Chocolat au whisky d’Islay : comparatif

Chocolat au whisky: comparatif entre Alaja et Sisters A. Chocolate

Le chocolat au whisky, cette spécialité… des pays slaves ! Si des producteurs écossais produisent du chocolat avec leur boisson nationale, plusieurs bean-to-bar slaves proposent aussi ce type de tablette. Au-delà du penchant pour les alcools forts, la culture gustative de ces pays se distingue par exemple de celle des Américains pour créer leur chocolat au whisky. Ainsi, ce comparatif présente une tablette tchèque et une ukrainienne: Toutes deux utilisent des fèves de cacao macérées dans du whisky de l’île d’Islay, puis séchées et torréfiées pour en faire ensuite du chocolat.

Chocolat whisky par Ajala en République tchèque

  • Fèves : fèves de cacao macérées dans du scotch Laphroaig Islay single malt, mélange de d’Amelonado d’Amazonie, de Nacional, de Criollo et Rio Caribe vénézuélien et de Trinitario.
  • Producteurs de cacao : PISA
  • Origine : Cap Haïtien, Haïti
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 65%

La robe brune foncée oscille entre le bistre et les reflets acajou. Le nez ne laisse aucun doute quant aux notes de whisky tourbé. La casse est cristalline et légère, tout comme le croquant est franc. En bouche, le chocolat ouvre le bal avant de rapidement céder la place à la puissance des arômes du whisky. Pourtant, le chocolat ne s’avoue pas vaincu et revient avec des notes de noisette grillées en belle harmonie avec celles fumées du whisky. La texture prenante ajoute à ce sentiment de puissance. La longueur conserve cet équilibre entre les deux, bien qu’à terme le chocolat semble tenir son étreinte un peu plus longtemps. Bien que linéaire, la rencontre est agréablement réussie.

Le petit plus : Mâchonnez et laissez fondre en alternance pour jouer avec la texture, mais surtout, goûtez en ayant faim pour avoir vos sens aiguisés.

Chocolat au whisky: comparatif entre Alaja et Sisters A. Chocolate
Chocolat au whisky: comparatif entre Alaja (à gauche) et Sisters A. Chocolate (à droite).

Single malt scotch par Sisters A. Chocolate en Ukraine

  • Fèves : fèves de cacao macérées dans du scotch Dewar Ratray Cask Islay single malt, variété inconnue
  • Producteurs de cacao : inconnu
  • Origine : San Martin, Pérou
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 75%

La robe sombre est très similaire, mais joue plus avec la lumière. Le nez est plus subtil, laissant filtrer les notes de scotch avec plus de parcimonie. La casse est franche et le croquant sonore. En bouche, la texture soyeuse marque de suite avant de céder le pas aux arômes. Ce qui frappe, c’est l’intrication du cacao et du whisky. Le côté Islay fumé n’apparaît qu’en filigrane, laissant le devant de la scène aux notes de fruits rouges du cacao qui se marient à la barrique du whisky. Le tout sur une trame étrangement alcoolisée soulignée par la texture très souple. La longueur ramène sur le devant le whisky et ses notes plus attendues, avant de dévoiler des touches inattendues de banane et de thé de Ceylan. Et elle dure et elle dure… A l’opposé de la linéarité de la première tablette, l’évolution constante est tout aussi agréable.

Le petit plus : Tentez de déguster le chocolat avec une gorgée du whisky original pour découvrir toute la valeur ajoutée du cacao.

Ukraine vs République tchèque

Le comparatif est particulièrement intéressant, car les deux producteurs utilisent du whisky de l’île d’Islay sur la côte ouest écossaise. Le whisky de cette île est très typique par ses notes fumées et tourbées. Ce caractère résonne volontiers avec le cacao, qui parfois présente des arômes similaires. Toutefois, la véritable prouesse est d’avoir su s’éloigner de l’approche qui consiste à marier des profils similaires. En effet, en travaillant des cacaos aux arômes différents, les producteurs jouent plutôt sur les complémentarités. Avec les noix pour Ajala et avec les fruits rouges pour Sisters A.

Finalement, ce qui frappe le plus, c’est la différence entre les deux tablettes. Ce qui ajoute à l’étonnement, c’est aussi l’origine des producteurs. D’une part, Ajala est à Brno, à l’est de la République tchèque. D’autre part, Sisters A. Chocolate est à Loutsk dans l’ouest de l’Ukraine. Effectivement, les deux régions ne sont pas connues pour leur chocolat. Pourtant, la qualité est au rendez-vous, prouvant, si besoin était, que le travail prime sur la réputation.

La note du sommelier
Impossible de donner une préférence entre ces deux chocolats, tant ils diffèrent. En revanche, la maîtrise technique des sœurs ukrainiennes est un cran au-dessus. Tant en termes gustatifs que de travail de la masse, le résultat est au-dessus du lot. Un travail d'autant plus impressionnant dans un pays qui subit une invasion guerrière.

Procope : Desplanches fait du bean-to-bar à Genève

Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait avec du cacao Del Lago.

L’entreprise Desplanches est un acteur bien implanté de la place genevoise. Des créations chocolatées à la boulangerie, ils proposent un large assortiment. Désormais, c’est sous la marque Procope que Desplanches produit son propre chocolat, rejoignant la tendance bean-to-bar. En visite, j’en ai profité pour acheter six tablettes différentes au sein d’un assortiment très fourni tant en termes d’origines, de déclinaisons lactées ou de différents pourcentages de cacao. La vendeuse s’est montrée particulièrement sympathique. Je me réjouissais donc de goûter ces créations.

Del Lago par Procope de Desplanches à Genève

Sur l’ensemble choisi, mon attention s’est portée sur deux tablettes déclinant du cacao vénézuélien en chocolat noir et au lait. Pourquoi ? Parce que leurs fèves sortent des « classiques » du bean-to-bar, tout en étant proches de ce qui se trouve en Suisse en matière de couverture. De quoi pouvoir identifier le type d’approche gustative choisie par Procope pour créer sa signature bean-to-bar. Dans la pratique, pour ces deux chocolats :

  • Fèves : hybrides Trinitario et Criollo
  • Producteurs de cacao : non-spécifié, sourcé par Fanzuela
  • Origine : Sud-ouest du lac Maracaïbo au Venezuela
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 70% (noir) et 50% (lait)
  • Inclusions : lait en poudre (pour la tablette au lait uniquement) et lécithine de tournesol

Notes de dégustation du chocolat noir

La robe marron est belle et relativement claire pour un chocolat noir. Le nez très chocolat est plat, laissant à peine filtrer quelques notes épicées. La casse est cristalline et le croquant net. En bouche, les notes semblent sourdes. En insistant, le cacao dévoile des touches (très) torréfiées, de noisette et une pointe discrète de poivre de Jamaïque. La texture est étonnement peu fondante. Enfin, la longueur est en retrait et distille les mêmes notes.

Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait avec du cacao Del Lago.
Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait réalisés avec du cacao du Venezuela.

Notes de dégustation de la tablette au lait

La livrée brun caramel différencie clairement la variante lactée. Le nez est sans reliefs, à peine chocolaté. La casse est étonnement sonore, tout comme le croquant. En bouche, la texture sèche et friable donne le ton avant de laisser place aux notes de biscuits secs et de noisette. De même, la longueur reprend ce motif avant de se dissiper rapidement. Heureusement serait-on tenté de dire.

Procope de Desplanches, un bean-to-bar comme un autre ?

Les conditions de stockage à l’intérieur de la boutique ont clairement eu une influence sur les tablettes. En effet, trois sur six présentaient des signes de blanchiment une fois déballées. Un constat d’autant plus inquiétant que j’ai acheté ces chocolats hors période estivale. Si l’impact gustatif de ce blanchiment n’est pas nul, la qualité du travail de fond laisse malgré tout à désirer. En effet, je goûte des chocolats ayant soufferts de mauvaises conditions de transport, mais la qualité du travail reste parfaitement identifiable.

Dans le cas présent, la torréfaction du cacao est approximative. Un constat d’autant plus décevant que Procope est l’enfant de Desplanches, un chocolatier établi. De plus, de nombreux entrepreneurs chocolatiers sans bagage se montrent plus assidus dès leurs débuts. De même, la démarche souffre d’un autre travers : vouloir recréer les standards du chocolat de couverture. C’est pourquoi, le caractère des petits lots de cacao ne se retrouve pas dans cette approche.

Finalement, l’écueil gustatif sur lequel Procope bute est particulièrement frustrant en raison de la démarche initiale. En effet, la boutique dispose d’un bon service et met en avant le travail avec un laboratoire visible. Mieux, un système de QR-code sur les tablettes permet de retracer l’origine des ingrédients. Même si la plateforme est peu intuitive, l’approche d’ouvrir la traçabilité des ingrédients est à saluer.

La note du sommelier
Faut-il partager un avis négatif ? C'est la question que je me suis longuement posée face à ces chocolats. Si j'ai décidé de passer outre mes réticences, c'est pour plusieurs raisons. Malgré un message à l'entreprise pour leur signaler le problème, je n'ai reçu aucun réponse. Procope existe maintenant depuis quelques temps, les erreurs de jeunesse auraient pu, dû être corrigées dans l'intervalle. Finalement, ce beanto-bar venant d'un chocolatier établi, ces faux pas cumulés sont vraiment décevants et ternissent l'image des autres artisans s'engageant dans cette démarche. C'est pourquoi je préfère avertir les clients et espère surtout pouvoir changer d'avis sur Procope dans le futur !

Chocolat noir ou au lait ?

Chocolat noir ou au lait: exemple avec le Sierra Leone de Notes de fève

Lequel est meilleur ? Le chocolat noir ou au lait ? Outre le fait qu’il s’agisse surtout de préférences gustatives personnelles, la question est souvent un non-sens. En effet, les tablettes invoquées pour la comparaison sont souvent de producteurs différents, avec des cacaos différents, etc. Pas de quoi alimenter la réflexion de façon très productive. Pourtant, grâce aux producteurs bean-to-bar, il est possible de faire avancer le débat… tout en mangeant du bon chocolat. Alors sans plus attendre faisons avancer la science !

Sierre Leone Kailahun de Notes de fève à Matran en Suisse

La maison Notes de fève propose deux chocolats parfaits pour cet exercice. Les deux tablettes sont réalisées non seulement par le même chocolatier, mais en plus avec du cacao de la même origine et du même millésime. Cerise sur la gâteau, le chocolat au lait est un dark milk, aussi appelé ultra-cacaoté. De quoi s’assurer que le sucre ne prenne pas le dessus et que l’ajout de lait soit uniquement là pour transformer le profil gustatif du cacao. Des conditions idéales pour réaliser un comparatif.

  • Fèves : trinitario et forastero
  • Producteurs de cacao : Village Hope
  • Origine : région de Kailahun en Sierra Leone
  • Récolte : 2022
  • Pourcentage : 80% (noir) et 67% (lait)
  • Inclusion : lait en poudre (pour la tablette au lait uniquement)

Notes de dégustation du chocolat noir

La robe noir ébène joue avec la lumière pour le plus grand plaisir des yeux. Le nez est particulièrement chocolaté avec quelques traces de cacao. La casse est relativement discrète et le croquant plutôt friable. En bouche, le cacao ouvre le bal et déroule des notes automnales boisées, de noix ou encore d’écorce de pomme. La texture étonne, oscillant entre fondant et friable, ajoutant au caractère atypique du chocolat. Enfin, la longueur est belle et révèle des tannins souples et agréables, tout en rappelant les notes de noix. Un chocolat complexe qui redemande à être goûté plusieurs fois. Parfait pour le brunch d’un dimanche d’automne.

Le petit plus : Pour rester proche de l’esprit fribourgeois de la chocolaterie, associez un morceau à un peu de cuchaule.

Chocolat noir ou au lait: exemple avec le Sierra Leone de Notes de fève
Chocolat noir ou au lait, l’exemple avec le Sierra Leone de Notes de fève. Avouez que la nuance de couleur est subtile !

Notes de dégustation de la tablette au lait

D’un ton plus clair à peine décelable, la robe ébène ne laisse pas filtrer au premier abord la nature lactée du chocolat. Au nez, le goûteur distrait pourrait ne pas remarquer la pointe lactée qui souligne discrètement le côté très chocolaté. Un peu plus molle, la casse donne déjà plus d’indices, tout comme le croquant. En bouche, le doute est dissipé, c’est bien un chocolat différent du premier. La texture grasse et prenante rappelle celle d’un Bourgogne. Les notes cacaotées sont accompagnées de celles de noisettes grillées et toujours ce je ne sais quoi de lacté. Le tout laisse poindre quelques accents inattendus qui font penser à de la réglisse et peut-être à nouveau ce je ne sais quoi d’écorce de pomme. De même, la longueur fait ressortir les tannins et confère du racé au tout. A nouveau, il faut goûter encore et encore.

Le petit plus : Prenez un tout petit morceau de datte séchée et accompagnez-le d’un morceau de chocolat qui se transforme alors en pâte à tartiner régressive à souhait en faisant ressortir d’autant plus le côté noisette grillée, voire de massepain ! D’ailleurs, le même exercice avec le chocolat noir renforcera ce côté massepain.

Alors… chocolat noir ou au lait ???

Grâce à cette comparaison, il est intéressant de noter que le lait peut réellement devenir un révélateur du cacao. En faisant ressortir certains traits, il transforme l’expérience sans rien ôter à la richesse gustative du cacao. Au contraire, il peut même apporter de nouvelles notes. Est-ce que cela signifie que le chocolat au lait prévaut sur le chocolat noir ? Définitivement, non. Les deux se valent en terme de qualité sensorielle.

Ainsi, il ressort clairement de l’exercice que l’ajout ou non de lait dépend fortement du cacao utilisé, de la façon de le travailler et du résultat recherché. Si le but est simplement de travailler l’aspect gourmand, la comparaison n’a même pas lieu d’être. En revanche, si le lait est vu comme un ajout pouvant transformer le cacao, alors la question est parfaitement pertinente et avoir une préférence est tout à fait défendable par des arguments en lien avec la qualité du cacao et son potentiel gustatif.

La note du sommelier
Les producteurs qui fabriquent du chocolat au lait font souvent cet exercice de comparaison avec le pendant non-lacté de leur création. Ainsi, ils se retrouvent souvent face aux mêmes dilemmes. Ce qui est dommage, c'est que ce travail, en plus d'être invisible, n'est pas valorisé. Les deux tablettes présentées ici illustrent bien l'intérêt gustatif aussi pour les consommateurs. Une façon d'éduquer le client tout en s'amusant. Que demander de plus ?