Carte des goûts de la langue et dégustation de chocolat

carte des goûts de la langue et chocolat

Le sucre sur la pointe, l’amertume au fond, etc. La carte des goûts de la langue pour déguster est pourtant un mythe. Née au début du siècle passé, la théorie de zones spécifiques aux goûts de base – sucré, salé, amer et acide – était séduisante. Toutefois, l’idée ne résistera pas à l’épreuve des tests. Malheureusement, le concept reste populaire auprès du grand public et continue à être utilisé, à tort. Avec la popularisation du sixième goût qu’est l’umami, le phénomène s’est renforcé. Faut-il pour autant oublier l’idée de cartographier notre langue dans le cadre de la dégustation de chocolat ?

A chaque chocolat sa carte des goûts de la langue ?

Si la perception des goûts se fait sur l’ensemble de la langue, identifier comment les différentes perceptions liées à un aliment particulier se produisent reste intéressant. En effet, dans le cadre de la dégustation de chocolat, il apparaît très vite que la bouche réagit de façon spatialisée. Chaque tablette produit des sensations identifiables dans différentes zones. Ainsi, certains chocolats ont des notes poivrées sur la pointe de la langue, l’apex. D’autres, une sensation astringente sur l’intérieur des joues ou au fond de la gorge.

En plus de la localisation dans la bouche, la sensation se décrit également dans le temps. Certains arômes et sensations apparaissent de façon éphémère, au fur et à mesure que le chocolat développe son profil gustatif. Ces impressions dynamiques peuvent renforcer ou au contraire diminuer les perceptions spatiales. De surcroît, la perception peut varier d’une personne à l’autre, mais aussi selon le contexte. Dès lors, faut-il oublier toute idée de pouvoir bénéficier d’une carte des goûts, même pour un chocolat donné ? Pas complètement.

La carte des goûts de la langue est un mythe tenace.
La carte des goûts de la langue est un mythe tenace. Crldit image : MesserWoland via Wikipedia.

Une carte mentale

Établir une carte mentale des goûts d’un chocolat à titre personnel présente malgré tout un intérêt. Effectivement, cette approche permet de gagner plus facilement en expérience de dégustation. Si certains arômes sont faciles à identifier et qu’un guide visuel peut aider, le cerveau fonctionne souvent par association. Ainsi, en prenant note mentalement d’éléments récurrents au-delà des goûts, il est plus facile de s’en souvenir et de les identifier par la suite.

Ce rôle important des différentes mémoires permet de comparer plus facilement différents chocolats, notamment dans le cadre d’évaluations. De même, cette approche permet également d’identifier plus rapidement une sensation nouvelle. De là, il est petit-à-petit possible de décrire la nouvelle sensation pour finalement la nommer. Un processus qui semble très artificiel, lorsqu’il est décrit de la sorte, mais qui se fait très naturellement du moment que le mécanisme est rodé.

Finalement, à titre personnel, il est intéressant et ludique de cartographier ses propres sensibilités. Ce faisant, il est possible de connaître les biais positifs et négatifs à l’égard de sensations spécifiques. Une conclusion plutôt agréable, puisqu’elle implique qu’il faille goûter encore et encore du chocolat pour maintenir notre carte mentale à jour. Qui veut reprendre du chocolat ?

Chocolat au whisky d’Islay : comparatif

Chocolat au whisky: comparatif entre Alaja et Sisters A. Chocolate

Le chocolat au whisky, cette spécialité… des pays slaves ! Si des producteurs écossais produisent du chocolat avec leur boisson nationale, plusieurs bean-to-bar slaves proposent aussi ce type de tablette. Au-delà du penchant pour les alcools forts, la culture gustative de ces pays se distingue par exemple de celle des Américains pour créer leur chocolat au whisky. Ainsi, ce comparatif présente une tablette tchèque et une ukrainienne: Toutes deux utilisent des fèves de cacao macérées dans du whisky de l’île d’Islay, puis séchées et torréfiées pour en faire ensuite du chocolat.

Chocolat whisky par Ajala en République tchèque

  • Fèves : fèves de cacao macérées dans du scotch Laphroaig Islay single malt, mélange de d’Amelonado d’Amazonie, de Nacional, de Criollo et Rio Caribe vénézuélien et de Trinitario.
  • Producteurs de cacao : PISA
  • Origine : Cap Haïtien, Haïti
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 65%

La robe brune foncée oscille entre le bistre et les reflets acajou. Le nez ne laisse aucun doute quant aux notes de whisky tourbé. La casse est cristalline et légère, tout comme le croquant est franc. En bouche, le chocolat ouvre le bal avant de rapidement céder la place à la puissance des arômes du whisky. Pourtant, le chocolat ne s’avoue pas vaincu et revient avec des notes de noisette grillées en belle harmonie avec celles fumées du whisky. La texture prenante ajoute à ce sentiment de puissance. La longueur conserve cet équilibre entre les deux, bien qu’à terme le chocolat semble tenir son étreinte un peu plus longtemps. Bien que linéaire, la rencontre est agréablement réussie.

Le petit plus : Mâchonnez et laissez fondre en alternance pour jouer avec la texture, mais surtout, goûtez en ayant faim pour avoir vos sens aiguisés.

Chocolat au whisky: comparatif entre Alaja et Sisters A. Chocolate
Chocolat au whisky: comparatif entre Alaja (à gauche) et Sisters A. Chocolate (à droite).

Single malt scotch par Sisters A. Chocolate en Ukraine

  • Fèves : fèves de cacao macérées dans du scotch Dewar Ratray Cask Islay single malt, variété inconnue
  • Producteurs de cacao : inconnu
  • Origine : San Martin, Pérou
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 75%

La robe sombre est très similaire, mais joue plus avec la lumière. Le nez est plus subtil, laissant filtrer les notes de scotch avec plus de parcimonie. La casse est franche et le croquant sonore. En bouche, la texture soyeuse marque de suite avant de céder le pas aux arômes. Ce qui frappe, c’est l’intrication du cacao et du whisky. Le côté Islay fumé n’apparaît qu’en filigrane, laissant le devant de la scène aux notes de fruits rouges du cacao qui se marient à la barrique du whisky. Le tout sur une trame étrangement alcoolisée soulignée par la texture très souple. La longueur ramène sur le devant le whisky et ses notes plus attendues, avant de dévoiler des touches inattendues de banane et de thé de Ceylan. Et elle dure et elle dure… A l’opposé de la linéarité de la première tablette, l’évolution constante est tout aussi agréable.

Le petit plus : Tentez de déguster le chocolat avec une gorgée du whisky original pour découvrir toute la valeur ajoutée du cacao.

Ukraine vs République tchèque

Le comparatif est particulièrement intéressant, car les deux producteurs utilisent du whisky de l’île d’Islay sur la côte ouest écossaise. Le whisky de cette île est très typique par ses notes fumées et tourbées. Ce caractère résonne volontiers avec le cacao, qui parfois présente des arômes similaires. Toutefois, la véritable prouesse est d’avoir su s’éloigner de l’approche qui consiste à marier des profils similaires. En effet, en travaillant des cacaos aux arômes différents, les producteurs jouent plutôt sur les complémentarités. Avec les noix pour Ajala et avec les fruits rouges pour Sisters A.

Finalement, ce qui frappe le plus, c’est la différence entre les deux tablettes. Ce qui ajoute à l’étonnement, c’est aussi l’origine des producteurs. D’une part, Ajala est à Brno, à l’est de la République tchèque. D’autre part, Sisters A. Chocolate est à Loutsk dans l’ouest de l’Ukraine. Effectivement, les deux régions ne sont pas connues pour leur chocolat. Pourtant, la qualité est au rendez-vous, prouvant, si besoin était, que le travail prime sur la réputation.

La note du sommelier
Impossible de donner une préférence entre ces deux chocolats, tant ils diffèrent. En revanche, la maîtrise technique des sœurs ukrainiennes est un cran au-dessus. Tant en termes gustatifs que de travail de la masse, le résultat est au-dessus du lot. Un travail d'autant plus impressionnant dans un pays qui subit une invasion guerrière.

Stardust par Mesjokke à Utrecht aux Pays-Bas

Chocolat Stardust Mesjokke
  • Fèves : trinitario
  • Producteurs de cacao : Åkesson’s estate
  • Prix payé au producteur : 6,30 EUR/kg
  • Origine : Vallée de Sambirano à Madagascar
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 50%
  • Inclusions : lait en poudre européen, sel de Guérande et lécithine de tournesol

Notes de dégustation du chocolat Stardust par Mesjokke

La robe marron tire vers le caramel, typique pour un chocolat au lait. Le nez est assez plat, mais plutôt orienté vers le chocolat. La casse est particulièrement sonore tout comme le croquant. En bouche, le chocolat prend son temps pour fondre. Il distille les notes caractéristiques des chocolats au lait très (trop) sucrés. Pourtant la pointe de sel apporte un équilibre gustatif intéressant faisant ressortir le coté cacaoté. La longueur n’apporte rien de plus à l’expérience, si ce n’est un retour plus marqué du sucre. Une expérience décevante compte tenu du potentiel du cacao d’Akesson.

Chocolat Stardust Mesjokke
Chocolat Stardust Mesjokke

Du lait, oui mais…

La chocolaterie Mesjokke a tout pour plaire. Elle privilégie des ingrédients de qualité : sel de Guérande, lait local, cacao de Madagascar. Mieux, elle indique le prix versé au producteur. Une démarche encore trop rare (en Suisse, Notes de fève fait de même). Toujours de bonne augure, la boutique en ligne ne propose qu’un choix relativement restreint de tablettes de chocolat. En effet, l’impression de collection étoffée vient du fait que chaque tablette déclinée en format de poche ou classique.

Toutefois, un détail attire l’attention. L’origine du lait est indiquée comme européenne. A l’échelle industrielle, c’est un plus. Mais, à l’échelle artisanale, cela sonne faux. Outre les qualités gustatives en retrait, c’est la présence de lécithine de tournesol qui ternit également le tableau. Si cette poussière d’étoiles, Stardust, de Mesjokke semble prometteuse, il existe une marge d’amélioration. Malgré l’ombre au tableau, espérons que les producteurs affinent leur travail. Tous les ingrédient du succès sont là.

La note du sommelier
Si les goûts des consommateurs varient d'une région à l'autre, les chocolats bean-to-bar présentent généralement une approche qui ne relègue pas le cacao à l'arrière plan. Pourtant, la prévalence gustative du sucre donne malheureusement l'impression d'un second rôle pour les fèves. Un constat d'autant plus étonnant compte tenu de la récompense reçue de la part de l'Academy of Chocolate.

Šalomounovy ostrovy z kozím mlékem par Míšina čokoláda à Prague

Šalomounovy ostrovy z kozím mlékem Míšina čokoláda
  • Fèves : inconnues
  • Revendeur de cacao : Makira Gold
  • Origine : Îles Salomon
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 60%
  • Inclusions : lait de chèvre en poudre (10%)

Notes de dégustation du chocolat Šalomounovy ostrovy z kozím mlékem par Míšina čokoláda

La robe châtain foncé laisse deviner quelques accents marrons et se pare de jolis accents acajou. Le nez confirme définitivement la touche lactée et de chèvre. La casse est claire tout comme le croquant. En bouche, les notes de chèvre sont puissantes, mais à la mesure de celles du chocolat qui les adoucit et les enrichit de touches de noisette. Le cacao apporte aussi de la rondeur au tout. Finalement, c’est la longueur qui révèle de subtiles notes fruitées, légèrement acidulées. Un jolie touche qui équilibre parfaitement la longueur.

Le petit plus : A déguster avec un rouge espagnol plein de soleil et aux notes de fruits rouges sucrées ou avec un Porto.

Šalomounovy ostrovy z kozím mlékem Míšina čokoláda
Šalomounovy ostrovy z kozím mlékem une tablette de chocolat produite par Míšina čokoláda en République tchèque avec du cacao des Iles Salomon et du lait de chèvre !

Des origines improbables

La République tchèque est plus connue pour ses bières que pour son chocolat. Pourtant, il existe plusieurs producteurs bean-to-bar intéressants. Avec sa tablette Šalomounovy ostrovy z kozím mlékem, Míšina čokoláda semble avoir trouvé la recette du succès. Un chocolat au lait original et apprécié, comme en témoigne sa médaille d’argent décernée par l’Academy of Chocolate en 2021.

Contrairement à l’adage qui préconise que moins, c’est mieux, la gamme disponible chez Míšina est impressionnante. Chocolats noirs, au lait, blancs, pralines, etc. Finalement, ne manque plus qu’un supplément d’informations sur les cacaos utilisés et la façon de les travailler.

Tout aussi surprenante, l’origine du cacao sort également des sentiers battus. En effet, les fèves proviennent des Îles Salomon, dans le Pacifique. Un terroir tellement confidentiel, que nombre de ses fèves sont exportées par des sociétés australiennes. Le spectre aromatique de ce terroir est large et intéressant. Ainsi, en Suisse, Orfève travaille également cette origine. Comme quoi, derrière le nom improbable de cette tablette et son apparence somme toute classique, la surprise est au rendez-vous.

La note du sommelier
Les chocolats au lait sont souvent déconsidérés par les producteurs qui y voient simplement un produit d'appel pour faire découvrir leurs chocolats noirs. En jouant la carte du caractère, ce chocolat au lait dépoussière le genre en proposant une interprétation du mariage lait-chocolat très classique, mais sublimée par la chèvre. Aussi simple et audacieux que réussi.

Atelier dégustation de chocolat : comment l’organiser ?

Atelier dégustation de chocolat

Qui ne rêve pas de participer à un atelier de dégustation de chocolat ? Une activité qu’il est possible de faire chez soi. Voici le guide de base pour vous amuser comme un enfant et déguster du chocolat comme un pro.

Types de dégustation

Si le but premier est de se faire plaisir, il est néanmoins intéressant de connaître les options qui s’offrent à vous en termes d’organisation. En effet, la variété des chocolats, et en particulier bean-to-bar, est phénoménale. Si vous ne les avez pas encore achetés ou hésitez lesquels choisir dans votre réserve, avoir une idée de type d’atelier de dégustation vous facilitera les choses et rendra l’activité d’autant plus ludique. Il est possible de sélectionner des tablettes selon l’origine du cacao et son millésime, le producteur, le type de chocolat, de faire des accords… Quel que soient les chocolats à votre disposition, il est possible d’en faire une dégustation intéressante.

Par provenance géographique

Une dégustation sur le thème du monde, d’un continent, d’un pays ou d’une région est parfaitement possible. Attention à distinguer l’origine des fèves de cacao du lieu de production du cacao. L’intérêt consiste alors à observer la diversité des profils gustatifs. C’est une excellent moyen pour illustrer la richesse apportée par chaque étape de fabrication : fermentation, séchage, torréfaction, conchage.

Le plaisir consiste souvent à identifier le style de chocolat qui plaît ou non. Plus ou moins corsé, plus ou moins fondant, plus ou moins fruité, etc. Certains préfèrent les chocolats suisses aux créations plus brutes que l’on peut trouver par exemple au Mexique. Reste qu’il existera toujours un chocolat, un producteur, un cacao qui viendra contredire telle ou telle généralité.

C’est pourquoi, il est aussi possible de faire une dégustation qu’avec les chocolats d’un seul producteur, voire le même chocolat. Comment ? En faisant ce qu’on appelle, sur le modèle du vin, une verticale. En dégustant la même tablette, du même producteur, mais avec des fèves récoltées à différentes années. Ainsi, il est possible de comparer des millésimes différents. Un exercice assez rare, car les chocolats doivent être conservés dans de parfaites conditions pour en pas perdre leurs arômes.

Atelier dégustation par type de chocolat

Sans s’embarrasser de la complexité des origines, un atelier dégustation basé sur les types de chocolats est très simple à organiser. Ainsi, il suffit de commencer par les noirs (du plus léger au plus intense), puis les laits (même ordre), puis les rubis, les blancs et finalement les blonds. Un cran plus sophistiqué, une dégustation uniquement de chocolats noirs ou de chocolats au lait, voire que des dark milk.

Guide gratuit de dégustation du chocolat
Comment déguster le chocolat : le guide gratuit disponible sur la boutique.

En dégustant par type de chocolat, l’avantage est de pouvoir créer un pot-pourri sans complications. Dès lors, le véritable « défi » consiste surtout à acquérir assez de pratique pour être à l’aise avec l’art de la dégustation. Il y a plus rédhibitoire…

Atelier dégustation de chocolat avec des accords

Une fois la dégustation de chocolat vue et revue, le plaisir ne s’arrête pas pour autant. En effet, il est possible d’organiser des ateliers de dégustation d’accords entre le chocolat et d’autres produits. Si le vin-chocolat est connu, avez-vous déjà pensé d’autres thèmes moins connus et plus originaux ? Par exemple avec le thé, le whisky, la bière, des eaux minérales, du miel, du fromage, du pain, de l’huile d’olive, des épices, des fruits, des légumes, des herbes aromatiques…

Dégustation de chocolat originale avec du whisky
Dégustation de chocolat originale avec du whisky

Si vous connaissez bien les produits pour ces accords, foncez et amusez-vous. En revanche, il vaut la peine de se faire conseiller par d’autres passionnés pour réussir les accords. Effectivement l’exercice est plus facile avec des produits typés, ayant du caractère. Cet aide vous permettra de découvrir des boissons et des aliments rares ou inattendus. Cerise sur le gâteau, il est fort probable que vous y gagniez aussi de belles amitiés.

Toujours pas sûr ? Participez à un atelier organisé par exemple par Chocolats du Monde ou directement auprès d’un producteur, comme Notes de fève, pour tenter l’exercice en tant que participant. Et pour une expérience sur mesure, contactez-moi.

Terrua Tuerê par Casa Lasevicius à Sao Paulo au Brésil

Chocolat Terrua Tuerê par Casa Lasevicius
  • Fèves : mélange d’hybrides de trinitario
  • Producteurs de cacao : Waldomiro Broechl de Sitio Bom Jesus
  • Origine : Région du Para au Brésil
  • Récolte : 2021
  • Pourcentage : 70%

Notes de dégustation du chocolat Terrua Tuerê par Casa Lasevicius

La robe brune se pare de jolis accents acajou et joue particulièrement avec la lumière. Le nez oscille entre cacao et chocolat avec des notes de fruits secs. La casse est franche et légèrement sourde. Quant au croquant, il est sonore. Ensuite, en bouche, les notes chocolatées soulignées de fruits donnent le ton. La texture fondante et particulièrement recouvrante confère au tout un délicieux sentiment de gourmandise. Très linéaire, le goût se laisse découvrir pour que les notes deviennent clairement celles de fruits rouges. Finalement, la longueur apporte une pointe d’astringence qui ajoute de l’élégance, tout en maintenant une tenue impressionnante dans le temps. Une tablette qui représente la quintessence d’un chocolat noir classique de par son côté épuré. On en redemande.

Le petit plus : Dégustez ce chocolat avec une gorgée de kompot de cerises et de framboises. Aussi simple que bon.

Chocolat Terrua Tuerê par Casa Lasevicius
Chocolat Terrua Tuerê par Casa Lasevicius, une petite tablette dont l’apparence minimaliste cache un trésor gustatif.

Les trésors du Brésil

Terrua Tuerê Casa Lasevicius, un chocolat qui ne paye pas de mine. Même la mention de la distinction obtenue ne saute pas au yeux et paraît presque anecdotique, s’agissant d’un prix d’un festival amazonien… Pourtant, à qui s’intéresse un peu aux tendances actuelles, cette tablette titille la curiosité. En effet, le Brésil s’impose de plus en plus comme un acteur incontournable du cacao fin. En outre, la présence bien en vue du producteur de cacao est un autre indice de bon augure.

Finalement, le nom de la marque, Casa Lasevicius, attise également la curiosité. Les observateurs les plus aguerris lui trouveront à juste titre quelque chose de balte. Effectivement, la famille à l’origine de cette production bean-to-bar est installée au Brésil depuis un peu moins de 100 ans, après avoir émigré de Lituanie. Un autre pays dont les chocolats se distinguent ! Autant de raisons pour avoir envie d’explorer l’histoire et les trésors insoupçonnés du Brésil.

La note du sommelier
Il est des surprises qui fonctionnent en cascade. Tout d'abord la découverte d'une excellent chocolat, puis d'une marque peu connue et intéressante pour finalement aboutir sur une histoire familiale qui mêle les destins de populations dispersées par les aléas de la grande Histoire, qui écrit le récit de la mondialisation depuis plus longtemps que nous en avons conscience au quotidien. De quoi nous rappeler les enjeux planétaires depuis une autre perspective. Quand je vous dis que manger du chocolat apporte plus qu'il n'y paraît...

Procope : Desplanches fait du bean-to-bar à Genève

Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait avec du cacao Del Lago.

L’entreprise Desplanches est un acteur bien implanté de la place genevoise. Des créations chocolatées à la boulangerie, ils proposent un large assortiment. Désormais, c’est sous la marque Procope que Desplanches produit son propre chocolat, rejoignant la tendance bean-to-bar. En visite, j’en ai profité pour acheter six tablettes différentes au sein d’un assortiment très fourni tant en termes d’origines, de déclinaisons lactées ou de différents pourcentages de cacao. La vendeuse s’est montrée particulièrement sympathique. Je me réjouissais donc de goûter ces créations.

Del Lago par Procope de Desplanches à Genève

Sur l’ensemble choisi, mon attention s’est portée sur deux tablettes déclinant du cacao vénézuélien en chocolat noir et au lait. Pourquoi ? Parce que leurs fèves sortent des « classiques » du bean-to-bar, tout en étant proches de ce qui se trouve en Suisse en matière de couverture. De quoi pouvoir identifier le type d’approche gustative choisie par Procope pour créer sa signature bean-to-bar. Dans la pratique, pour ces deux chocolats :

  • Fèves : hybrides Trinitario et Criollo
  • Producteurs de cacao : non-spécifié, sourcé par Fanzuela
  • Origine : Sud-ouest du lac Maracaïbo au Venezuela
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 70% (noir) et 50% (lait)
  • Inclusions : lait en poudre (pour la tablette au lait uniquement) et lécithine de tournesol

Notes de dégustation du chocolat noir

La robe marron est belle et relativement claire pour un chocolat noir. Le nez très chocolat est plat, laissant à peine filtrer quelques notes épicées. La casse est cristalline et le croquant net. En bouche, les notes semblent sourdes. En insistant, le cacao dévoile des touches (très) torréfiées, de noisette et une pointe discrète de poivre de Jamaïque. La texture est étonnement peu fondante. Enfin, la longueur est en retrait et distille les mêmes notes.

Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait avec du cacao Del Lago.
Procope Desplanches, les chocolats noir et au lait réalisés avec du cacao du Venezuela.

Notes de dégustation de la tablette au lait

La livrée brun caramel différencie clairement la variante lactée. Le nez est sans reliefs, à peine chocolaté. La casse est étonnement sonore, tout comme le croquant. En bouche, la texture sèche et friable donne le ton avant de laisser place aux notes de biscuits secs et de noisette. De même, la longueur reprend ce motif avant de se dissiper rapidement. Heureusement serait-on tenté de dire.

Procope de Desplanches, un bean-to-bar comme un autre ?

Les conditions de stockage à l’intérieur de la boutique ont clairement eu une influence sur les tablettes. En effet, trois sur six présentaient des signes de blanchiment une fois déballées. Un constat d’autant plus inquiétant que j’ai acheté ces chocolats hors période estivale. Si l’impact gustatif de ce blanchiment n’est pas nul, la qualité du travail de fond laisse malgré tout à désirer. En effet, je goûte des chocolats ayant soufferts de mauvaises conditions de transport, mais la qualité du travail reste parfaitement identifiable.

Dans le cas présent, la torréfaction du cacao est approximative. Un constat d’autant plus décevant que Procope est l’enfant de Desplanches, un chocolatier établi. De plus, de nombreux entrepreneurs chocolatiers sans bagage se montrent plus assidus dès leurs débuts. De même, la démarche souffre d’un autre travers : vouloir recréer les standards du chocolat de couverture. C’est pourquoi, le caractère des petits lots de cacao ne se retrouve pas dans cette approche.

Finalement, l’écueil gustatif sur lequel Procope bute est particulièrement frustrant en raison de la démarche initiale. En effet, la boutique dispose d’un bon service et met en avant le travail avec un laboratoire visible. Mieux, un système de QR-code sur les tablettes permet de retracer l’origine des ingrédients. Même si la plateforme est peu intuitive, l’approche d’ouvrir la traçabilité des ingrédients est à saluer.

La note du sommelier
Faut-il partager un avis négatif ? C'est la question que je me suis longuement posée face à ces chocolats. Si j'ai décidé de passer outre mes réticences, c'est pour plusieurs raisons. Malgré un message à l'entreprise pour leur signaler le problème, je n'ai reçu aucun réponse. Procope existe maintenant depuis quelques temps, les erreurs de jeunesse auraient pu, dû être corrigées dans l'intervalle. Finalement, ce beanto-bar venant d'un chocolatier établi, ces faux pas cumulés sont vraiment décevants et ternissent l'image des autres artisans s'engageant dans cette démarche. C'est pourquoi je préfère avertir les clients et espère surtout pouvoir changer d'avis sur Procope dans le futur !

Chocolat Dubaï ? Les cubes de Taucherli

Chocolat Dubaï par Taucherli

Chocolat de Dubaï, impossible de ne pas en avoir entendu parler sur les médias sociaux ou dans les médias. Création devenue virale, la tablette originale n’est proposée en quantité limitée qu’à Dubaï à un prix qui semble surfait. Le tout avec une esthétique qui assure la curiosité : une tablette d’apparence normale qui laisse s’écouler un magma vert lorsqu’on la casse. Il n’en fallait pas moins pour que le phénomène soit repris. Et à chaque fois, c’est la même histoire : rupture de stock en quelques heures du fameux chocolat Dubaï.

Mais, au-delà de la folie collective, le chocolat Dubaï est-il réellement intéressant gustativement ? Réponse…

Chocolat Dubaï par Taucherli
Chocolat Dubaï par Taucherli. Quatre cubes gourmands totalisant près de 150g de plaisir.

Notes de dégustation des Dubai Cubes Crazy Mixes par Taucherli

Les cubes aux proportion généreuses sont couleur chocolat au lait et bigarrés de zébrures vert menthe et jaune poussin. Le nez typique des chocolats au lait distille des notes de caramel et de biscuit. L’intérieur se distingue par son vert pistache fluorescent. Vu les proportions, parler de casse est illusoire. On ne peut guère que les couper ou, mieux, croquer dedans. En bouche, c’est le croustillant qui ouvre le bal. Les notes de sésame suivent rapidement avant que la pistache n’entre en scène. Finalement, c’est le chocolat qui parachève le tout en restant dan le registre gourmand avec sa touche lactée. La longueur garde cette impression d’orient soulignée par la pointe de lait typiquement suisse.

Bien que régressif à souhait, étonnement, le tout ne sature pas en gras et en sucre – probablement grâce au jeu des textures – et réussit même à créer un équilibre étonnement ciselé en termes de saveurs. Bravo !

Le petit plus : Partagez cette gourmandise. Les réactions – tant émerveillées que dégoûtées – à ce chocolat font véritablement partie de l’expérience.

Chocolat Dubaï, un intérieur pistache sésame croustillant.
Chocolat Dubaï, un intérieur pistache sésame croustillant. Moins coulant que l’original, l’expérience est encore plus régressive lorsque l’on croque dedans.

« On ne voulait pas faire de chocolat Dubaï »

Comme de nombre d’amateurs de bon chocolat, les responsables de Taucherli à Zurich ne voulaient pas suivre la mode, préférant rester à leurs propres créations. Toutefois, à force de demandes, avec un brin de curiosité, ils ont décidé de faire quelques tests. Les Dubai Cubes étaient nés. Proposés en série limitée – pour l’instant ? –, ces chocolats sont une ode à la gourmandise, mais aussi une interprétation probablement plus raffinée.

Bien que leur prix soit similaire à celui du chocolat Dubaï original, il se situe dans la moyenne des chocolats bean-to-bar. En outre, la qualité des ingrédients joue aussi un rôle et les bonnes pistaches se payent au prix cher. Artisanat oblige, les « cubes » sont réalisés à la main.

Au-delà de la tendance, le succès de ce genre de création s’explique également du fait que les aliments alliant composés sucrés et gras constituent une addiction naturelle. En effet, nos cerveaux réagissent positivement à ces sources d’énergie. Alors pourquoi lutter ? Laissez-vous tenter par le chocolat Dubaï made in Taucherli… tant qu’il y en a !

La note du sommelier
N'ayant envie ni d'aller à Dubaï pour goûter ce chocolat, ni de m'infliger les créations commerciales insipides de Lindt et consorts, je pensais rester à l'écart de cette frénésie. Mais à force de sollicitations de la part de lecteurs et ayant entendu que Taucherli allait proposer une interprétation bean-to-bar, je me suis laissé tenté... Après avoir goûté, aurais-je été jusqu'à Dubaï ? Certainement, non. Est-ce que je recommanderais aux curieux de commander la variante zurichoise ? Définitivement, oui.

Chocolat au lait au cannelé par La Fèverie à Bordeaux en France

Chocolat au cannelé de La Fèverie
  • Fèves : hybride de trinitario
  • Producteurs de cacao : Fazenda Camboa
  • Origine : région de Bahia au Brésil
  • Récolte : inconnue
  • Pourcentage : 55%
  • Inclusions : lait demi-écrémé en poudre, cannelé et lécithine de tournesol

Notes de dégustation du chocolat au lait au cannelé par La Fèverie

Entre le caramel et le mordoré, la robe annonce déjà le caractère gourmand. Le nez y ajoute une impression lactée et de gâteau fraîchement sorti du four. La casse est friable et le croquant agréable. En bouche, c’est la texture granuleuse qui indique le caractère atypique de cette tablette. Des notes cacaotées et de caramel très gourmandes se déploient alors que le chocolat fond vite, très vite. Si le cannelé semble poindre au milieu de ces saveurs, c’est en finale qu’il se révèle de façon cristalline, tout en jouant sur la vanille. Finalement, la longueur glisse lentement du cannelé pour revenir vers le cacao de caractère, tout en gardant la trame gourmande de l’ensemble. L’équilibre dynamique de la composition est particulièrement intéressant.

Le petit plus : Restez dans le Bordelais et le gourmand, accordez ce chocolat avec un Sauternes encore jeune.

Chocolat au cannelé de La Fèverie
Le chocolat au lait et au cannelé de La Fèverie. Avouez que ça en jette.

Le cannelé et le lait (rime avec le bon accent)

L’icône sucrée qu’est le cannelé et le chocolat de La Fèverie, une rencontre orchestrée par la chocolatière en cheffe Hasnaâ. Une création qui résume bien les 10 ans de cette adresse parmi les pionniers du bean-to-bar en France. Des premiers chocolats grands crus aux tablettes et ganaches plus gourmandes, la marque reste ancrée dans le terroir.

Ainsi, la chocolaterie se démarque également par des ganaches aux vins de la région. Un exercice créatif difficile, tant les caractères du chocolat et du vin peuvent s’avérer trop fougueux pour maintenir l’équilibre du mariage. Mais maîtrisée, cette approche au plus près des produits permet de se démarquer. Et tant mieux. Dans le cas du cannelé, le chocolat garde son identité en y liant la gourmandise du gâteau bordelais.

Si le choix d’un chocolat au lait apporte le bon équilibre, il est intéressant de noter que la Brigaderie de Paris transforme les mêmes fèves de cacao pour réinterpréter un plat brésilien, mais en les déclinant en chocolat noir.

La note du sommelier
Incorporer une "recette" complète dans un chocolat est toujours un défi. Car si les goûts peuvent à priori se marier, le fait de déconstruire la pâtisserie ou le plat revient à transporter le goûteur dans un autre univers, sans repères. Si l'exercice est généralement synonyme de succès commercial, ce n'est pas toujours le cas en termes gustatif. Pourtant, dans ce cas, je n'ai pas boudé mon plaisir. La gourmandise du cannelé est bien présente, avec ses accents caramélisés, tout en étant renforcée par celle du chocolat. Joli.

Feijoada par La Brigaderie de Paris en France

Chocolat Feijoada par la Brigaderie de Paris
  • Fèves : hybrides de Trinitario
  • Producteurs de cacao : Fazenda Camboa
  • Origine : Etat de Bahia au Brésil
  • Récolte : 2020
  • Pourcentage : 70%
  • Torréfaction : courte
  • Inclusions : haricots noirs, riz soufflé, noix de coco fumée, oranges confites

Notes de dégustation du chocolat Feijoada de la Brigaderie de Paris

La robe brune présente des accents acajou. Le nez est désorienté par la richesse des sensations des inclusions serties dans cette tablette. La casse est sonore, le croquant incertain avec la présence des inclusions. En bouche, l’explosion de saveurs ne se fait pas attendre et les multiples textures ajoutent à la découverte. A la richesse gustative des ingrédients, le cacao du chocolat apporte une trame faite de notes de réglisse et d’épices. Un délice qui faute de repères évoque un sentiment de biscuits de Noël. Finalement, la longueur laisse une impression égale à celle de la dégustation, d’une grande richesse.

Le petit plus : Mâchonnez ce chocolat, jouez avec en bouche et oubliez qu’il s’agît de chocolat. Si vraiment, accompagnez le d’un verre de rouge, de ceux qu’on ouvre pour les fêtes.

Chocolat Feijoada par la Brigaderie de Paris
Chocolat Feijoada par la Brigaderie de Paris, des ingrédients symboles de la gastronomie brésilienne sertis dans une tablette.

Le chocolat, ce représentant de la tradition gastronomique

Les créations de La Brigaderie de Paris vont des chocolats noirs aux notes ciselées aux créations originales comme le chocolat blond aux épices d’Amazonie. Le point commun de ces explorations gustatives est sans l’ombre d’un doute le terroir brésilien. Que ce soit pour exprimer les arômes des fèves de chaque région ou pour incorporer la tradition gastronomique du pays. Ce Feijoada de la Brigaderie de Paris ne fait pas exception.

Mais au fait, qu’est-ce que la feijoada ? C’est un repas populaire à base de… haricots ! Certes, sa variante brésilienne est souvent aigre-douce, car accompagnée d’oranges, mais le fait de décliner ce plat en chocolat peut surprendre. D’autant que tout y est ou presque : haricots, riz – soufflé pour l’occasion –, oranges confites, noix de coco fumée. Ne manque que la viande. Le tour de force est d’utiliser cette base pour la sublimer en une création nouvelle, inattendue.

L’audace paie, car cette tablette a reçu une médaille d’argent européenne lors des International Chocolate Awards de 2021. Une belle performance pour un chocolat inspiré d’un plat carné !

La note du sommelier
Ayant déjà goûté du chocolat à la viande, je m'attendais à tout. Pourtant, cette interprétation m'a surpris. L'idée de "remplacer" la viande et son côté umami par la coco fumée et le chocolat, qui apportent leur propre caractère et substance, tout en jouant sur la dimension sucrée-salée, est aussi audacieux que réussi. Cet exercice illustre, une fois encore, à quel point le fait de puiser dans ses racines, quitte à s'éloigner des tendances, permet de réaliser des accords aussi innovants que réussis.