Le chocolat pas cher, quel est le vrai prix d’une tablette ?

Chocolat noir pas cher

A l’heure du toujours plus bio, toujours plus équitable, qui n’a pas comparé les prix de deux tablettes? Et opté pour le chocolat pas cher… Un choix pas qui n’est pas anodin. En réalité, le chocolat est rarement assez cher. Étonnant, non ? Pas tant que cela à y regarder de plus près. Les coulisses du prix d’une tablette sont riches en enseignements. Je vous propose d’analyser le prix du cacao payé par les négociants industriels et le prix de la tablette pour le consommateur.

L’ingrédient le plus important, le cacao

Sans cacao, pas de chocolat. L’écrasante majorité des producteurs de cacao sont des familles exploitant moins de 5 hectares. Selon les pratiques agricoles et les aléas météo, la production annuelle d’une de ces petites fermes varie entre 200 et 1’000 kg par hectare. Une famille exploitante dispose donc de 1 à 5 tonnes de cacao à vendre. (1)

En 2023, le prix de la tonne de cacao se négocie sur les marchés internationaux entre 2’000 et 3’600 dollars américains. Les négociants se félicitent même d’un prix historiquement haut. Pourtant, à l’échelle du producteur le compte n’y est pas. Ainsi, une famille produisant une tonne gagnera entre 5 et 10 dollars par jour. Le seuil de l’extrême pauvreté défini par la banque mondiale est de 2,15 dollars par jour et par personne.

Ce tableau est encore plus sombre qu’il n’y paraît. En effet, le prix de la tonne de cacao sur les marchés internationaux est celui des négociants. Le producteur vend à un prix plus bas, aux alentours de 1’500 dollars. Isolé, il doit passer par des intermédiaires, par exemple une coopérative, ou doit simplement vendre au prix officiel fixé par les autorités du pays producteur.

Chocolat pas cher = cacao pas cher ?

Qu’en est-il des cacao équitables ? Le label Fairtrade Max Halvelaar propose un prix d’achat au producteur de 2’400 dollars la tonne. Mieux que le marché moyen, mais encore bien loin d’un revenu décent. Le chocolat labellisé devrait être la norme basse et non l’inverse. Selon l’ONG VOICE Network, qui publie le baromètre du cacao, le prix devrait augmenter à au moins 3’000 dollars pour dégager un revenu vivable pour le cultivateur.

Chocolat noir pas cher Prix garantie Coop
Prix garantie Coop, une tablette labellisée FairTrade et arborant fièrement le drapeau Suisse. Un chocolat par cher, mais à quel prix…

Lorsque les grandes marques annoncent fièrement payer 10 à 20% de plus la tonne de cacao, alors qu’il faudrait 100%, l’ironie est indécente. Cerise sur le gâteau, nombre de ces grands groupes mettent en avant leurs labels auto-décernés…

Et le cacao acheté par les producteurs bean-to-bar ? Les disparités sont énormes. Les prix varient de 2’000 à 6’000 dollars la tonne. Malheureusement, rares sont encore les producteurs qui indiquent cette information de façon transparente. Il ne faut pas hésiter à poser la question ou chercher chez les sourceurs de cacao, qui pour certains jouent la carte de la transparence.

Prix d’une tablette de chocolat

Et pour le consommateur, quel est l’impact du prix du cacao ? Dérisoire. Pourtant, pour produire une tablette de 100g noir à 70%, il faut en moyenne une cabosse de cacao, soit environ 100g de fèves. Malgré cela, actuellement, seul environ 5% du prix d’une tablette revient au producteur de cacao. Ainsi, si le prix du cacao devait doubler, pour les chocolats les moins chers, à 75 centimes la plaque (!), cela équivaudrait à une augmentation de moins de 4 centimes… De même, pour un chocolat haut de gamme à 10 francs, ce serait 50 centimes de plus. Parfaitement supportable pour la majorité des consommateurs.

Chocolat noir pas cher MBudget Migros
MBudget Migros, à peine moins effrayant que la Coop en terme de prix, mais les mêmes arguments « équitable et Swiss made » pour se donner bonne conscience.

Paradoxalement, alors que le prix du cacao augmente, la part des producteurs a diminué. Comme indiqué par VOICE, dans les années 1980, c’est plus de 15% qui revenait aux cultivateurs de cacao. Considérant que la consommation mondiale de chocolat a également augmenté dans le même intervalle, le négoce de cacao est une activité plus que lucrative.

Le chocolat va-t-il devenir plus cher ?

Outre les considérations humaines, la production de cacao est de plus en plus compliquée. Le changement climatique diminue les rendements et augmente les pestes. Les fermiers dépendent de plus en plus d’intrants chimiques coûteux. Si la baisse de production pouvait être compensée par l’exploitation de cacao dans de nouveaux pays, cela ne changerait rien. En effet, parmi les pays en lice pour se lancer ou développer la culture du cacao, le coût de la main d’œuvre est bien plus élevé qu’en Afrique…

Finalement, même si le cacao ne souffrait pas du changement climatique, un écueil démographique majeur persiste. En raison de la pénibilité et des faibles revenus de la cacaoculture, les jeunes ne se reprennent pas les exploitations familiales ou ne se lancent pas. Aujourd’hui, la majorité des exploitants est âgée. La relève n’est donc pas assurée à moyen terme.

La question ne devrait donc pas être de savoir quel est le chocolat le moins cher… Mais plutôt, voulons-nous continuer à manger du chocolat ? Le choix nous revient en tant que consommateur, ainsi qu’en tant que citoyen pour créer des réglementations responsabilisant les multinationales.

La note du sommelier
A ceux qui seraient curieux de connaître le goût de ces chocolats — la tentation de la fameuse question du rapport qualité-prix —, je répondrais qu'il est amer... Si je refuse de manger ces produits, ce n'est pas par snobisme, mais par respect pour le travail des planteurs de cacao. A noter également qu'il existe des tablettes de chocolat noir encore moins cher, avec un taux de cacao plus bas. Le but était ici de comparer des produits avec des caractéristiques similaires.

(1) Informations tirées du Guide mondial sur les système de culture du cacao, réalisé par l’université britannique de Reading et financé par l’Organisation internationale du cacao (ICCO) et la Fondation suisse de l’économie du cacao et du chocolat.

Chocolat Kefir et Porcini par Naive de Vilnius en Lituanie

Chocolats au Kefir et aux champignon de Naive en Lituanie
  • Fèves : mélange de fèves non-mentionnées
  • Producteurs de cacao : non-mentionné
  • Origine : non mentionnée
  • Pourcentage : 57% (kefir) et 62% (porcini)
  • Inclusions : lait en poudre et kéfir (kefir) et bolets (porcini)

Notes de dégustation du chocolat Kefir de Naive

La robe marron présente des accents caramels. Le nez chocolaté rappelle la fève de cacao séchée, acidulée. La casse est molle, comme insonorisée. Le croquant friable. En bouche, les notes de fèves de cacao acidulées s’accompagnent rapidement de celles du kéfir à la pointe alcaline. Le tout se mêle à une douce sensation de caramel maison. La texture pâteuse renforce ce côté pâte à tartiner gourmande. La finale maintient les notes sucrées, fruitées et acidulées du chocolat. La longueur tapisse bien la bouche, mais est un peu courte. Elle incite d’autant plus à réitérer l’expérience. Et la tablette disparaît sans bruit…

Chocolat au kefir par Naive de Lituanie
Chocolat au kéfir par Naive de Lituanie. Crédit photo: Dom Czekolady

Notes de dégustation du chocolat Porcini de Naive

La robe de par sa couleur et sa texture ressemble à un cuir aux reflets acajou. Le nez mêle la gourmandise du chocolat au lait avec des impressions de sous-bois et de noix. La casse est molle, tout comme le croquant. En bouche, les notes sylvestres ouvrent la marche, accompagnées d’un je ne sais quoi de noix, tendant jusqu’à la cacahuète. Le tout sur un fond de chocolat fruité qui rappelle les baies des bois. Les sens sont plongés dans l’exploration de cet univers très riche, quasi primal. Pour couronner le tout, la finale libère une sensation chocolatée et cacaotée. La longueur est belle, comme une senteur gourmande se dissipant dans une forêt. L’explorateur ne cherche qu’une chose : arpenter ces chemins à nouveau.

Chocolat porcini aux bolets par Naive de Lituanie
Chocolat « porcini » aux bolets par Naive de Lituanie. Crédit photo: Dom Czekolady

Le petit plus : Plutôt que de les marier aux habituels vins rouges aux notes de fruits rouges, tentez une expérience plus champêtre en goûtant ces deux tablettes avec du vin de cassis slovaque.

Le chocolat des chasseurs-cueilleurs lituaniens

En puisant dans l’imaginaire collectif lituanien nourri par la générosité ancestrale de la nature, le maître chocolatier Domantas Uzpalis de Naive convoque l’univers sensoriel des mythes fondateurs baltes. Un voyage initiatique entre forêt et campagne. Chocolat, kefir, porcini, Naive réussi avec ces accords à incarner l’esprit des foragers, les chasseurs cueilleurs en français.

L’originalité de Naive se retrouve aussi dans la forme improbable de leur « tablette ». Impossible à partager en morceaux égaux. Leur créativité se retrouve aussi dans leurs autres collections, par exemple avec leur chocolat citron-réglisse ou un dark milk au café. Seul bémol, même si le secret participe à la magie de l’ensemble, l’absence d’information quant à la provenance du cacao est un peu frustrante.

La note du sommelier
Cet univers si particulier mérite que l'on s'y plonge. Si un voyage en Lituanie reste un must, pour s'immerger dans l'imaginaire immémorial des chasseurs-cueilleurs des pays baltes, rien ne vaut la lecture de L'Homme qui savait la langue des serpents. Ce roman de l'Estonien Andrus Kivirähk vous transportera. Pour y ajouter la composante sonore, cette chanson lituanienne devrait parfaire le dispositif incantatoire :

Theobroma bicolor et grandiflorum: peut-on en faire du chocolat ?

Theobroma bicolor

Saviez-vous que le cacao a des cousins ? Theobroma biocolor et grandiflorum sont les plus connus. Si ces fruits tropicaux partagent une parentée commune avec le cacao, est-il alors possible d’en faire du chocolat et quel serait son goût ? Légalement ces produits ne peuvent pas être appelés chocolat, car ce dernier doit être composé de cacao, donc de theobroma cacao. Gustativement, c’est une autre histoire… A travers trois tablettes de producteurs différents, je vous propose de découvrir ces « chocolats » de Theobroma biocolor et grandiflorum. Une occasion rare pour découvrir des univers gustatifs complètement atypiques.

Tablette de chocolat aux inclusions de cupuaçu de Mission chocolate, Lion de Barbon (chocolat de Theobroma Bicolor) et Cupulate de la Brigaderie Paris (chocolat de Theobroma Grandiflorum)
De gauche à droite : tablette de chocolat classique aux inclusions de cupuaçu de Mission chocolate, Lion de Barbon (chocolat de Theobroma Bicolor) et Cupulate de la Brigaderie Paris (chocolat de Theobroma Grandiflorum).

Theobroma bicolor, le chocolat qui n’en était pas un

Aussi appelé mocambo, arbre jaguar, balamte ou pataxte, le theobroma bicolor est un fruit à l’apparence plus rustique que celle du cacao. Partie prenante des cultures précolombiennes, il était consommé et utilisé dans la cuisine. Les Européens semblent l’avoir moins apprécié et ne l’ont pas exporté massivement comme le cacao.

Aujourd’hui, certains artisans bean-to bar l’apprivoisent pour le transformer en tablette, à l’instar du cacao. C’est le cas de Barbon, à Montréal au Canada, avec son Lion 85% du Mexique. Une création à partir de theobroma bicolor, de sucre et de beurre de cacao comme un « chocolat » classique. Toutefois, la présence de vanille et de sapote rendent difficile de savoir quel serait le goût du bicolor seul.

Barbon Lion, chocolat de Theobroma bicolor
Notes de dégustation du Lion de Barbon
La robe est oscille entre le beige et le blond caramel. Le nez dégage une impression sucrée sur un lit de tourbe. Sensation improbable. La casse est molle, presque inaudible. Le croquant est un peu plus sonore. En bouche, les papilles sont perdues. Cette impression tourbée est toujours là, soulignée petit à petit par des notes de noisettes, de cajou et de noix du Brésil, dégageant une impression de crème de marrons. Le tout est très rond, sans âpreté, ni amertume ou acidité. Particulièrement doux. La texture est très grasse et le fondant lent, presque pâteux, contribuant à ce sentiment d'ovni gustatif. L’ensemble conserve une très belle longueur aux accents de gianduja. Inclassable, l'envie de goûter à nouveau taraude les papilles.

Theobroma grandiflorum, chocolat… ou pas

Un peu plus connu sous son autre nom de cupuaçu, le theobroma grandiflorum est un autre cousin comestible du cacao. D’apparence brunâtre, presque terne en comparaison des couleurs des cabosses de cacao, ce fruit est encore consommé dans plusieurs pays d’Amérique du Sud. Il reste pourtant méconnu sous nos latitudes. Une situation qui pourrait changer en raison de l’engouement pour les produits atypiques. En France, c’est la Brigaderie de Paris avec son cupulate — agglutinement de « cupuaçu » et « chocolate » — qui propose une interprétation du theobroma grandiflorum en tablette.

Brigaderie Paris Cupulate, chocolat de Theobroma grandiflorum
Notes de dégustation du Cupulate de la Brigaderie de Paris 
La robe marron aux accents acajou pourrait le faire passer pour un chocolat au lait. Au nez, le doute s'installe. Les notes épicées intenses vont titiller la curiosité des sens jusqu'au fond de la gorge. Le casse est très molle, complètement insonore, le croquant absent. En bouche, c'est l'explosion. Très fondante la tablette distille des notes de cuir, d'épices, de noix et un je ne sais quoi de fruité. Le tout dans un équilibre parfait sans surcharger les papilles, tout en les épatant. En trame de fond apparaît lentement une sensation d'intensité, qui fait écho à l'amertume du chocolat sans en être à proprement parler. La longueur distille du fruit et garde cette belle tension gustative. Magistral.

Point intéressant, seul du sucre vient relever le goût de cette tablette composée à 70% de cupuaçu. La richesse gustative provient donc uniquement du fruit. Preuve, s’il fallait, du potentiel gustatif des fruits originaires d’Amazonie

Chocolat aux inclusions de cupuaçu

Une autre approche consiste à inclure du cupuaçu à du chocolat classique. C’est une option choisie par la Brigaderie de Paris pour une autre de ses tablettes, mais aussi par Mission chocolate. Ce producteur bean-to-bar est situé à Sao Paulo au Brésil où le fruit fait partie de la culture.

Mission Chocolate, chocolat avec inclusion de cupuaçu
Notes de dégustation du Cupuaçu de Mission Chocolate
La robe brune est parsemée de morceaux de cupuaçu séché. Le nez est chocolaté avec un je ne sais quoi de fruit. Le casse est bridée par les morceaux de fruit et le croquant discret. En bouche, c'est d'abord l'intensité du chocolat qui frappe avant d'être rejointe par la sucrosité du fruit. Le chocolat apporte l'onctuosité de sa texture et gagne à se laisser fondre en bouche. La longueur est appréciable. Une approche beaucoup plus classique, mais aussi beaucoup plus facile à aborder.

Cette interprétation des inclusions de cupuaçu rappelle celle du cascara par Baiani, autre producteur brésilien, mais avec plus de talent. L’équilibre entre le chocolat et les inclusions est meilleur. Toutefois, l’accord entre les deux produits reste quelque peu en deçà des deux autres tablettes en terme de richesse gustative. Cacao et cupuaçu coexistent harmonieusement sans pour autant se sublimer l’un l’autre.

Hybridation de theobroma pour des chocolats uniques

La proximité des fruits des différents theobroma permet aussi d’expérimenter d’autres démarches, comme l’hybridation des arbres de cacaoyer avec leurs cousins. Ces croisements sont probablement à l’origine des fèves sauvages utilisées par exemple par Qantu pour réaliser son incroyable Trésor caché. Une autre possibilité consiste à mélanger les fèves de cacao avec celles d’autres theobroma. Une solution également explorée par Barbon dont je vous partagerai prochainement le résultat.

Reste une question en suspens : ces créations atypiques valent-elles la peine ? Que ce soit le theobroma bicolor ou grandiflorum, leurs « chocolats » sortent des sentiers battus. A ce titre, il sont un must pour tout curieux. Personnellement, il y a fort à parier que mes papilles se laissent à nouveau tenter par l’expérience. Toutefois, ces produits restent rares et risquent de décevoir ceux qui cherchent à répondre à une pulsion gourmande et régressive. Heureusement, dans ce domaine, theobroma cacao s’en sort très bien.

Smith & Smith par Taucherli de Zurich en Suisse

Chocolat Taucherli Smith & Smith
  • Fèves : criollo indigène
  • Producteurs de cacao : Cacao Betulia
  • Origine : Hacienda Betulia, département d’Antioquia au nord de la Colombie
  • Torréfaction et conchage : 25 minutes et 65 heures
  • Récolte : 2020
  • Pourcentage : 65%

Notes de dégustation du chocolat Smith & Smith par Taucherli

Semblable aux autres créations avec du cacao Betulia, la robe se distingue par son teint clair, marron. Le nez est discret, presque mystérieux. La casse est claire, le croquant franc. En bouche, le fondant dévoile de suite quelque chose d’atypique : des notes suaves et fruitées du raisin transformé en vin. Le tout soutenu par une trame épicée. Suives des notes de noisette et de chocolat. La texture prend le dessus sur les saveurs, laissant toute la place au cacao. La longueur offre une nouvelle respiration aux accents fruités et vineux, bien que le cacao les talonne. Une belle création qui laisse un goût d’inachevé.

Le petit plus : Marriez ce chocolat à une gorgée de vin blanc, par exemple un assemblage comme le Staatsschreiber Cuvée Blanc Prestige de Zurich, qui fera ressortir le côté fruité et bonifiera tant le vin que le chocolat.

Chocolat Taucherli Smith & Smith
Le chocolat Smith & Smith de Taucherli présente une robe claire caractéristique des cacaos Betulia.

Chocolat et vin, une tendance durable ?

Taucherli explore le monde des accords gustatifs avec le sommelier zurichois Smith & Smith. Dans ce cas, les partenaires proposent de marier ce chocolat à un prosecco de Vénétie, le Nudo. Une collaboration intéressante pour illustrer concrètement comment accorder deux produits. A noter, que le chocolat Smith & Smith Taucherli ne comporte aucun élément lié directement au vin, si ce n’est son profil gustatif

Si vin rouge et chocolat noir semblent souvent associés dans l’imaginaire collectif, il est souvent plus facile d’unir un blanc à une tablette noire, comme le montre la proposition zurichoise. Point intéressant, nombre de ces explorations émanent souvent de régions moins réputées pour leur production viticole, à l’instar de cette tablette polonaise. Les fers-de-lance du vin seraient-ils trop conservateurs ?

Cette tablette est aussi l’occasion de goûter des fèves B8 de Betulia et de les comparer avec les variétés B6 et B9. Un exercice qui en vaut la peine en lui-même et qui, de par le caractère vineux de ces fèves, a inspiré cet échange à Taucherli.

La note du sommelier
Dommage que la collaboration ne soit pas mieux mise en avant. Si le type de vin est indiqué sur l'emballage, rien n'est dit sur le choix du vin ou la méthode utilisée pour trouver l'accord. Si le Prosecco trouve son public de chaque côté des Alpes, vu la collaboration zuricho-zurichoise, personnellement j'aurais trouvé plus intéressant d'aller au bout de la démarche en travaillant avec un vin du cru comme je le propose ci-dessus. Cette réticence pour les flacons locaux semble bien ancrée dans la métropole zurichoise dont les faveurs vont plus volontiers aux vins du sud ou du Valais.

Les polyphénols du chocolat, miracle ou argument de vente ?

Polyphénols du chocolat

Les « supers aliments » nous intriguent tous. Potentiellement capables de prévenir les effets du vieillissement ou de soigner des maladie, ces aliments agiraient de façon naturelle. Le chocolat est souvent cité dans cette catégorie vendeuse. Pour justifier les vertus extraordinaires du chocolat, un mot revient souvent : polyphénol. Mais les polyphénols du chocolat ont-il réellement un impact sur notre santé ? Pour sortir des discours commerciaux, je vous propose un tour d’horizon des connaissances actuelles dans le domaine.

Polyphénols, qu’est-ce que c’est, pourquoi le chocolat en contient-il ?

Autrefois simplement appelés tanins végétaux, les polyphénols sont des composants organiques produits naturellement par les plantes. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agît d’un terme générique, qui regroupe une large famille de molécules aux propriétés variées. L’intérêt principal des polyphénols viendrait de leurs bénéfices supposés pour la santé.

Molécule de proanthocyanidine
La proanthocyanidine est une molécule naturellement présente dans le chocolat. Elle fait partie de la famille des polyphénols. Crédit : Edgar181 via Wikipedia.

Issu du fruit d’un arbre, le cacao contient aussi des polyphénols. Ces derniers ont la particularité d’être similaires à ceux du vin rouge. Ce sont des proanthocyanidines, aussi appelés tanins condensés. Cette similitude est à l’origine de l’intérêt au sujet des effets sur la santé du chocolat. Le raisonnement avancé est le suivant : les polyphénols sont bénéfiques pour la santé. Si le cacao en contient, alors le chocolat a aussi des polyphénols. Le chocolat est donc bon pour la santé. Facile, non ? Pas si vite…

Quels sont les effets des polyphénols sur la santé ?

La première question à se poser est celle de savoir si les polyphénols sont réellement bénéfiques pour la santé. Une source revient fréquemment : une étude regroupant les résultats de plusieurs autres recherches pour en dégager une tendance. C’est ce qu’on appelle une méta-analyse. L’idée est plutôt intéressante, car elle permet en général d’éviter les biais contenus dans un seul travail.

Les conclusions de l’étude semblent prometteuses. Les auteurs y indiquent que les polyphénols du chocolat et du vin « […] ont des effets prononcés sur le système vasculaire, y compris, mais pas que, sur l’activité antioxydante du plasma [sanguin]. » 1 Un autre mot à la mode — antioxydant — est lâché. Ainsi, vin et chocolat auraient des propriétés bénéfiques pour notre santé.

Cerise sur le gâteau, les études passées en revue s’intéressent à l’action de ces polyphénols directement dans le corps humain et non sur des cellules en laboratoire. Sauf que c’est aussi le talon d’Achille de cette approche. Les facteurs pouvant interférer sont tellement nombreux qu’il est difficile de s’assurer d’un effet de causalité directe. Les auteurs l’admettent eux-mêmes, en toute fin, en avertissant : « [f]inalement, le métabolisme par la microflore gagne à être compris, car la flore intestinale joue probablement un rôle majeur dans l’activité biologique de nombreux polyphénols. » 2

Pire, dans leur article scientifique, les auteurs ne semblent pas avoir pris le soin de distinguer les études compilées en fonction de leur qualité. Pourtant des procédures standardisées existent pour le faire. Outre le fait que l’article date de 2005, il faut aussi noter que son auteur principal est chercheur chez… Nestlé. Une pratique courante pour de nombreuses études dans l’agroalimentaire, mais qui questionne à nouveau l’éthique et la méthodologie. Un biais qui se retrouve dans plusieurs études sur les vertus du vin rouge financées par des faîtières viticoles.

Les polyphénols du chocolat

Un autre point à considérer vient de la supposition que les polyphénols du cacao se retrouvent dans le chocolat. Ces molécules étant sensibles à la chaleur, une partie est perdue lors de la production du chocolat, notamment lors de la torréfaction. De même l’ajout d’autres ingrédients dilue ces composés. A ce titre, le chocolat « cru » ou avec un plus haut pourcentage de cacao est donc plus riche en polyphénols.

Fruits et légumes frais : vitamines, antioxydants et polyphénols garantis.
Fruits et légumes frais : vitamines, antioxydants et polyphénols garantis. Photo de Bruna Branco via Unsplash.

Reste le point principal : les bénéfices de ces composés ne sont pas vraiment mesurables et avérés. Dès lors, vaut-il quand même la peine de manger du chocolat ? Tant que ce n’est pas dans l’espoir de soigner une maladie ou à excès, la réponse est oui. Intégré à une alimentation équilibrée, le chocolat apporte sa part de variété à l’organisme. Certains d’entre-nous, selon notre flore intestinale et notre génétique, pourraient même en bénéficier un peu plus que la moyenne, tant qu’ils n’en abusent pas.

Passez donc outre les discours vendeurs sur les vertus quasi magiques du chocolat et profitez plutôt des produits de qualité que vous aimez. Sans remords.

1-2. Référence de l’étude : https://doi.org/10.1093/ajcn/81.1.243S

Chocolat Cabernet par Manufaktura Czekolady de Łomianki en Pologne

Chocolat Cabernet par Manufaktura Czekolady en Pologne
  • Fèves : non-mentionnées
  • Producteurs de cacao : non-mentionné
  • Origine : non-mentionnée
  • Pourcentage : 63%
  • Inclusions : peaux séchées et pépins de raisins polonais

Notes de dégustation du chocolat Cabernet par Manufaktura Czekolady de Pologne

La robe est sombre, brun foncé. Le nez distille clairement des notes épicées de noix de muscade et de poivre de Jamaïque. La casse est claire, tout comme le croquant. En bouche, les notes de bananes et d’épices ouvrent le bal. Suit le goût caractéristique des pépins de raisins, qui se marie parfaitement à l’ensemble. L’impression chocolatée sert de trame à l’ensemble. La texture cassante prend petit à petit de l’ampleur et renforce le sentiment d’un vin rouge léger que donne la tablette. Elle donne du corps au chocolat. La finale diffuse une sensation de fruits rouges, légèrement acidulés, presque d’airelles. La longueur est lisse et recouvre particulièrement la langue, laissant une impression presque tannique. Bien plus tard, ce sont des notes de caramel qui ressortent. Une tablette inclassable.

Le petit plus : Goûtez un carré ou deux avant le repas, à l’heure de l’apéro, avec un mini-bretzel salé. Ensuite, réitérez l’expérience en fin de repas avec un bleu léger. Qui a dit que le chocolat ne pouvait pas remplacer le vin ?

Chocolat Cabernet par Manufaktura Czekolady en Pologne
Chocolat Cabernet par Manufaktura Czekolady… en Pologne ! Un chocolat aussi improbable qu’intéressant.

Un chocolat qui surprend

Saviez-vous que la Pologne produit du chocolat et du raisin ? Effectivement, il y a de quoi être surpris. Si le cacao vient d’ailleurs, le raisin est local. Il semblerait que les pépins et les peaux de raisins soient ajoutés aux fèves de cacao lors du broyage. C’est pourquoi le raisin imprègne directement la masse ainsi produite. Ainsi, pour cette création, Manufaktura Czekolady utilise trois cépages différents poussant en Pologne. Vu son nom, il est raisonnable d’espérer que ce chocolat cabernet en contienne.

Malheureusement, le producteur ne fournit pas plus d’information sur les fèves ou les raisins. Comme par exemple, d’où vient le raisin et ou comment a débuté la collaboration avec le caviste mentionné sur l’emballage. L’opportunité manquée de raconter une histoire hors du commun.

Si le sujet vous intéresse, je vous recommande mon article sur la dégustation vin et chocolat.

La note du sommelier
C'est la curiosité qui m'a poussé à goûter cet ovni chocolaté. Un choix que je ne regrette absolument pas. Une fois encore, grâce à leur approche décomplexée, les producteurs des pays sans tradition chocolatée, et encore moins viticole, osent casser les codes. Ils expérimentent et ça fait du bien. Certes, ce genre de curiosité apporte aussi parfois sont lot de déceptions, mais pas cette fois.

Carrack chocolat, le nouveau bean-to-bar de Genève

Alain et Emile, les deux cofondateurs de Carrack Chocolat.

Carrack chocolat est la nouvelle chocolaterie bean-to-bar genevoise. Si la cité de Calvin peut se targuer de nombreuses boutiques de chocolat, côté production artisanale bean-to-bar c’est moins impressionnant. Certains artisans « classiques » s’y sont essayés avec plus ou moins de succès. D’autres, comme Ublossom, ont fermé. Le seul acteur crédible jusqu’à présent était Orfève. Avec l’arrivée de Carrack chocolat, la donne pourrait changer et le paysage cacaoté genevois s’enrichir. Tant mieux, car il existe un véritable marché pour fournir une alternative au chocolat de couverture et de masse. Pour vous, j’ai rencontré dans leur atelier les deux fondateurs, Emile Germiquet et Alain Chanson.

Carrack chocolat, pourquoi avoir orthographié autrement le carac, cette spécialité suisse au chocolat ?

Emile : A la base, nous voulions donner un autre nom à notre marque, mais il était déjà pris. Après de pas mal de réflexions, on a choisi carrack en référence au type de bateau à voile qui ramenaient les premières fèves de cacao des Amériques. Ce nom nous plaisait et en plus, il fait un clin d’œil à la pâtisserie.

Lors d'une dégustation chez Carrack chocolat, les fèves de cacao ne sont jamais loin.
Lors d’une dégustation chez Carrack chocolat, les fèves de cacao ne sont jamais loin.

Faut-il en conclure que vous êtes des spécialistes du cacao qui se lancent dans le chocolat ?

Emile : Non, pas du tout. Personnellement, j’ai travaillé dans de nombreux domaines et je gère aussi une agence de voyages. C’est d’ailleurs, comme ça que l’envie m’est venue. J’avais pour habitude d’offrir à mes clients du chocolat bean-to-bar pour adoucir leur retour. La curiosité m’a poussé à comprendre comment un aussi bon chocolat est fait. De fil en aiguille, je me suis dit pourquoi ne pas essayer moi-même.

Alain : Moi aussi, je ne viens pas du tout du monde du cacao, ni du chocolat. A la base, je suis menuisier. Ce qui m’a attiré dans ce projet, c’est la possibilité de travailler de façon créative tout en utilisant mes mains. On ne dirait pas de prime abord, mais faire du chocolat est un travail très demandant.

Comment avez-vous alors appris à faire du chocolat à partir de la fève, comment êtes vous devenus Carrack chocolat ?

Emile : Dans ma cuisine ! J’ai acheté du petit matériel pour faire des essais. C’est galère, mais quel plaisir ! Après ma compagne m’a gentiment fait comprendre qu’il ne serait pas possible de squatter la cuisine indéfiniment. Grâce aux conseils de Caroline et de François-Xavier [les fondateurs d’Orfève], j’ai pu comprendre comment me lancer plus sérieusement.

La souffleuse de coques de fèves de cacao réalisée par Carrack chocolat.
La souffleuse de coques de fèves de cacao construite par Carrack chocolat.

Alain : Pour ma part, c’est vraiment à force d’expérimenter et de tests. On a construit nous-mêmes ou adapté pas mal de nos outils. Comme j’aime bricoler, ça nous permet de réaliser ce dont nous avons exactement besoin. Par exemple, nous avons entièrement conçus la machine qui permet de séparer grâce à une souffleuse la fève torréfiée de son enveloppe. Alors que c’est souvent un élément qui limite la capacité de production des artisans, nous avons pu la dimensionner avec de la marge. Notre atelier est en grande partie pensé de cette façon.

A l’inverse de cette production « sur mesure », toutes vos tablettes de chocolat noir sont déclinées avec le même pourcentage de cacao. Pourquoi ?

Alain : C’est un choix délibéré de notre part. Notre objectif est de permettre à chacun de comparer les cacaos pour ce qu’ils sont : l’ingrédient principal du chocolat. Malgré un pourcentage similaire, chaque plaque a son caractère, sa particularité. La torréfaction et le conchage sont adaptés à chaque cacao, ce qui a gros impact sur le résultat final.

Emile Germiquet, cofondateur de Carrack chocolat.
Emile Germiquet, cofondateur de Carrack chocolat.

Emile : Lors des dégustations, les gens sont étonnés que les différences de saveurs ne sont dues qu’aux fèves et pas au pourcentage de cacao. Tout comme les cépages du vin, les variétés de cacao ont chacune leur caractère. Génétique, terroir, météo, fermentation influencent le potentiel gustatif des fèves. Notre travail consiste à découvrir ce potentiel et de le révéler dans les arômes et la complexité du chocolat. On pense que cette manière permet la meilleure comparaison. C’est aussi pour cette raison qu’on a directement créé des chocolats au lait, des pâtes à tartiner et des noisettes enrobées.

Carrack chocolat, aussi pour les plus jeunes alors ?

Emile : Oui, mais pas que ! Les grands aussi aiment la douceur.

Alain : Ça va au-delà du goût. J’aime que les gens puissent découvrir notre travail. On a même pris des jeunes en stage. Attention, c’est du sérieux. Pas pour passer la journée à regarder comment on travaille, mais pour réellement mettre la main à la pâte. C’est aussi une façon de permettre de découvrir le chocolat fait à partir de la fève.

Alain Chanson, cofondateur de Carrack chocolat.
Alain Chanson, cofondateur de Carrack chocolat.

Merci à Emile et Alain de m’avoir ouvert les portes de leur atelier et pour le temps qu’il m’ont offert pour découvrir leur travail… et le goûter ! On craque pour Carrack. Leur passion et leur transparence m’ont rappelé la rencontre avec Notes de Fève à Matran.

La note du sommelier
Ce qui m'a frappé chez Emile et Alain, c'est leur humilité et leur curiosité. Malgré leur planification minutieuse, ils n'hésitent pas à remettre en question leur travail. Grâce à cette approche, ils ont réussi ce qui est souvent le plus difficile à créer : leur propre style. C'est pourquoi je me réjouis particulièrement de voir comment leur travail va évoluer au fur et à mesure qu'ils vont approfondir leur savoir-faire.

Olé d’avoine et Rêves de cachemire par Qantu

Chocolats Olé d'avoine et Rêves de cachemire de Qantu
  • Fèves : non-mentionné
  • Producteur de cacao : non-mentionné
  • Origine : Pérou
  • Pourcentage : 50% (Olé d’avoine) et 55% (Rêves de cachemire)
  • Inclusion : sucre d’érable et poudre d’avoine 50% (Olé d’avoine) et lait de chèvre (Rêves de cachemire)

Notes de dégustation du chocolat Olé d’avoine de Qantu

La robe est celle d’un chocolat noir léger, d’un joli brun. Quant à lui, le nez trahit la présence de l’avoine avec ses notes suaves de petit-déjeuner. La casse est sourde et le croquant net. En bouche, les mêmes sensations matinales gourmandes reviennent. A y regarder de plus près, le chocolat distille d’autres notes. Quelque chose de la citrouille butternut mêlé d’épices évanescentes avec une pointe de noix de pécan. Une symphonie automnales qui renforce le côté « à manger dans un moment de cocooning ». La longueur relance le sentiment d’avoine et de chocolat. Belle, elle vient mourir lentement sur les papilles.

Notes de dégustation du chocolat Rêves de cachemire de Qantu

La robe marron pourrait passer pour celle d’un chocolat noir. Le nez ne laisse pas de doute. Après une impression chocolatée, le caractère caprin est bien présent. La casse et le croquant sont mous comme ceux d’un chocolat au lait. En bouche, c’est le fondant très caramel qui ouvre le bal. Le caractère affirmé du lait de chèvre qui suit, transporte les papilles dans un autre univers, celui des fromages affinés. Pourtant au-delà des ingrédients, transparaît quelque chose de fruité, suranné, tirant vers la confiture de poires Abate bien mûres. En finale, ce sentiment est rehaussé par un je ne sais quoi de miel de fleur. Un voyage sensoriel unique.

Le petit plus : Oserez-vous commencer votre journée par ces chocolats ? Que vous soyez plutôt petit-déjeuner bol d’avoine ou brunch avec du chèvre frais, tentez l’expérience Qantu. A jeun, comme un remède. Les sens sont d’autant plus aux aguets et le plaisir décuplé.

Chocolats Olé d'avoine et Rêves de cachemire de Qantu
Deux chocolats qui semblent être au lait, pourtant qu’un seul l’est réellement: Rêves de cachemire, car Olé d’avoine est légalement un chocolat noir.

Le chocolat au lait autrement

Avoine, cachemire, Qantu sort des sentiers battus pour interpréter le chocolat au lait autrement. Si le lait d’avoine est tendance et le lait de chèvre gourmand, c’est surtout leur approche qui fait la différence. Elfi et Maxime ont mis dans ces deux tablettes tout leur cœur et leur univers. Le résultat est un moment de douceur qui sent bon le petit-déjeuner tardif, un week-end d’automne. Même gourmands, ces chocolats jouent sur des notes tout en finesse. De quoi satisfaire tout le monde et de sortir du cliché des « autres » laits sans intérêt.

La note du sommelier
Si l'interprétation de ces accords lactés est réussie, l'amateur des bons cacaos que je suis reste un peu sur sa faim. Les origines et les types de fèves ne sont pas mentionnés. Certes, ce n'est pas le but de l'exercice, mais pour les fadas de cacaos comme moi, c'est comme le mucilage qui habille la fève : la touche qui fait la différence. A noter aussi le soin habituel apporté à la personnalisation de l'emballage avec les dessins reconnaissables entre mille qui font la touche Qantu.

Quel est l’impact climatique du chocolat ?

Quel est l'impact climatique du chocolat?

A l’heure où le bilan environnemental de nos aliments est passé au crible, qu’en est-il de notre chouchou ? Quel est l’impact climatique du chocolat ? Si un steak de bœuf argentin, a plus d’impact qu’un risotto aux champignons du coin, qu’en est-il d’un chocolat suisse ou belge ? Récemment, de nombreux médias sociaux relayent l’impact climatique négatif du chocolat. Ce dernier serait parmi les mauvais élèves, juste derrière la viande de bœuf, d’ovin et le fromage. Pour vous permettre de choisir votre chocolat en toute connaissance de cause, je vous propose de décortiquer les informations disponibles plus en détails.

Avant tout, d’où vient cet émoi pour l’impact du chocolat ? Les chiffres cités proviennent d’une publication scientifique de 2018. Les auteurs sont Joseph Poore, de l’Université d’Oxford en Angleterre, et Thomas Nemecek, de l’Agroscope à Zurich. Leur travail a été publié dans la prestigieuse revue Science. Bref, c’est du sérieux. Le seul reproche que l’on puisse faire à ceux qui reprennent ces chiffres serait de ne pas chercher de sources plus récentes. Mais ce n’est pas facile. Les travaux plus actuels sont ceux réalisés par… l’industrie du cacao. Le risque de biais est évident.

Impact climatique du chocolat, de quoi parle-t-on ?

Les auteurs s’intéressent à l’ensemble des éléments d’un aliment qui ont un impact sur l’environnement. Dans le cas du chocolat, cela signifie : la déforestation pour planter du cacao, l’impact des fertilisants et des produits chimiques utilisés pour faire pousser le cacao, le transport du cacao, sa transformation en chocolat, l’emballage et l’énergie nécessaire pour la distribution.

Comparatif de l'impact climatique du chocolat avec d'autres aliments
Comparatif de l’impact climatique du chocolat avec d’autres aliments. Crédit: ourworldindata.org

De la sorte, il est possible de déterminer à quoi correspond l’impact climatique du chocolat. Ainsi, la consommation d’une tablette de 100 g équivaut à l’émission de 1,9 kg de CO2. Il est aussi possible de comparer cette valeur aux 6 kg équivalent CO2 pour la même quantité de viande de bœuf ou encore aux 2,1 pour du fromage, 0,4 pour du riz ou encore 0,1 pour des tomates.

Il est intéressant de noter qu’à part pour les produits importés par avion, comme les mangues fraîches, le transport joue un rôle mineur dans les émissions à effet de serre. Pour le chocolat, l’essentiel de l’impact climatique vient de la déforestation et de l’utilisation d’intrants chimiques. Le rôle joué par la filière de production du cacao est donc primordial.

Que compare-t-on ?

L’article scientifique a le mérite d’illustrer l’impact de nos choix alimentaires. Toutefois, il faut nuancer les conclusions tirées par les titres accrocheurs des médias sociaux. En effet, les chiffres de nombreux comparatifs illustrent l’impact pour la même quantité d’un produit donné, par exemple 100 grammes. Ainsi, si un mangeur moyen se délecte facilement d’un steak de 150 à 200 g, la même personne n’engloutira que rarement une tablette entière de 100 g.

100 g de boeuf ou 100g de chocolat ?
100 g de bœuf ou 100g de chocolat ? Crédit photo: Tim Toomey via Unsplash.

De même, les chiffres présentés illustrent le rôle prépondérant de la culture du cacao. En effet, l’essentiel de la production mondiale de cacao est issue de méthodes intensives. Les fermiers sont poussés à brûler de la forêt pour planter du cacao et ils dépendent de variétés industrielles nécessitant des engrais et des traitements contre la vermine. En revanche, les variétés de cacao ancestrales poussent plus souvent en forêt ou en agroforesterie. De ce fait, leur impact est potentiellement bien moindre.

Quel chocolat a le moins d’impact climatique ?

Le choix de la tablette est crucial. Un chocolat industriel a un impact climatique négatif important à ne pas négliger. C’est pourquoi, pour faire attention à son empreinte environnementale, diminuer sa consommation de chocolat est un levier à ne pas négliger.

Comme moi, vous ne pouvez pas vous passer de chocolat ? Dans ce cas, en priorité, préférez le chocolat bean-to-bar à la traçabilité accrue. Cela vous permettra de privilégier des variétés de cacao et des méthodes de culture plus respectueuses de l’environnement. De même, compte tenu de l’impact du lait qui se joue aussi au niveaux des pratiques agricoles, le choix d’un bean-to-bar avec du lait d’alpage est préférable. Malgré tout, par rapport à la traçabilité, cet aspect reste secondaire. En revanche, en faisant vos emplettes en ligne à l’étranger, il est préférable d’éviter de commander vos tablettes de chocolat par courrier express, donc par avion.

Finalement, comme souligné par les auteurs de l’étude, une part non négligeable de l’impact climatique vient également du gaspillage alimentaire. Dans ce contexte, ne pas surconsommer de chocolat (surtout industriel) et utiliser les chocolats passés de date pour de la pâtisserie est d’autant plus une évidence.

La note du sommelier
Pour les producteurs de chocolat bean-to-bar, il est surtout intéressant de travailler sur un approvisionnement en cacao respectueux des bonnes pratiques agricoles. 90% de l'impact d'un chocolat se situe à ce niveau. L'autre élément permettant aux producteurs de faire une différence aux yeux du consommateur est l'emballage. Je trouve rassurant de constater que de nombreux producteurs non seulement se préoccupent de ces aspects, mais les mettent aussi en avant. Nous avons donc le choix en tant que consommateur.

Crédit image principale : chocolatnicolas.ch et benzoix

Chuao par Amaro de Carate Brianza en Italie

Chuao 70% Venezuela par Amaro d'Italie
  • Fèves : criollo de Chuao
  • Producteur de cacao : non-mentionné
  • Origine : village de Chuao au nord du Venezuela
  • Fermentation : non-mentionnée
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation du Chuao d’Amaro en Italie

La robe est brun chocolat et donne envie. Le nez impressionne avec ses notes gourmandes et riches de pain d’épices et de fruits acidulés. La casse de cette tablette épaisse est franche, presque musicale. Le croquant est ample. En bouche, les premières notes ont quelque chose de presque éthylé, avant de passer à un registre plus végétal, allant du sisal au noix vertes. Les impressions épicées viennent ensuite, mêlées à une sensation intensément chocolat. La texture est épaisse, collant presque aux dents, renforçant le côté gourmand. La longueur joue surtout avec les sensations de texture et laisse un subtil picotement poivré sur la langue. Un chocolat inattendu.

Le petit plus : Prenez un morceau généreux et mâchonnez-le tout en le laissant fondre. C’est ainsi que ce chocolat dégage un maximum de sensations.

Chuao 70% Venezuela par Amaro d'Italie
Chuao 70% Venezuela par Amaro d’Italie, une tablette de 100 g.

Des fèves de cacao mythiques

Ces fèves de cacao sont légendaires pour nombre de producteurs de chocolat. La production de cacao d’exception de ce petit village de 2’000 habitants au nord du Venezuela est limitée. Le savoir-faire des femmes qui le produisent assure une excellente qualité, notamment grâce au séchage sur la place du village. Finalement, cerise sur le gâteau, la localité est enclavée, accessible que par la mer. Ainsi, travailler ce produit est une chance.

Ce chocolat se déguste dans le temps et ce d’autant plus lorsque le producteur le propose dans cet emballage généreux de 100g. Heureusement, Marco Colzani d’Amaro a pensé a tout : la pochette se referme hermétiquement. Bien qu’il faille admettre que la tablette disparaît bien plus rapidement qu’on ne se le promet… En revanche, dommage que l’emballage ne soit pas recyclable.

La note du sommelier
Cette interprétation des fèves de Chuao me laisse perplexe. Loin des approches plus classiques, elle révèle un chocolat de caractère. A noter que le profil gustatif de l'emballage me semble très éloigné de ce que j'ai ressenti. Plus que de coutume, malgré le caractère très individuel de chaque palais. Malgré tout, reste un sentiment d'approximation tant au niveau gustatif que dans la réalisation technique avec une tablette d'épaisseur inégale. Peut-être est-ce mon côté perfectionniste ? Quoi qu'il en soit, je ne boude pas mon plaisir avec cette création qui remplit parfaitement son rôle de chocolat noir gourmand et atypique.