Si les plantes semblent apprécier la musique pour pousser qu’en est-il des amateurs de chocolat ? Si les industriels n’ont pas encore vanté les bienfaits de leurs cacaoyers bercés à la musique — je ne serais pas surpris que leur marketing s’empare de cette idée plutôt que de travailler à rendre leur filière durable —, répondre à cette question est possible de façon empirique. Cette expérience a, qui plus est, le bon goût de pouvoir être reproduite chez soi sans grands moyens : une tablette de chocolat et une connexion à internet suffisent.
Même si tous les sens sont mis à contribution lors de la dégustation d’un chocolat, y compris l’ouïe comme expliqué dans ce billet, la casse du chocolat en tant que telle ne produit pas de musique, sauf peut-être selon les standards de la musique contemporaine expérimentale… En revanche, l’environnement dans lequel on goûte le chocolat joue un rôle important : trop, chaud ou trop bruyant et le plaisir s’envole. Mais qu’en est-il des éléments plaisants, à l’instar d’un morceau de musique ? Selon notre humeur, il peut exacerber nos sentiments ou nous apaiser. Étant donné que les émotions jouent un rôle primordial dans notre perception sensorielle du chocolat — par ici pour en savoir plus —, le lien semble évident. Faisons le test avec la tablette de chocolat Tranquilidad 70% par Solstice.
Musique classique contemporaine : Marimba Mondo 1 – The Rain Forest composé par Moondog en 1991 (1)
La texture crémeuse et les notes légères prédominent avec cette musique. Quelque chose de fruité marque la trame du chocolat, peut-être du zeste de citron vert. L’immersion dans la forêt d’où vient le cacao est immédiate et apporte un sentiment de fraîcheur.
Musique classique : Pavane, Op. 50, composé par Gabriel Fauré en 1887
La texture semble plus tannique, des notes d’épices, légèrement poivrées se mêlent. Le chocolat gagne en ampleur et en intensité. Des notes de poire abate et de cannelle évoquent une sensation automnale chaleureuse.
Musique country : Dreams par Ian Munsick, 2020
La texture est soyeuse — sans pour autant donner cette impression de crème — et distille des notes de noix vertes. La sensation se propage particulièrement vers l’arrière du palais et devient dominante. En finale, reste un je ne sais quoi de légèrement acre ou râpeux, sans être désagréable.
A lire les impressions, il semblerait que ce soient trois tablettes différentes, voire quatre en y incluant l’originale sans musique ! Comment est-ce possible ? Je me suis avant tout laissé porté par les impressions, sans trop chercher à m’attarder sur une sensations précise, laissant les associations se faire librement. Dès que le chocolat manquait, j’en reprenais. La moitié de la tablette y est passée…
Nos perceptions sont-elles fausses ?
Au-delà du fait que toute tablette goûtée plusieurs fois d’affilée va évoluer en bouche en raison de la variation de la sensibilité gustative liée au phénomène d’accoutumance, la part de subjectivité liée au émotions est très importante : les impressions sont avant tout personnelles. Chercher à y coller une étiquette juste ou fausse est futile.
Cet exercice ne prétend pas être scientifique, ni même quantifiable. C’est avant tout une proposition ludique pour explorer ses sens et se rendre compte de l’influence de notre environnement sur notre perception du goût. Plus l’on est conscient de cet impact, plus il sera aisé de ne pas tomber dans le piège d’une classification absolue des chocolats que l’on aime ou non. Il sera aussi plus facile de mettre en place des conditions de dégustation agréables pour soi et pour les autres. C’est aussi et surtout un rappel quant au fait qu’il est toujours préférable de goûter plusieurs fois et dans différents contextes un même chocolat. Une excellente excuse, si besoin était.
Comment choisir la bonne musique pour déguster un chocolat ?
Comme pour tout choix, c’est avant tout une affaire de goût tant pour la musique que pour le chocolat. Essayez par exemple avec un air que vous n’aimez pas du tout et l’impact sera immédiat même avec votre tablette préférée.
Dans ce cas, le chocolat étant plutôt intense, mais « calme », c’est-à-dire sans notes criardes prenant le dessus sur les autres, ni trop doucereux, j’ai surtout voulu le goûter avec des morceaux apaisants. Les morceaux instrumentaux ont eu ma préférence dans un premier temps pour éviter les amalgames avec le sens des mots. J’ai aussi voulu tester des époques et des styles différents dans ce type de rythme. La dernière chanson est d’ailleurs un peu courte à mon goût ; une durée de quatre minutes me semble préférable comme minimum pour ne pas ressentir la tension d’un morceau qui touche à sa fin en dégustant.
Si vous n’avez pas cette tablette sous la main, ce qui est probable, mais que vous voulez tenter l’expérience, cherchez un cru sauvage de Bolivie chez votre chocolatier. Il y a de fortes chances que ce soit un chocolat de couverture de chez Felchlin qui est produit avec les mêmes fèves. Leur interprétation est différente de celle faite par Solstice, mais le chocolat est malgré tout suffisamment comparable.
En général, mon conseil serait de d’abord déguster le chocolat dans un cadre calme, sans musique, pour définir les émotions et les sensations qu’il évoque. Le rythme devrait être un bon point de repère « émotionnel ». Ensuite, puisez dans votre répertoire personnel pour y trouver des morceaux qui vous évoquent spontanément ce que vous avez ressenti. Faites alors l’exercice de la dégustation en musique. Sur la base de ce premier essai, tentez des variations : autre style musical, instrumental ou avec paroles, rythme différent, etc. Bien sûr, ce n’est à essayer que si vous avez un moment pour vous à y consacrer. Le summum ? Oser prendre son chocolat à un concert…
Quelles sont vos plus belles associations musicales ou vos pires carambolages sensoriels ?
(1) pour en savoir plus sur ce compositeur atypique qu’est Moondog : https://fr.wikipedia.org/wiki/Moondog