Inclusions: lait, noix de pécan caramélisées et vanille de Madagascar
Notes de dégustation du chocolat Czekolada mleczna Zorzal par Deseo
La robe brune est éclipsée par les éclats de noix de pécan caramélisées qui captent le regard. Le nez mêle caramel et impression de foins lactés. La casse est claire, le croquant franc. Sur la langue, la texture fondante du lait distille petit à petit les notes chocolatées mêlées de caramel. Ce je ne sais quoi de lait d’alpage revient avant de céder sa place aux impressions torréfiées de noix. Le côté pécan ajoute de la rondeur, sans prendre le dessus. La longueur revient sur le caractère à la fois lacté et cacaoté.
Le petit plus : Donnez un coup de fouet gourmand à ce chocolat en déposant un morceau sur un petite cuillère avec un peu de… sirop d’érable foncé ou robuste. L’expérience devient alors réellement intéressante et régressive à souhait.
Czekolada mleczna Zorzal par Deseo, une tablette de chocolat au lait et noix de pécan venue de Pologne.
De la gourmandise. Oui, mais…
Deseo vise clairement le segment haut de gamme avec son emballage blanc gaufré, ses tablettes visées de la signature d’un contrôleur et l’apposition d’un numéro de production. Pourtant, il manque quelque chose. Que ce soit plus de détails sur le cacao et la façon dont il est travaillé, ou en terme d’ingrédients. La vanille et la lécithine de soja semblent être là pour rogner sur les coûts et voiler pudiquement un travail approximatif.
Initialement, les apparences semblaient prometteuses. Pourtant, le compte n’y est pas. Certes, le marché polonais est encore loin de la maturité d’autres pays où le bean-to-bar s’est fait une place plus confortable. Malgré tout, le résultat est d’autant plus regrettable que l’exercice se fait dans un registre plus facile, celui de la gourmandise. A ce titre, czekolada mleczna Zorzal Deseo est à comparer avec la performance inattendue de BTB Chocolate qui joue sur un registre autrement plus difficile.
La note du sommelier
La déception est d'autant plus grande que les moyens semblent être là, notamment vu l'effort consenti sur l'emballage. En comparaison, la qualité du travail de Sisters A. Chocolate en Ukraine est à des années-lumière et ce malgré des conditions de production, de vente et d'approvisionnement autrement plus compliquées. Preuve, s'il en fallait, que le talent n'a rien à voir avec les moyens.
Merci à Joanna pour la découverte de cette tablette.
Producteurs de cacao : domaine unique géré par 12Tree
Origine : Quevedo, province de Cotopaxi en Équateur
Torréfaction et conchage : inconnus
Récolte : 2021
Pourcentage : 62%
Inclusions: lait et nibs de cacao
Notes de dégustation du chocolat Hacienda Limon Dark Milk Nibs par Laflor
D’un brun profond, la robe ne laisse pas deviner le chocolat au lait. Au nez, un je ne sais quoi lacté filtre entre les notes de brownie et de nibs de cacao. La casse est molle trahissant le lait. Le croquant est plus franc grâce aux nibs. En bouche, la texture friable déconcerte un peu. Une fois l’étonnement passé, les notes de nibs torréfiés se marient aux impressions gourmande de brownie, de caramel et une pointe furtive de banane. Le tout est très rond, malgré la touche acidulée des nibs. La longueur est équilibrée et révèle des accents de noisettes torréfiées. Aussi équilibré que gourmand, le chocolat ne demande qu’à être goûté à nouveau.
Le petit plus : Assumez le caractère régressif de la tablette et croquez dedans avec une tranche de tresse fraîchement sortie du four ou laissez en fondre un peu sur une crêpe… Promis, personne ne dira rien. Une expérience à réaliser aussi avec une tablette noire.
Hacienda Limon Dark Milk Nibs Laflor, une tablette aussi élégante que gourmande.
Chocolat aux accents germanophones
L’atelier de production de Laflor est situé dans la périphérie de Zurich, au bord du lac éponyme. Loin de là, sur les pentes du volcan Cotopaxi en Équateur, la plantation de cacao est un interlocuteur de choix. En effet, outre le cacao de qualité, l’entreprise qui gère la cacaoculture appartient à des Allemands. Ils restaurent une plantation historique et fonctionnant en agroforesterie. Grâce à la langue commune, les échanges sont plus faciles et les producteurs zurichois subliment ces fèves. Hacienda Limon Dark Milk Nibs de Laflor, que du bonheur.
Le moule choisi pour les tablettes de Laflor ne laisse pas indifférent. D’une part il renforce leur côté élancé, élégant. D’autre part, en raison de la finesse de la tablette « au fond » des rainures, il rend le chocolat d’autant plus sensible à la fonte lorsque les températures augmentent. D’où sa casse très molle. Finalement, un chocolat aux propriétés idéales… hors saison chaude.
La note du sommelier
Ce chocolat tire sur la corde sensible de la gourmandise avec brio. Toutefois, autre récolte ou travail différent des fèves, une édition précédente m'avait bluffé par ses accents de banane aussi exotiques que saillants. Toutefois, le résultat était alors moins équilibré. Une différence dont je m’accommode volontiers, tant ce chocolat est "miam"...
Notes de dégustation du chocolat Ekwador + mleko i wanilia par Manufaktura Czekolady de Pologne
La robe est d’un brun foncé intense, surtout pour un chocolat au lait. Ensuite, le nez libère des arômes gourmands de noix de coco grillée, légèrement soulignés par une impression lactée. La casse est relativement sourde, mais le croquant sonore. En bouche, la texture fondante ouvre le bal suivie de près par les notes gourmandes de cacao et de toffee au chocolat. La vanille est discrète, mais apporte clairement de la rondeur et lie le tout. Finalement, la longueur joue surtout sur la texture en recouvrant l’intérieur des joues. Elle distille une sensation caramel et cacao. Une création doucereuse improbable.
Le petit plus : Partagez ce chocolat avec plusieurs personnes, idéalement d’horizons et de cultures différentes. Ainsi, vous serez surpris de voir la palette d’impressions personnelles.
Chocolat au lait vanille par Manufaktura Czekolady en Pologne.
Chocolat au lait vanille, quand les ingrédients s’assument
Les producteurs mentionnent rarement la vanille sur le devant de l’emballage, sauf lorsqu’elle joue le rôle d’une véritable inclusion. Généralement, les chocolatiers industriels l’utilisent pour masquer le goût des fèves de mauvaise qualité et/ou mal torréfiées. Dans ce cas, l’approche est tout autre. Le chocolat au lait vanille se revendique. Une approche qui gagnerait à se répandre et permettrait à cette épice merveilleuse d’occuper la place qu’elle mérite réellement dans l’univers du chocolat. Un exemple à suivre.
Finalement, ce dark milk à la vanille se pare de sensations mièvres, rappelant les milk shakes de l’enfance. Un univers que le producteur Manufaktura Czekolady semble évoquer volontiers. Cette approche de la production de chocolat pose une question intéressante : faut-il proposer, temporairement ou non, une gamme de chocolats moins « puristes » et plus orientée grand public ? Outre les enjeux financiers, il s’agît aussi de méthodes d’accompagnement pour proposer aux consommateurs des produits mettant de plus en plus en valeur le cacao.
La note du sommelier
Les palais amateurs de chocolats noirs ciselés vont probablement être déçus par cette création. L'impression globale tend vers un produit très sucré et manquant de finesse. Personnellement, cette tablette évoque quelque chose de plus ancien : une tarte polonaise faite de gaufrettes et nappée de chocolat. Le Torcik wedlowski. Un souvenir d'enfance auquel il est impossible de se raccrocher aux curieux qui le goûteraient aujourd'hui. Signe, s'il en est, que chaque producteur travaille dans son propre univers gustatif, composé d'héritages parfois impossible à transmettre au-delà pu public local.
Inclusions : lait en poudre et kéfir (kefir) et bolets (porcini)
Notes de dégustation du chocolat Kefir de Naive
La robe marron présente des accents caramels. Le nez chocolaté rappelle la fève de cacao séchée, acidulée. La casse est molle, comme insonorisée. Le croquant friable. En bouche, les notes de fèves de cacao acidulées s’accompagnent rapidement de celles du kéfir à la pointe alcaline. Le tout se mêle à une douce sensation de caramel maison. La texture pâteuse renforce ce côté pâte à tartiner gourmande. La finale maintient les notes sucrées, fruitées et acidulées du chocolat. La longueur tapisse bien la bouche, mais est un peu courte. Elle incite d’autant plus à réitérer l’expérience. Et la tablette disparaît sans bruit…
Chocolat au kéfir par Naive de Lituanie. Crédit photo: Dom Czekolady
Notes de dégustation du chocolat Porcini de Naive
La robe de par sa couleur et sa texture ressemble à un cuir aux reflets acajou. Le nez mêle la gourmandise du chocolat au lait avec des impressions de sous-bois et de noix. La casse est molle, tout comme le croquant. En bouche, les notes sylvestres ouvrent la marche, accompagnées d’un je ne sais quoi de noix, tendant jusqu’à la cacahuète. Le tout sur un fond de chocolat fruité qui rappelle les baies des bois. Les sens sont plongés dans l’exploration de cet univers très riche, quasi primal. Pour couronner le tout, la finale libère une sensation chocolatée et cacaotée. La longueur est belle, comme une senteur gourmande se dissipant dans une forêt. L’explorateur ne cherche qu’une chose : arpenter ces chemins à nouveau.
Chocolat « porcini » aux bolets par Naive de Lituanie. Crédit photo: Dom Czekolady
Le petit plus : Plutôt que de les marier aux habituels vins rouges aux notes de fruits rouges, tentez une expérience plus champêtre en goûtant ces deux tablettes avec du vin de cassis slovaque.
Le chocolat des chasseurs-cueilleurs lituaniens
En puisant dans l’imaginaire collectif lituanien nourri par la générosité ancestrale de la nature, le maître chocolatier Domantas Uzpalis de Naive convoque l’univers sensoriel des mythes fondateurs baltes. Un voyage initiatique entre forêt et campagne. Chocolat, kefir, porcini, Naive réussi avec ces accords à incarner l’esprit des foragers, les chasseurs cueilleurs en français.
L’originalité de Naive se retrouve aussi dans la forme improbable de leur « tablette ». Impossible à partager en morceaux égaux. Leur créativité se retrouve aussi dans leurs autres collections, par exemple avec leur chocolat citron-réglisse ou un dark milk au café. Seul bémol, même si le secret participe à la magie de l’ensemble, l’absence d’information quant à la provenance du cacao est un peu frustrante.
La note du sommelier
Cet univers si particulier mérite que l'on s'y plonge. Si un voyage en Lituanie reste un must, pour s'immerger dans l'imaginaire immémorial des chasseurs-cueilleurs des pays baltes, rien ne vaut la lecture de L'Homme qui savait la langue des serpents. Ce roman de l'Estonien Andrus Kivirähk vous transportera. Pour y ajouter la composante sonore, cette chanson lituanienne devrait parfaire le dispositif incantatoire :
Pourcentage : 50% (Olé d’avoine) et 55% (Rêves de cachemire)
Inclusion : sucre d’érable et poudre d’avoine 50% (Olé d’avoine) et lait de chèvre (Rêves de cachemire)
Notes de dégustation du chocolat Olé d’avoine de Qantu
La robe est celle d’un chocolat noir léger, d’un joli brun. Quant à lui, le nez trahit la présence de l’avoine avec ses notes suaves de petit-déjeuner. La casse est sourde et le croquant net. En bouche, les mêmes sensations matinales gourmandes reviennent. A y regarder de plus près, le chocolat distille d’autres notes. Quelque chose de la citrouille butternut mêlé d’épices évanescentes avec une pointe de noix de pécan. Une symphonie automnales qui renforce le côté « à manger dans un moment de cocooning ». La longueur relance le sentiment d’avoine et de chocolat. Belle, elle vient mourir lentement sur les papilles.
Notes de dégustation du chocolat Rêves de cachemire de Qantu
La robe marron pourrait passer pour celle d’un chocolat noir. Le nez ne laisse pas de doute. Après une impression chocolatée, le caractère caprin est bien présent. La casse et le croquant sont mous comme ceux d’un chocolat au lait. En bouche, c’est le fondant très caramel qui ouvre le bal. Le caractère affirmé du lait de chèvre qui suit, transporte les papilles dans un autre univers, celui des fromages affinés. Pourtant au-delà des ingrédients, transparaît quelque chose de fruité, suranné, tirant vers la confiture de poires Abate bien mûres. En finale, ce sentiment est rehaussé par un je ne sais quoi de miel de fleur. Un voyage sensoriel unique.
Le petit plus : Oserez-vous commencer votre journée par ces chocolats ? Que vous soyez plutôt petit-déjeuner bol d’avoine ou brunch avec du chèvre frais, tentez l’expérience Qantu. A jeun, comme un remède. Les sens sont d’autant plus aux aguets et le plaisir décuplé.
Deux chocolats qui semblent être au lait, pourtant qu’un seul l’est réellement: Rêves de cachemire, car Olé d’avoine est légalement un chocolat noir.
Le chocolat au lait autrement
Avoine, cachemire, Qantu sort des sentiers battus pour interpréter le chocolat au lait autrement. Si le lait d’avoine est tendance et le lait de chèvre gourmand, c’est surtout leur approche qui fait la différence. Elfi et Maxime ont mis dans ces deux tablettes tout leur cœur et leur univers. Le résultat est un moment de douceur qui sent bon le petit-déjeuner tardif, un week-end d’automne. Même gourmands, ces chocolats jouent sur des notes tout en finesse. De quoi satisfaire tout le monde et de sortir du cliché des « autres » laits sans intérêt.
La note du sommelier
Si l'interprétation de ces accords lactés est réussie, l'amateur des bons cacaos que je suis reste un peu sur sa faim. Les origines et les types de fèves ne sont pas mentionnés. Certes, ce n'est pas le but de l'exercice, mais pour les fadas de cacaos comme moi, c'est comme le mucilage qui habille la fève : la touche qui fait la différence. A noter aussi le soin habituel apporté à la personnalisation de l'emballage avec les dessins reconnaissables entre mille qui font la touche Qantu.
Fèves : variété(s) inconnue(s), probablement trinitario local
Producteur de cacao : non mentionné
Origine : district d’Idukki, dans l’État du Kerala, au sud de l’Inde
Pourcentages : 75% (noir) et 55% (lait)
Millésime : inconnu
Notes de dégustation du chocolat noir Idukki Inde
Les motifs triangulaires en relief jouent avec la lumière et permettent de bien apprécier la robe marron, profonde. Au nez, la puissance du cacao et des notes épicée, voire boisées sont présentes. La casse et le croquant sont sourds. En bouche, c’est d’abord la texture grasse qui ouvre le bal, suivie d’une agréable sensation cacaotée. Une touche de fruits blets, difficiles à saisir, puis de cerise et enfin ce qui fait la signature de ces fèves : les épices. Le tout est parfaitement équilibré. En finale, c’est à nouveau la texture qui ferme la danse avec une sensation d’enveloppement et de puissance contrôlée. La longueur est belle et juste. L’envie d’y revenir se fait rapidement pressante. Reste une sensation d’umami, qui flotte et explique cette autre création aux algues.
Notes de dégustation du chocolat au lait Idukki Inde
La robe aux tons acajou joue tout autant avec la lumière. Au nez, les accents caramels se mélangent au fruité, laissant filtrer un agréable souvenir de confiture au chaudron. La casse est étonnement très similaire à la déclinaison noire. La croquant est un peu plus mou. En bouche, le caramel donne le ton de suite, mais laisse rapidement place aux sensations plus épicées, avec un je ne sais quoi de subtilement mentholé, voire iodé. L’impression fruitée du nez peine à se faire un chemin vers les papilles. Pour y parvenir, il faut laisser fondre un morceau généreux. La texture semble plus hésitante, même si l’effet d’enveloppement revient et est très agréable. La longueur en bouche tend à se dissiper de par l’effet humectant de la tablette.
Le petit plus : Goûtez les deux tablettes en les associant à de l’hydromel léger ou, idéalement, à du chouchen. Observez la façon dont chaque chocolat se transforme et interagit avec la boisson, tant au niveau des textures que des saveurs.
Chocolat Idukki Inde par Terre de fèves, lait (gauche) et noir (droite).
Chocolat Idukki de Terre de fèves, une tablette au caractère breton
Le travail d’Anne-Laure la fondatrice de Terre de fèves à Vannes en Bretagne est remarquable à plus d’un titre. En plus d’avoir lancé une manufacture-boutique en pleine pandémie, elle travaille ses cacaos avec rigueur. Ainsi, elle n’hésite pas à se frotter à des fèves avec du potentiel, mais exigeant de la maîtrise. Le résultat est à la hauteur de sa passion. Elle sublime les saveurs et apprivoise les subtilités de ce cacao aussi atypique qu’intéressant. Nul doute que son talent ne va en rester là.
Le packaging en papier à base de cacao, la fenêtre avec un emballage transparent en cellulose, les certifications bio et commerce équitable : tout est cohérent. Ne manquent peut-être que des indications sur la torréfaction et des indications plus précises sur l’origine des fèves. Rien de rédhibitoire.
La note du sommelierCette interprétation des fèves d'Idukki en chocolat noir est un de mes préférées. L'intensité, la finesse des notes et la texture s'équilibrent à merveille, tout en conservant une dimension gourmande que j'apprécie dans un chocolat noir. Pour la variante au lait de ce cacao, jusqu'à présent, je reste subjugué par l'interprétation de Fredrik de chez Standout.
Producteur de cacao : Asociación de Productores de Pico Bonito
Origine : Département d’Atlántida au Nord du Honduras
Pourcentages : 70% (noir) et 49% (lait)
Millésime : 2020
Notes de dégustation du chocolat noir Honduras Atlantida
Visuellement, la tablette joue avec les textures et le moule sied bien à la robe chocolat profonde. Le nez se manifeste de suite avec des notes amples de tabac et de réglisse sur un fond d’épices. La casse est franche malgré la relative finesse du chocolat. Le croquant agréable. En bouche, les notes se confirment. Le tabac pousse presque jusqu’au tourbé d’un whisky. En mâchant un peu, des notes plus sucrées et fruitées ressortent avec une touche de banane plantain. La finale offre une sensation de noix. La simplicité de la texture est quelque peu en retrait face à l’intensité gustative, même si le chocolat tapisse agréablement la bouche. La longueur est divine et joue avec les échos des notes en y mêlant une touche épicée. Un chocolat de caractère réservé aux aficionados de saveurs intenses.
Notes de dégustation du chocolat au lait Honduras Atlantida
La robe plus chatoyante, tendant vers l’acajou, contraste avec la variante noire. Au nez, les notes de caramel laissent filtrer une touche de foins, trahissant la filiation avec le noir. La casse est un peu moins franche comme à l’accoutumée pour un lait. Le croquant confirme en même temps que le palais cette impression plus gourmande. Un agréable ballet commence. Les papilles dansent entre les sensations intenses de caramel légèrement acidulé et les notes d’herbe séchée. Assagi par le lait, le cacao en profite pour réveiller son caractère plus fruité, gourmand. Le goûteur attentif sentira de façon fugitive un je ne sais quoi salé, qui associé aux notes fumées rappelle le lard. Une sensation aussi inattendue qu’agréable !
Le petit plus : Comparez aussi les deux déclinaisons noire et au lait. Revenez y après une pause en changeant l’ordre dans lequel vous les goûtez. Si vous êtes d’humeur joueuse, tentez de trouver un vin rouge, par exemple un gamay vieilles vignes, qui fera des étincelles avec les deux tablettes !
Chocolat Honduras Atlantida au lait (gauche) et noir (droite) par Notes de fève à Matran en Suisse
Ces tablettes de Notes de fève illustrent à merveille le choix de leur nom
Le travail de Bastien, Laurent et Claire, que j’ai eu le plaisir de rencontrer en 2022, est parfaitement représenté par ces deux tablettes. Leur credo ? Le goût ! D’ailleurs, c’est ce qui me fait tant apprécier Notes de fève, étant donné mon plaisir à challenger mes papilles. Chose intéressante, via cette quête inlassable des saveurs, la chocolaterie a su incarner le style suisse du chocolat. Que ce soit dans ses chocolats au lait ou noirs, les textures, l’équilibre, ou encore le sens du travail bien fait sont là.
S’il fallait émettre une critique, ce serait celle d’une approche peut-être justement trop helvétique. Compte tenu de leur maîtrise technique, je suis impatient de voir le résultat une fois sorti des sentiers battus, par exemple avec un ultra dark milk ou en exacerbant certaines textures. Un espace de liberté qui donne envie de goûter leurs prochaines créations !
Inclusions : chocolat au lait et café du Salvador torréfié en Lituanie
Notes de dégustation
La robe brun chocolat donne le ton, c’est un dark milk. Et ce quoi qu’en dise le nom de Flat White donné par Naive. Le nez trahit la présence de café, sans pour autant sacrifier l’impression de cacao. La casse plus molle ne laisse pas de doute : il y a aussi du lait ! En bouche, le café donne ouvre le bal, mais le chocolat n’est pas en reste. Commence alors un tango langoureux. Le chocolat distille des notes fruitées exotiques, qui viennent caresser celles du café torréfié. Le tout sans qu’aucune des deux sensations ne prenne le dessus. La trame est assurée par le fondant lacté qui sert de liant et équilibre la relation en révélant des notes de noix. Le lait ajoute également de la douceur, pour ne pas dire la tendresse. La longueur en bouche est belle, mais difficile à évaluer tant l’envie de se laisser emporter à nouveau est pressante.
Le petit plus : Des dires mêmes du maître chocolatier qui a conçu la tablette, goûtez-la avec un de ces fruit : pêches, pruneaux et abricots. Pour ma part, ce sera la pêche de vigne.
J’étais naïf en pensant que je pourrais faire une photo de la tablette avant d’y goûter… L’effet de la Flat White Coffee Chocolate de Naive est terrible…
Mais encore… à propos de Naive et de ses chocolats
Vilnius, la capitale de la Lituanie, n’est pas la ville la plus réputée pour le chocolat… Pourtant, Naive illustre avec brio ce qu’une approche décomplexée du chocolat permet d’achever en terme d’excellence.
Le graphisme de l’emballage attire l’œil et annonce la suite du spectacle. L’intérieur offre une pléthore d’informations intéressantes, sans en faire trop. Puis, une fois révélée, la forme du chocolat interpelle et donne le temps de le regarder. Bien joué ! Finalement, le goût arrive en apothéose. L’expérience de cet ensemble est d’autant plus forte grâce à ce voyage bien pensé.
Gustativement, le mariage — le terme n’a jamais été aussi juste — du chocolat et du café est un exercice de style maîtrisé ici de façon impressionnante. Trop souvent les inclusions ne font que cohabiter avec le chocolat, sans le mettre en valeur. Ici, la gourmandise chocolatée s’associe à merveille au caractère du café pour le plus grand plaisir des papilles. S’amuser à identifier les notes lors de la dégustation est un vrai plaisir.
Cerise sur le gâteau, Naive produit ses chocolats grâce au commerce direct de cacao et réalise ses emballages à partir de matériaux recyclés. Mais mon point préféré reste le fait que le travail et la démarche du chocolatier soit expliqués et mis en avant. J’en oublierais presque ma frustration de ne pas en savoir plus sur l’origine du cacao et sa transformation…
Flat White Coffee Chocolate par Naive vue en entier grâce à DomCzekolady.
Si vous faites un périple québécois, en plus du sirop d’érable, pensez aussi à y faire vos emplettes cacaotée. Les chocolats du Québec vous donneront largement matière à capoter comme on dit là-bas. Sous forme d’un quintet, voici un échantillon pour découvrir la richesse du chocolat de la fève à la tablette de la Belle Province.
Tanzanie Kokoa Kamili 72% par Palette de Bine au Mont-Tremblant
Fèves : micro-lot trinitario (biologiques) uniquement produit par des femmes
Producteur de cacao : Kokoa Kamili
Origine : vallée du Kilombero dans la région de Morogoro à l’est de la Tanzanie
Pourcentage : 72%
Notes de dégustation
Ces fèves sont relativement répandues et peuvent donner de magnifiques chocolat, il fallait donc que je goûte le résultat de la fabrique située dans la station de ski des Montréalais. Visuellement, le parti pris d’une latte de bois détonne dans le monde souvent design des bean-to-bar. Le nez est gourmand et la casse franche. Le chocolat prend son temps pour fondre et la texture presque pâteuse frappe en premier. Des notes légèrement acidulées de fruits rouges emplisse petit à petit la bouche. La longueur est correcte, mais les papilles restent un peu sur leur faim : le résultat manque d’ampleur et de richesse par rapport au potentiel des fèves. Le plaisir est néanmoins là et l’effort apporté pour mettre en valeur les producteurs et le financement d’une école secondaire pour filles.
Tabasco par chocolat dicitte à Montréal
Fèves : variété de criollo biologique
Producteur de cacao : Hacienda Jesús María
Origine : Comalcalco, dans l’état du Tabasco au sud-est du Mexique
Pourcentage : 80%
Notes de dégustation
Claire à ce niveau de cacao, la tablette est belle et parfaitement tempérée. Ces fèves sont généralement particulièrement riches en saveurs. Le nez plutôt discret ne trahit pas ce qui attend les papilles. C’est d’abord l’onctuosité du chocolat qui frappe. Suivent des notes boisées de santal, légèrement poivrées et acidulées. Difficile à saisir, l’ensemble titille la curiosité et demande à être goûté à nouveau. La finale laisse une agréable et longue impression d’agrume en bouche. Une belle maîtrise du travail de fèves complexes et délicates qui produit un excellent chocolat. Il serait intéressant de torréfier le cacao un peu plus légèrement pour voir s’il est possible d’en tirer des notes encore plus cristallines.
Pérou Maranon par Chaleur B Chocolat de Charleton-sur-Mer
Fèves : pur nacional
Producteur de cacao : Dan Pearson et Brian Horsley, Marañon Chocolate
Origine : Marañon au nord ud Pérou
Pourcentage : 87%
Notes de dégustation
Ces fèves sont mythiques. Elles sont les descendantes d’une variété équatorienne que l’on imaginait depuis longtemps disparue, car décimée par une maladie au début du 20e siècle. Retrouvé par hasard en altitude au Pérou, ce cacao a un potentiel gustatif exceptionnel. Le nez de la tablette intensément noire est prometteur… En bouche c’est l’explosion : notes de noix, de fruits blets, de cèdre, de jasmin se mêlent et se bousculent. L’intensité est saisissante sans tomber dans l’excès d’astringence malgré le fort pourcentage élevé. La longueur en bouche est encore plus impressionnante tant elle dure et révèle d’autres notes d’épices (un je ne sais quoi de massaman) qui tapissent la bouche. Mon regret ? Une tablette un peu plus épaisse aurait laissé plus de temps au carré de fondre et de distiller ses saveurs. Et aussi cette même question qui reste en suspens : qu’en aurait-il été avec une torréfaction plus douce ?
Noyer noir par Qantu de Montréal
Fèves : variété locale
Producteur de cacao : Dan Pearson et Brian Horsley, Marañon Chocolate
Origine : Bagua, Amazonas, Pérou
Pourcentage : 70%
Inclusions : éclats de noix de noyer noir caramélisés
Notes de dégustation
Hommage aux produits du terroir avec ces noix typiques d’Amérique du Nord. Le fait d’ajourer la tablette permet de voir la nougatine pour le plus grand plaisir des yeux et du nez qui sent de suite la force de ces noix rustiques. Même si l’on croque sans tomber sur morceau de nougatine, le chocolat est imprégné des noix qui le transforme. Les notes les plus subtiles du cacao — fleur d’oranger et fruits — se marie parfaitement avec l’intensité des noix. Lorsque le morceau en contient, la rencontre est encore plus belle, faisant ressortir des notes de poires confites et de caramel. Attention, c’est addictif…
Pacanes + chocolat au lait par Etat de choc de Montréal
Fèves : trinitario, amelonado et nacional
Producteur du chocolat Sirene (Canada)
Origine : Guatemala
Pourcentage : lait 55%
Inclusions : noix de pécan (ou pacanes en québécois), sel de mer et épices
Notes de dégustation
Série limitée, ce chocolat réunit plusieurs producteurs canadiens pour un résultat gourmand. Classique la tablette épaisse donne envie d’y croquer. La pacane se laisse déjà deviner au nez. En bouche, le doute n’est plus permis et la gourmandise emporte les papilles. Les saveurs se marient parfaitement et se complètent pour révéler des notes de pain d’épice qui ajoutent une touche intellectuelle qui sert d’alibi idéal pour justifier l’élan régressif qui nous pousse à dévorer ce chocolat aussi original qu’estampillé québécois. Dommage que la création d’État de choc soit aussi éphémère que la tablette une fois ouverte…
Pour tous les goûts
Cet revue de chocolats, qui n’a rien d’exhaustif, illustre bien la richesse de la scène bean-to-bar d’Outre-Atlantique. Chacun y trouvera son compte, du puriste à la recherche de chocolats noirs rares au gourmand ayant besoin de sensations douces sortant des canons européens. De ce point de vue, n’hésitez pas à privilégier les tablettes incluant des produits locaux. Il est aussi intéressant de voir à quel point ces producteurs sont décomplexés par rapport à ce qu’on trouve en particulier en Suisse.
Et vous, quels sont vos chocolats du Québec préférés ? Y a-t-il un producteur dont vous aimeriez goûter les créations ?