Après les chocolats au whisky, place au chocolat écossais avec Ocelot Chocolate. La marque ne doit pas son nom à un chevalier inconnu de la table ronde, mais au félin du même nom. Un animal emblématique des plantations de cacao riches en biodiversité, où il est souvent à son aise. Si les emballages au graphisme coloré attirent l’œil, leur contenu retient également l’attention. Présentation au travers de deux tablettes lactées : une simple et l’autre agrémentée de sarrasin.
Fèves : Amelonado
Producteur de cacao : coopérative Femmes de Virunga
Origine : région des Virunga, à l’est du Congo
Récolte : inconnue
Pourcentage : 50%
Inclusions : lait en poudre bio et sarrasin grillé (pour la deuxième tablette)
Notes de dégustation du chocolat écossais Femme par Ocelot
La robe marron présente des reflets chatoyants. Quant au nez, il diffuse des notes lactées et de biscuit. La casse sourde est typique d’une tablette au lait. Le croquant reste bien marqué. En bouche, les notes de petit beurre, qui se marient aux touches très légèrement fruitées du cacao, dessinent un profil gustatif tout en finesse. La fraîcheur du lait souligne cette impression. Un chocolat au lait loin des clichés saturés au sucre. La longueur maintient cet équilibre délicat et le prolonge avec bonheur. Simplement élégant.
Le petit plus : Montez à l’alpage et dégustez un morceau avec un peu de tresse au beurre cuite au four à bois.
Chocolat écossais Ocelot. Le moule des tablettes joue avec les mêmes éléments graphiques que les emballages.
Notes de dégustation du chocolat au sarrasin par Ocelot
La robe marron est constellée, révélant les graines de sarrasin grillé. Le nez confirme clairement la présence de la céréale, reléguant le chocolat au second plan. La casse est molle et le croquant renforcé par les graines. En bouche, les notes grillées du sarrasin s’enroulent à celles du chocolat. Le tout prend un air de dessert raffiné grâce aux touches presque florales du chocolat. Le lait ramène l’expérience dans un cadre matinal. Le petit déjeuner est servi et quelle merveilleuse façon de commencer la journée. La longueur prolonge ce sentiment de réveil en douceur pour le plus grand bonheur des papilles.
Le petit plus : Restez dans le cliché et accompagnez le chocolat d’une gorgée d’English Breakfeast à peine infusé pour maintenir l’équilibre. Sinon, doublez la mise et faites une infusion de sobacha.
Un design épuré et un engagement clair
Ocelot chocolate est une marque jeune, même selon les standards du chocolat bean-to-bar. De cette arrivée récente, l’équipe a su faire une force. En effet, Ocelot chocolate se démarque par son approche et ses engagement très clairement mis en valeur. Les fournisseurs sont à l’honneur. Ainsi, la tablette « Femme » est un hommage direct à la coopérative féminine des Virunga au Congo, qui produit le cacao. L’emballage est recyclable ou compostable, les ingrédients bio.
De même, le fait de travail une seule origine permet d’affiner les recettes du chocolat avec finesse. Ainsi, entre cette tablette et les nouvelles présentes sur le site, le pourcentage de cacao passe de 50% à 55%. Un détail qui illustre le souci du travail bien fait. Ce soin se retrouve dans la qualité gustative des tablettes.
La note du sommelier Les engagements pour du cacao produit par des femmes, des labels bio à gogo. La marque ne va-t-elle pas trop loin ? L'élément qui m'interroge vient de la provenance du lait : la Suisse. Le lait écossais n'a certainement rien à envier à celui des Alpes. Personnellement, je préférerais que cet effort soit investit dans plus de transparence sur les prix payés pour le cacao et les millésimes des récoltes.
Chocolat de Dubaï, impossible de ne pas en avoir entendu parler sur les médias sociaux ou dans les médias. Création devenue virale, la tablette originale n’est proposée en quantité limitée qu’à Dubaï à un prix qui semble surfait. Le tout avec une esthétique qui assure la curiosité : une tablette d’apparence normale qui laisse s’écouler un magma vert lorsqu’on la casse. Il n’en fallait pas moins pour que le phénomène soit repris. Et à chaque fois, c’est la même histoire : rupture de stock en quelques heures du fameux chocolat Dubaï.
Mais, au-delà de la folie collective, le chocolat Dubaï est-il réellement intéressant gustativement ? Réponse…
Chocolat Dubaï par Taucherli. Quatre cubes gourmands totalisant près de 150g de plaisir.
Notes de dégustation des Dubai Cubes Crazy Mixes par Taucherli
Les cubes aux proportion généreuses sont couleur chocolat au lait et bigarrés de zébrures vert menthe et jaune poussin. Le nez typique des chocolats au lait distille des notes de caramel et de biscuit. L’intérieur se distingue par son vert pistache fluorescent. Vu les proportions, parler de casse est illusoire. On ne peut guère que les couper ou, mieux, croquer dedans. En bouche, c’est le croustillant qui ouvre le bal. Les notes de sésame suivent rapidement avant que la pistache n’entre en scène. Finalement, c’est le chocolat qui parachève le tout en restant dan le registre gourmand avec sa touche lactée. La longueur garde cette impression d’orient soulignée par la pointe de lait typiquement suisse.
Bien que régressif à souhait, étonnement, le tout ne sature pas en gras et en sucre – probablement grâce au jeu des textures – et réussit même à créer un équilibre étonnement ciselé en termes de saveurs. Bravo !
Le petit plus : Partagez cette gourmandise. Les réactions – tant émerveillées que dégoûtées – à ce chocolat font véritablement partie de l’expérience.
Chocolat Dubaï, un intérieur pistache sésame croustillant. Moins coulant que l’original, l’expérience est encore plus régressive lorsque l’on croque dedans.
« On ne voulait pas faire de chocolat Dubaï »
Comme de nombre d’amateurs de bon chocolat, les responsables de Taucherli à Zurich ne voulaient pas suivre la mode, préférant rester à leurs propres créations. Toutefois, à force de demandes, avec un brin de curiosité, ils ont décidé de faire quelques tests. Les Dubai Cubes étaient nés. Proposés en série limitée – pour l’instant ? –, ces chocolats sont une ode à la gourmandise, mais aussi une interprétation probablement plus raffinée.
Bien que leur prix soit similaire à celui du chocolat Dubaï original, il se situe dans la moyenne des chocolats bean-to-bar. En outre, la qualité des ingrédients joue aussi un rôle et les bonnes pistaches se payent au prix cher. Artisanat oblige, les « cubes » sont réalisés à la main.
Au-delà de la tendance, le succès de ce genre de création s’explique également du fait que les aliments alliant composés sucrés et gras constituent une addiction naturelle. En effet, nos cerveaux réagissent positivement à ces sources d’énergie. Alors pourquoi lutter ? Laissez-vous tenter par le chocolat Dubaï made in Taucherli… tant qu’il y en a !
La note du sommelier N'ayant envie ni d'aller à Dubaï pour goûter ce chocolat, ni de m'infliger les créations commerciales insipides de Lindt et consorts, je pensais rester à l'écart de cette frénésie. Mais à force de sollicitations de la part de lecteurs et ayant entendu que Taucherli allait proposer une interprétation bean-to-bar, je me suis laissé tenté... Après avoir goûté, aurais-je été jusqu'à Dubaï ? Certainement, non. Est-ce que je recommanderais aux curieux de commander la variante zurichoise ? Définitivement, oui.
Inclusions : lait demi-écrémé en poudre, cannelé et lécithine de tournesol
Notes de dégustation du chocolat au lait au cannelé par La Fèverie
Entre le caramel et le mordoré, la robe annonce déjà le caractère gourmand. Le nez y ajoute une impression lactée et de gâteau fraîchement sorti du four. La casse est friable et le croquant agréable. En bouche, c’est la texture granuleuse qui indique le caractère atypique de cette tablette. Des notes cacaotées et de caramel très gourmandes se déploient alors que le chocolat fond vite, très vite. Si le cannelé semble poindre au milieu de ces saveurs, c’est en finale qu’il se révèle de façon cristalline, tout en jouant sur la vanille. Finalement, la longueur glisse lentement du cannelé pour revenir vers le cacao de caractère, tout en gardant la trame gourmande de l’ensemble. L’équilibre dynamique de la composition est particulièrement intéressant.
Le petit plus : Restez dans le Bordelais et le gourmand, accordez ce chocolat avec un Sauternes encore jeune.
Le chocolat au lait et au cannelé de La Fèverie. Avouez que ça en jette.
Le cannelé et le lait (rime avec le bon accent)
L’icône sucrée qu’est le cannelé et le chocolat de La Fèverie, une rencontre orchestrée par la chocolatière en cheffe Hasnaâ. Une création qui résume bien les 10 ans de cette adresse parmi les pionniers du bean-to-bar en France. Des premiers chocolats grands crus aux tablettes et ganaches plus gourmandes, la marque reste ancrée dans le terroir.
Ainsi, la chocolaterie se démarque également par des ganaches aux vins de la région. Un exercice créatif difficile, tant les caractères du chocolat et du vin peuvent s’avérer trop fougueux pour maintenir l’équilibre du mariage. Mais maîtrisée, cette approche au plus près des produits permet de se démarquer. Et tant mieux. Dans le cas du cannelé, le chocolat garde son identité en y liant la gourmandise du gâteau bordelais.
Si le choix d’un chocolat au lait apporte le bon équilibre, il est intéressant de noter que la Brigaderie de Paris transforme les mêmes fèves de cacao pour réinterpréter un plat brésilien, mais en les déclinant en chocolat noir.
La note du sommelier Incorporer une "recette" complète dans un chocolat est toujours un défi. Car si les goûts peuvent à priori se marier, le fait de déconstruire la pâtisserie ou le plat revient à transporter le goûteur dans un autre univers, sans repères. Si l'exercice est généralement synonyme de succès commercial, ce n'est pas toujours le cas en termes gustatif. Pourtant, dans ce cas, je n'ai pas boudé mon plaisir. La gourmandise du cannelé est bien présente, avec ses accents caramélisés, tout en étant renforcée par celle du chocolat. Joli.
Notes de dégustation du chocolat Feijoada de la Brigaderie de Paris
La robe brune présente des accents acajou. Le nez est désorienté par la richesse des sensations des inclusions serties dans cette tablette. La casse est sonore, le croquant incertain avec la présence des inclusions. En bouche, l’explosion de saveurs ne se fait pas attendre et les multiples textures ajoutent à la découverte. A la richesse gustative des ingrédients, le cacao du chocolat apporte une trame faite de notes de réglisse et d’épices. Un délice qui faute de repères évoque un sentiment de biscuits de Noël. Finalement, la longueur laisse une impression égale à celle de la dégustation, d’une grande richesse.
Le petit plus : Mâchonnez ce chocolat, jouez avec en bouche et oubliez qu’il s’agît de chocolat. Si vraiment, accompagnez le d’un verre de rouge, de ceux qu’on ouvre pour les fêtes.
Chocolat Feijoada par la Brigaderie de Paris, des ingrédients symboles de la gastronomie brésilienne sertis dans une tablette.
Le chocolat, ce représentant de la tradition gastronomique
Les créations de La Brigaderie de Paris vont des chocolats noirs aux notes ciselées aux créations originales comme le chocolat blond aux épices d’Amazonie. Le point commun de ces explorations gustatives est sans l’ombre d’un doute le terroir brésilien. Que ce soit pour exprimer les arômes des fèves de chaque région ou pour incorporer la tradition gastronomique du pays. Ce Feijoada de la Brigaderie de Paris ne fait pas exception.
Mais au fait, qu’est-ce que la feijoada ? C’est un repas populaire à base de… haricots ! Certes, sa variante brésilienne est souvent aigre-douce, car accompagnée d’oranges, mais le fait de décliner ce plat en chocolat peut surprendre. D’autant que tout y est ou presque : haricots, riz – soufflé pour l’occasion –, oranges confites, noix de coco fumée. Ne manque que la viande. Le tour de force est d’utiliser cette base pour la sublimer en une création nouvelle, inattendue.
L’audace paie, car cette tablette a reçu une médaille d’argent européenne lors des International Chocolate Awards de 2021. Une belle performance pour un chocolat inspiré d’un plat carné !
La note du sommelier Ayant déjà goûté du chocolat à la viande, je m'attendais à tout. Pourtant, cette interprétation m'a surpris. L'idée de "remplacer" la viande et son côté umami par la coco fumée et le chocolat, qui apportent leur propre caractère et substance, tout en jouant sur la dimension sucrée-salée, est aussi audacieux que réussi. Cet exercice illustre, une fois encore, à quel point le fait de puiser dans ses racines, quitte à s'éloigner des tendances, permet de réaliser des accords aussi innovants que réussis.
Le chocolat aux fruits exotiques est… exotique ! Dans tous les sens du terme. Au-delà des inclusions classiques en Europe, il apporte une touche d’originalité et de destinations lointaines. Mais c’est aussi et surtout l’occasion de faire résonner la cacao avec les autres fruits des écosystèmes où il se trouve. Toutefois, il est intéressant de voir si le mariage fonctionne réellement. Pour répondre en partie à la question, deux chocolats de chez Naive en Lituanie peuvent servir d’exemple.
La robe brou de noix joue avec la lumière de par la forme de la tablette tout en courbes. Le nez très cacaoté révèle aussi quelques notes inattendues tendant vers la confiture de cerise et le pain d’épices. La casse est molle. Le croquant net. En bouche, les notes fruitées se confirment. Cerises bien mûres, épices de Noël et une pointe d’acidité rappelant les fruits rouges. Le tout sur un lit chocolaté et porté par une texture particulièrement fondante sans être soyeuse, donnant ainsi de la consistance au chocolat. La longueur met d’abord en avant le cacao avant de bisser la pointe acidulée qui, alors, donne à entrevoir quelque chose d’exotiquement insaisissable. Finalement, peut-être faute de repères, on reste ancré dans des saveurs très classiques.
Le petit plus : Découvrez cette tablette avec une lampée de clairette de Die brute. Les bulles te le fruité du chocolat transfigurent les deux produits.
Chocolat aux fruits exotiques : physalis et banane, ainsi que corossol, deux tablettes créées par Naive.
Chocolat aux fruits : Golden Berry & Banana par Naive en Lituanie
Aux tons un peu plus chatoyants, la robe ne présage pas d’un chocolat au lait du fait de son pourcentage de cacao relativement élevé. Le nez est surprenant. Il mêle des touches chocolatées au notes typiquement umami de la banane séchée. La casse est inaudible et le croquant net. En bouche, le fondant prime. Puis, le chocolat distille des notes de bananes soulignées d’une pointe acidulée, certainement le physalis révélé par le lait. Le tout sur une trame très chocolatée dont, étonnement, on devine à peine le caractère lacté. La finale apporte des saveurs de noisettes grillées, soulignant la dimension gourmande de la création. Grasse et enrobante, la texture confère du corps, rendant le chocolat plus « nourrissant ». La longueur maintient de longues minutes une impression de pâte chocolatée très régressive.
Le petit plus : Complètement décadent de gourmandise, ce chocolat se prête à être transformé en crème glacée. Oserez-vous ?
Chocolat aux fruits exotiques : verdict
Si ces mariages apportent beaucoup de gourmandise à ces créations, il surtout intéressant d’observer que le cacao se marie très naturellement à ces fruits. Finalement, l’exotisme de ces chocolats n’en est pas un. En effet, le cacao et les fruits tropicaux poussent dans des climats souvent similaires. Dès lors, ne faudrait-il pas considérer une tablette aux noisettes comme étant le véritable mariage exotique ?
Malgré leur caractère gourmand réussi, ces chocolats illustrent aussi la difficulté de l’exercice. Ainsi, avec leur blend, les chocolatiers de Naive disposent de moins de marge de manœuvre pour ciseler leurs accords. C’est pourquoi un chocolat single origine aurait probablement été plus facile à travailler pour ce genre de création. Toutefois, la démarche est intéressante et mérite largement l’effort déployé par les créateurs lituaniens, dont de nombreux producteurs gagneraient à s’inspirer.
La note du sommelier Sans bouder mon plaisir, à titre personnel, j'observe que j'ai souvent été plus convaincu par les mariages réalisés par des producteurs connaissant bien ces fruits, à l'instar de Mashpi ou de la Brigaderie de Paris. Reste qu'au-delà de l'harmonie, peu de ces accords font résonner des notes nouvelles qui ne sont présentes ni dans le cacao, ni dans le fruit exotique. Une rencontre aussi rare que précieuse.
Les chocolats originaux, qu’est-ce que c’est ? Si les ingrédients classiques comme les noisettes ne surprennent personne, les saveurs exotiques telles que le poivre de Timut semblent se banaliser. La course à l’originalité bat son plein. Algues, plantes exotiques, combinaisons improbables, tout y passe. Mais au-delà de l’effet de mode pour se distinguer, y a-t-il une réelle valeur ajoutée gustativement parlant ? Autrement dit, est-ce bon ? Curieux, j’ai compilé cinq chocolats et vous livre mes conclusions.
L’air marin du nord : algue et sel de mer par Standout Chocolate en Suède
La robe brune présente quelques accents chauds, mais ne présage en rien des ingrédients. Le nez cacaoté laisse filtrer un je ne sais quoi d’umami iodé. La casse est discrète, presque sourde. Le croquant net. En bouche, les notes marines arrivent telles une déferlante. Le kelp distille une impression acre qui tire sur la réglisse salée, si typique des pays scandinaves. Le cacao semble en retrait, comme pour compléter l’intensité des saveurs, tout en leur apportant sa substance au travers de sa texture. Bien que dérangeant pour les papilles, le chocolat demande à être goûté, encore et encore. Une dégustation intellectuelle, à la frontière entre gourmandise et frustration, dans un équilibre en tension, mais parfaitement maîtrisé. Incroyablement longue, la longueur maintient l’équilibre des forces, mais révèle surtout les textures qui tapissent les joues et la langue et dévoile des notes poivrées. Rarement création m’aura autant plu que dérangé.
Le petit plus : Si ce chocolat se marie certainement avec quantité d’autres produits incroyables, profitez-en à l’état brut. Alternez simplement le fait de le mâchonner et de le laisser fondre.
Chocolats originaux : Mashpi au lupin, à gauche, et Ajala à la cerise et au pavot, à droite.
Les chocolats originaux du pâtissier : pavot et cerise par Ajala en République tchèque
Fèves : variété locale d’hybride de trinitario
Producteurs de cacao : Kokoa Kamili
Origine : Tanzanie
Fermentation : 5-7 jours
Récolte : inconnue
Torréfaction : inconnue
Inclusions : pavot et cerise
Pourcentage : 56%
Si ce n’était le moule de la tablette, l’aplat brun de la robe semblerait très classique. Le nez dévoile déjà des notes de pavot, entrelacées d’arômes de levain et étonnamment peu de cacao. La casse est sourde et le croquant clair. En bouche, le fondant prime. Ainsi, le chocolat se dissout pour d’abord confirmer l’impression de pavot, mais moins nette, avant de dérouler la profondeur et le fruité de la cerise. Celle-ci se mêle parfaitement au chocolat, lui conférant des airs gourmands de forêt noire. La texture provoque un sentiment de salivation qui renforce le côté gourmand. La longueur fait écho à cette sensation. On en redemande. Le mélange est ludique, gourmand et léger. Bref, réussi.
Le petit plus : Mettez en un morceau sur une tranche de brioche au beurre ou de tresse.
Une touche florale : lupin par Mashpi chocolate en Équateur
La robe brune tend vers le bistre, plutôt mat. Le nez annonce clairement un chocolat aux ingrédient originaux : s’y mêlent notes de pavot, de feuilles de saule et de miel de forêt. La casse est presque friable et le croquant incertain. En bouche, les arômes de chocolat mêlés aux mêmes impressions qu’au nez, mais moins fortes. Au fur et à mesure qu’il fond, la texture grasse apporte des notes de noix et florales, ainsi que de la gourmandise. Un je ne sais quoi de pâte à tartiner caractérise la sensation en bouche. La longueur confirme cette impression de texture et joue sur la gourmandise. Une création inclassable dont la dissonance entre le nez et le goût est probablement l’élément le plus étonnant.
Le petit plus : Définitivement à faire fondre sur une crêpe. Régressif, simplement bon.
Chocolats originaux : de gauche à droite, Standout aux algues et Fjak au fromage brun norvégien, ainsi qu’à l’argousier et au matcha. Oseriez-vous goûter ?
Les ruminants du fjord : chocolat au lait et fromage brun norvégien par Fjåk en Norvège
La robe brun clair présente des reflets caramel, classiques pour un chocolat au lait. Le nez reprend la côté caramel, mais y associe la force d’un fromage à pâte molle. Déroutant. La casse est molle, le croquant agréable. En bouche, la gourmandise saute aux yeux : caramel beurre salé, chocolat lacté s’enroulent sur les papilles. En fondant, la texture révèle de petits éclats, le fameux fromage brun. Outre l’apport de texture, ils donnent du corps à l’ensemble sans révéler leur vrai nature, passant presque pour des cristaux de sel dans un caramel breton. Pourtant les sens se doutent de quelque chose de différent et en redemandent. Finalement, c’est la longueur qui trahit le secret avec ce je ne sais quoi de fromage, aussi agréable qu’improbable. Un sucré-salé dont les nordiques jouent avec tant de talent.
Le petit plus : A l’apéro, avec une bière blonde, ce chocolat vous étonnera en y ajoutant en plus l’effervescence de la mousse, tout en contenant la sucrosité avec l’amertume du houblon.
Orient fruité : chocolat blanc à l’argousier et matcha par Fjåk en Norvège
Inclusion : argousier et matcha
Pourcentage : 36%
La tablette est bicolore : une face vert matcha, l’autre vert caca d’oie. Des teintes peu habituelles, il faut en convenir. Le nez brouille les pistes avec des notes fruitée tirant sur la bergamote et teintées de vert typique du matcha. La casse est plutôt molle, tout comme le croquant. En bouche, l’acidité donne le ton. Typique de l’argousier, mais rapidement soulignée par l’élégance du matcha, sans qu’aucun des deux ne prenne le dessus. Le beurre de cacao sert de trame à l’ensemble en y apportant son fondant, qui rend le tout éphémère. On en redemande. On goût alternativement une face dessus, puis l’autre. Le tout fond comme un bonbon, un brin intello malgré tout. La longueur est correcte pour un chocolat blanc aromatisé et finit par donner un léger avantage au matcha.
Le petit plus : Sucez, mâchonnez, laissez fondre, inversez, recommencez. Qui a dit qu’il ne faut pas travailler pour profiter de la gourmandise ?
Chocolats originaux : de gauche à droite, Standout aux algues et Fjak au fromage brun norvégien, ainsi qu’à l’argousier et au matcha. Notez les deux faces aux couleurs différentes pour ce dernier.
Chocolats originaux : verdict
Standout chocolate, Alaja, Mashpi, Fjåk sont autant d’artisans talentueux. C’est probablement ce qui fait la force de leurs chocolats originaux. Toutefois, le défi principal consiste à ne pas reléguer le cacao en arrière plan. Un équilibre qui demande une certaine expérience. Quant à la question de savoir quel est l’intérêt de l’exercice, la réponse vient surtout de la possibilité de découvrir d’autres pans gustatif de la culture du chocolatier. La véritable valeur ajoutée de ces tablettes.
A ce titre, les chocolatiers de pays qui ne sont pas traditionnellement associés au chocolat sont plus intéressants. Pourquoi ? Probablement parce qu’ils ont plus de facilité à s’affranchir du carcan des standards du chocolat, même artisanal.
Vous êtes restés sur votre faim et en voulez plus ? Découvrez ces autres chocolats aux ingrédients originaux :
La note du sommelier Plutôt sceptique en ce qui concerne l'originalité appliquée aux tablettes de chocolat, je pensais initialement que l'exercice était plutôt l'apanage des bonbons et autres ganaches. Avec le temps, probablement grâce aux accords du chocolat avec différents produits, j'ai appris à aimer ces mariages, de plus en plus improbables. Aujourd'hui, la curiosité à pris le dessus et je suis avide de découvertes, surtout lorsque la proposition émane d'une créateur talentueux. Et vous ?
De nombreux chocolats, y compris chez de les artisans chocolatiers, contiennent de la vanille. Naturel, cet ingrédient ne semble pas poser de problème. Mais qu’en est-il réellement ? Mettre de la vanille dans le chocolat est-il bon, mauvais ou sans incidence ? Et surtout pourquoi en ajouter ? Sans le savoir, grâce à cette épice, vous pouvez évaluer la qualité d’un chocolat avant de l’acheter. Je vous propose de découvrir comment.
Vanille dans le chocolat, une tradition Aztèque
Historiquement, l’ajout de vanille remonte à bien avant avant l’invention de la tablette. C’est dans la boisson à base de cacao, que les populations précolombiennes ajoutaient de la vanille. Les Européens découvrent cette gousse avec l’arrivée de Cortés à Mexico en 1519. Les récits de l’époque décrivent l’empereur aztèque Moctezuma buvant son cacao parfumé à la vanille.
Chocolat à boire de Moctezuma du Mexique. Quand la tradition devient un concept commercial dans lequel le sucre supplante allégrement la vanille.
Influencés par cette pratique, les Européens associent également la vanille au chocolat. Cette tradition vanillée perdure dans les salons du Vieux Continent qui servent du chocolat à boire. De même, la vanille reste lorsque le cacao est transformé en tablette à croquer. En effet, la vanille adoucit le chocolat. Aujourd’hui, de nombreux chocolatiers perpétuent encore cet héritage, même si peu d’entre eux en connaissent l’origine et surtout l’intérêt gustatif.
Cachez cette vanille que je ne saurais voir
Souvent, dans le chocolat, la vanille joue le rôle d’un exhausteur de goût. Comme la plupart des épices utilisées de cette façon, elle doit révéler le « bon » d’un chocolat. C’est ce qui explique qu’on ne la sente généralement pas. Toutefois, comme l’ajout de sucre en grande quantité sert à cacher un chocolat de moindre qualité, la présence de vanille apporte souvent douceur et nuances gustatives aux fèves mal torréfiées.
Liste des ingrédient d’un chocolat Lindt contenant de la vanille. Capture d’écran du site de Lindt.
Ainsi, une tablette qui indique de la vanille dans sa composition n’est pas de bon augure. Un rapide examen de la liste des ingrédients vous renseignera sur sa présence ou non. Les pires produits en terme de qualité annonceront carrément la présence d’arôme de vanille ou de vanilline. Certains artisans tenteront de justifier cet ajout en spécifiant l’origine de la vanille. D’une part qu’elle soit de Madagascar ou de Tahiti, la vanille peut être de qualité très variable. D’autre part, un cacao de qualité, travaillé avec brio se suffit à lui-même. Nulle besoin d’ajouter autre chose que du sucre pour transformer des fèves en chocolat exceptionnel.
Chocolat à la vanille
La vanille dans le chocolat serait-elle donc à proscrire ? Non. Tout comme il existe du chocolat au piment, aux noisette ou au lait, faire du chocolat à la vanille est possible. Malheureusement, rares sont les chocolatiers qui créent et mettent en avant sur l’emballage que le chocolat est à la vanille. La seule exception notable vient des industriels qui, le plus souvent pour du chocolat blanc de mauvaise qualité, font figurer ostensiblement la présence de vanille…
Pourtant le potentiel de la vanille est considérable. Les différentes variétés de vanille sont impressionnantes en termes de saveurs. Toutefois, réussir à proposer une création qui mette autant en avant le cacao que l’épice est un défi. Trouver l’équilibre gustatif sans que l’un ne prenne le dessus sur l’autre est particulièrement délicat vu le caractère aussi intense que subtil de la vanille d’exception. L’exercice semble plus facile avec du chocolat au lait. Pourtant un chocolat noir avec un haut pourcentage de cacao pourrait faire des merveilles.
La note du sommelier
Initialement peu porté sur la vanille, j'ai réellement découvert le potentiel de cette épice à l'occasion d'un voyage. Une simple glace à la "vraie" vanille de la plantation adjacente m'a fait l'effet d'une révélation gustative. Depuis, j'en utilise volontiers lorsque je cuisine. Jusqu'à présent, je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de goûter un vrai chocolat noir à la vanille annoncé comme tel et qui viendrait épater mes papilles. Pourtant le potentiel est là. Nombre de régions qui cultivent du cacao produisent aussi de la vanille. Avis aux producteurs !
Votre serviteur découvrant de la glace à la « vraie » vanille. Une image qui se passe de tout commentaire.
Inclusions: lait, noix de pécan caramélisées et vanille de Madagascar
Notes de dégustation du chocolat Czekolada mleczna Zorzal par Deseo
La robe brune est éclipsée par les éclats de noix de pécan caramélisées qui captent le regard. Le nez mêle caramel et impression de foins lactés. La casse est claire, le croquant franc. Sur la langue, la texture fondante du lait distille petit à petit les notes chocolatées mêlées de caramel. Ce je ne sais quoi de lait d’alpage revient avant de céder sa place aux impressions torréfiées de noix. Le côté pécan ajoute de la rondeur, sans prendre le dessus. La longueur revient sur le caractère à la fois lacté et cacaoté.
Le petit plus : Donnez un coup de fouet gourmand à ce chocolat en déposant un morceau sur un petite cuillère avec un peu de… sirop d’érable foncé ou robuste. L’expérience devient alors réellement intéressante et régressive à souhait.
Czekolada mleczna Zorzal par Deseo, une tablette de chocolat au lait et noix de pécan venue de Pologne.
De la gourmandise. Oui, mais…
Deseo vise clairement le segment haut de gamme avec son emballage blanc gaufré, ses tablettes visées de la signature d’un contrôleur et l’apposition d’un numéro de production. Pourtant, il manque quelque chose. Que ce soit plus de détails sur le cacao et la façon dont il est travaillé, ou en terme d’ingrédients. La vanille et la lécithine de soja semblent être là pour rogner sur les coûts et voiler pudiquement un travail approximatif.
Initialement, les apparences semblaient prometteuses. Pourtant, le compte n’y est pas. Certes, le marché polonais est encore loin de la maturité d’autres pays où le bean-to-bar s’est fait une place plus confortable. Malgré tout, le résultat est d’autant plus regrettable que l’exercice se fait dans un registre plus facile, celui de la gourmandise. A ce titre, czekolada mleczna Zorzal Deseo est à comparer avec la performance inattendue de BTB Chocolate qui joue sur un registre autrement plus difficile.
La note du sommelier
La déception est d'autant plus grande que les moyens semblent être là, notamment vu l'effort consenti sur l'emballage. En comparaison, la qualité du travail de Sisters A. Chocolate en Ukraine est à des années-lumière et ce malgré des conditions de production, de vente et d'approvisionnement autrement plus compliquées. Preuve, s'il en fallait, que le talent n'a rien à voir avec les moyens.
Merci à Joanna pour la découverte de cette tablette.
Notes de dégustation du chocolat Ekwador + mleko i wanilia par Manufaktura Czekolady de Pologne
La robe est d’un brun foncé intense, surtout pour un chocolat au lait. Ensuite, le nez libère des arômes gourmands de noix de coco grillée, légèrement soulignés par une impression lactée. La casse est relativement sourde, mais le croquant sonore. En bouche, la texture fondante ouvre le bal suivie de près par les notes gourmandes de cacao et de toffee au chocolat. La vanille est discrète, mais apporte clairement de la rondeur et lie le tout. Finalement, la longueur joue surtout sur la texture en recouvrant l’intérieur des joues. Elle distille une sensation caramel et cacao. Une création doucereuse improbable.
Le petit plus : Partagez ce chocolat avec plusieurs personnes, idéalement d’horizons et de cultures différentes. Ainsi, vous serez surpris de voir la palette d’impressions personnelles.
Chocolat au lait vanille par Manufaktura Czekolady en Pologne.
Chocolat au lait vanille, quand les ingrédients s’assument
Les producteurs mentionnent rarement la vanille sur le devant de l’emballage, sauf lorsqu’elle joue le rôle d’une véritable inclusion. Généralement, les chocolatiers industriels l’utilisent pour masquer le goût des fèves de mauvaise qualité et/ou mal torréfiées. Dans ce cas, l’approche est tout autre. Le chocolat au lait vanille se revendique. Une approche qui gagnerait à se répandre et permettrait à cette épice merveilleuse d’occuper la place qu’elle mérite réellement dans l’univers du chocolat. Un exemple à suivre.
Finalement, ce dark milk à la vanille se pare de sensations mièvres, rappelant les milk shakes de l’enfance. Un univers que le producteur Manufaktura Czekolady semble évoquer volontiers. Cette approche de la production de chocolat pose une question intéressante : faut-il proposer, temporairement ou non, une gamme de chocolats moins « puristes » et plus orientée grand public ? Outre les enjeux financiers, il s’agît aussi de méthodes d’accompagnement pour proposer aux consommateurs des produits mettant de plus en plus en valeur le cacao.
La note du sommelier
Les palais amateurs de chocolats noirs ciselés vont probablement être déçus par cette création. L'impression globale tend vers un produit très sucré et manquant de finesse. Personnellement, cette tablette évoque quelque chose de plus ancien : une tarte polonaise faite de gaufrettes et nappée de chocolat. Le Torcik wedlowski. Un souvenir d'enfance auquel il est impossible de se raccrocher aux curieux qui le goûteraient aujourd'hui. Signe, s'il en est, que chaque producteur travaille dans son propre univers gustatif, composé d'héritages parfois impossible à transmettre au-delà pu public local.
Inclusions : lait en poudre et kéfir (kefir) et bolets (porcini)
Notes de dégustation du chocolat Kefir de Naive
La robe marron présente des accents caramels. Le nez chocolaté rappelle la fève de cacao séchée, acidulée. La casse est molle, comme insonorisée. Le croquant friable. En bouche, les notes de fèves de cacao acidulées s’accompagnent rapidement de celles du kéfir à la pointe alcaline. Le tout se mêle à une douce sensation de caramel maison. La texture pâteuse renforce ce côté pâte à tartiner gourmande. La finale maintient les notes sucrées, fruitées et acidulées du chocolat. La longueur tapisse bien la bouche, mais est un peu courte. Elle incite d’autant plus à réitérer l’expérience. Et la tablette disparaît sans bruit…
Chocolat au kéfir par Naive de Lituanie. Crédit photo: Dom Czekolady
Notes de dégustation du chocolat Porcini de Naive
La robe de par sa couleur et sa texture ressemble à un cuir aux reflets acajou. Le nez mêle la gourmandise du chocolat au lait avec des impressions de sous-bois et de noix. La casse est molle, tout comme le croquant. En bouche, les notes sylvestres ouvrent la marche, accompagnées d’un je ne sais quoi de noix, tendant jusqu’à la cacahuète. Le tout sur un fond de chocolat fruité qui rappelle les baies des bois. Les sens sont plongés dans l’exploration de cet univers très riche, quasi primal. Pour couronner le tout, la finale libère une sensation chocolatée et cacaotée. La longueur est belle, comme une senteur gourmande se dissipant dans une forêt. L’explorateur ne cherche qu’une chose : arpenter ces chemins à nouveau.
Chocolat « porcini » aux bolets par Naive de Lituanie. Crédit photo: Dom Czekolady
Le petit plus : Plutôt que de les marier aux habituels vins rouges aux notes de fruits rouges, tentez une expérience plus champêtre en goûtant ces deux tablettes avec du vin de cassis slovaque.
Le chocolat des chasseurs-cueilleurs lituaniens
En puisant dans l’imaginaire collectif lituanien nourri par la générosité ancestrale de la nature, le maître chocolatier Domantas Uzpalis de Naive convoque l’univers sensoriel des mythes fondateurs baltes. Un voyage initiatique entre forêt et campagne. Chocolat, kefir, porcini, Naive réussi avec ces accords à incarner l’esprit des foragers, les chasseurs cueilleurs en français.
L’originalité de Naive se retrouve aussi dans la forme improbable de leur « tablette ». Impossible à partager en morceaux égaux. Leur créativité se retrouve aussi dans leurs autres collections, par exemple avec leur chocolat citron-réglisse ou un dark milk au café. Seul bémol, même si le secret participe à la magie de l’ensemble, l’absence d’information quant à la provenance du cacao est un peu frustrante.
La note du sommelier
Cet univers si particulier mérite que l'on s'y plonge. Si un voyage en Lituanie reste un must, pour s'immerger dans l'imaginaire immémorial des chasseurs-cueilleurs des pays baltes, rien ne vaut la lecture de L'Homme qui savait la langue des serpents. Ce roman de l'Estonien Andrus Kivirähk vous transportera. Pour y ajouter la composante sonore, cette chanson lituanienne devrait parfaire le dispositif incantatoire :