suisse qui ont appris le métier par eux-mêmes, nous ne sommes pas partis complètement de zéro. J’ai une longue expérience en tant que chocolatier, notamment dans la recherche et le développement au sein de grands groupes suisses, dont Villars. Mon travail de la fève n’est donc pas nouveau et nous n’avons pas eu à tâtonner pour révéler le potentiel de nos cacaos. Je savais où nous allions. C’est un énorme avantage.

N’est-ce pas un peu paradoxal de passer de l’industrie à l’artisanat pour y appliquer votre expérience ?

Laurent : Non, au contraire. De nombreux chocolatiers qui travaillent dans l’industrie ont des connaissances du cacaos très utiles pour travailler même au niveau artisanal. C’est plutôt le fait que ce savoir ne soit pas utilisé dans la production à plus grande échelle qui est frustrant. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à créer Notes de fève. Ensuite, au-delà des choix commerciaux, le manque de formation est aussi présent dans les grands groupes, pas seulement chez les petits producteurs.

Bastien : Nous avons d’ailleurs des projets pour combler ce vide en terme de formation liée au cacao. Nous travaillons avec des hautes écoles pour prochainement proposer des cours pratiques dans la manufacture. Travailler la fève est indispensable pour passer de la théorie à la pratique, mais les écoles ne peuvent pas forcément investir plusieurs dizaines de milliers de francs en équipements pour un module de formation.

Contrôle de la torréfaction du cacao par Laurent Curty de chez Notes de fève.

Malgré ces investissements importants, est-ce que le fait que Notes de fève soit basé à Matran, hors d’une grande ville, vous permet de rester compétitif ?

Bastien : Nos tablettes de 70g coûtent 8,50 francs. C’est peut-être moins que d’autres bean-to-bar, mais cela reste un produit cher, comme tout chocolat éthique de qualité. Le fait d’avoir des locaux adaptés à un coût plus abordable qu’à Genève ou Zurich n’explique pas tout. En termes de prix, nous nous situons légèrement au-dessus des confiseurs. Nous avons donc fait le choix d’une grande transparence pour que les clients comprennent nos prix. Nous mentionnons par exemple le montant payé au producteur par kilo de cacao. Notre but est que le plus de personnes possible puissent s’offrir des chocolats de qualité, tout en rémunérant correctement les producteurs.

Vos emballages mentionnent aussi le millésime de la récolte, mais il est difficile d’y trouver le pourcentage de cacao. Pourquoi ?

Laurent : C’est un choix volontaire de notre part. Le pourcentage ne veut vraiment pas dire grand chose par rapport au goût du chocolat. Le millésime, le terroir et la façon de travailler les fèves sont les véritables éléments qui influencent le goût d’un chocolat. C’est pour cette raison que nous avons mis en avant le profil aromatique de chaque création. D’où aussi le nom de notre entreprise : Notes de fève.

Bastien : Cet accent sur le goût est vraiment notre marque de fabrique. Nous ne voulons pas faire de compromis sur la qualité gustative de nos tablettes. Nous testons systématiquement nos cacaos à toutes les torréfactions et tous les pourcentages, en lait et en noir. Claire [ndlr : la 3e associée], Laurent et moi dégustons nos essais et généralement, nous sommes tous les trois d’accord sur la façon de travailler chaque fève.

De gauche à droite, Laurent et Bastien Curty, deux des trois cofondateurs de la manufacture de chocolat.

Merci à Bastien et Laurent pour leur accueil et le temps passé à me faire découvrir leurs installations. Leur transparence sur leurs méthodes de travail est à saluer et illustre parfaitement toute l’expertise nécessaire pour réussir à produire un chocolat d’exception.

La note du sommelier
Exigent, mes proches diront sévère, je n'en suis pas moins toujours admiratif du travail des producteurs bean-to-bar, tant ils y investissent d'efforts. Cette fois-ci, j'avoue pourtant avoir été bluffé par le niveau gustatif, surtout si peu de temps après avoir lancé la production. Assurément un producteur à suivre de près, surtout compte tenu de leur énergie créative qui promet encore de belles surprises !