Chocolat au lait ou aux laits ?

Lait versé

Quasi érigé en symbole national, le chocolat au lait semble couler une existence douce et immuable dans les Alpes suisses. Pourtant, à y regarder de plus près, il semblerait que lui aussi réponde aux sirènes du monde moderne. Qu’en est-il, faut-il désormais utiliser le pluriel et parler de chocolat aux laits ? Tour d’horizon des dernières tendances et de ce qui mérite l’attention ou, au contraire, n’est qu’un argument de vente.

Qu’est-ce que le chocolat au lait ?

Légalement, en Suisse et en Europe, pour être dit au lait, un chocolat doit contenir au minimum 20% de cacao et 20% de lait en poudre. Il reste pas mal de marge pour y ajouter sucre, lécithines végétales moins chères que le beurre de cacao, etc. Cette définition signifie également qu’il n’y pas de règle spécifique pour définir un chocolat dit dark milk ou rubis. De même, nul besoin de se cantonner au lait de vache.

Historiquement et culturellement, il est intéressant de souligner le fort lien entre le chocolat au lait et la Suisse. En effet, c’est Daniel Peter, qui en 1875 crée la première recette de chocolat au lait sur les rives du lac Léman. Cette première variante utilise du lait… condensé. Ce n’est qu’une dizaine d’année plus tard, à force d’expérimentations, qu’il met au point le chocolat avec du lait en poudre. Le succès est au rendez-vous. Le chocolat suisse entre dans la légende pour son fondant et sa douceur.

Le premier chocolat au lait créé par Daniel Peter
Le premier chocolat au lait a été créé à Vevey au bord du Léman par Daniel Peter. Crédit : Archives historiques Nestlé.

Aujourd’hui encore, le chocolat helvétique est fortement influencé par cette conception très douce du chocolat. Ainsi, même décliné en noir, il se doit d’être fondant. Une typicité qui lui vaut d’être souvent riche en beurre de cacao. A noter également en 1879, l’invention en Suisse du conchage qui permet de renforcer ces caractéristiques en lien avec la texture.

Il n’y a pas que la vache

Si l’histoire semble gravée dans le marbre, heureusement la créativité des chocolatiers n’a pas disparu. Avec le renouveau du chocolat artisanal des années 2000, il faut aussi revisiter et valoriser les best-seller au lait. Toutefois, il faudra attendre les années 2010 pour que le chocolat au lait devienne un sujet d’expérimentation digne de ce nom. Fort de sa suissitude, le couverturier Felchlin lance un chocolat au lait d’alpage produit dans la biosphère UNESCO de l’Entlebuch au cœur des Alpes. Ode à la qualité des ingrédients et au savoir-faire, ce chocolat n’apporte pas grand chose en terme d’innovation gustative.

Plus aventurier, d’autres tenteront de se départir du lait de vache. Apparaissent ainsi des tablettes au lait d’ânesse, mais aussi de brebis ou de chèvre. Le virage est entamé. Gustativement, l’impact est sensible et le jeu devient intéressant. Souvent, les chocolatiers bean-to-bar réalisent les meilleurs essais en valorisant le cacao grâce à ces nouveaux ingrédients. Ces mêmes chocolatiers mettent plus volontiers en avant le goût. Chez d’autres, il n’est pas rare de voir des arguments de vente tel que « lait plus digeste, plus nutritif, plus proche du lait maternel »…

La course à l’originalité bat son plein, avec l’imagination pour seule limite. Tant mieux. A ce jeu, certains n’hésitent pas à passer outre les frontières. Pourquoi se borner au lait quand la gamme des produits lactés est plus large. Passionné, Samuel Romagné avait lors de son aventure bean-to-bar chez Canonica testé le chocolat au yaourt. Une réussite aussi audacieuse qu’originale. Chez Naive, c’est carrément le kéfir. Le défi reste souvent lié au fait de trouver des produits lactés différents et utilisables. Au niveau industriel, Villars, avec sa récente collection de chocolat au lait provenant de différents cantons suisses a les moyens pour structurer son approvisionnement.

Chocolat au lait végan, voire artificiel

Si les autres laits animaux ont rapidement conquis les producteurs classiques, c’est outre-Atlantique qu’à démarré la frénésie des laits dits végétaux. Porté par les consommateurs intolérants au lactose, le mouvement a ensuite essaimé grâce au véganisme. Les premiers essais se sont souvent avérés peu intéressants gustativement. Une fois de plus, lorsque les artisans bean-to-bar s’approprient ces produits, la démarche devient intéressante.

Chocolats au lait d'avoine, de chèvre et au kéfir par Qantu et Naive
Chocolats au lait d’avoine, de chèvre et au kéfir par Qantu et Naive vs lait traditionnel. Pour lequel optez-vous ?

Laits d’amande, d’avoine, de coco, de soja ont tous un profil gustatif différent. Comme toute inclusion dans le chocolat, ils peuvent révéler de belles surprises. A mon sens, le principal défi réside dans la filiation avec le lait classique. Si le consommateur recherche un succédané à son expérience habituelle, il sera déçu. En revanche, en abordant ces produits comme une autre création, l’expérience devient réellement intéressante.

D’un point de vue industriel, face aux coûts environnementaux de la production de masse du lait, les ingénieurs mettent au point du lait produit in vitro. Du fait de la standardisation lors de la pasteurisation et du mélange entre différentes fermes, il est fort probable que la différence entre lait naturel et artificiel, soit facile à percevoir pour le consommateur. Dès lors, réduit en poudre pour fabriquer du chocolat au lait, ce succédané pourrait tout à fait s’avérer être une alternative bienvenue pour une production de masse. Reste à savoir s’il restera alors encore du cacao pour l’industrie du chocolat…

Crédit photo principale : freepik

Chocolat Betulia par Taucherli de Zurich en Suisse

Chocolat Betulia par Taucherli de Zurich
  • Fèves : criollos indigènes
  • Producteur de cacao : Cacao Betulia
  • Origine : Hacienda Betulia, département d’Antioquia au nord de la Colombie
  • Pourcentages : 70% (B6) et 80% (B9)
  • Torréfaction : 23 minutes
  • Conchage : 72h (B6) et 80h (B9)
  • Millésime : 2019

Notes de dégustation du chocolat Betulia B6 de Taucherli

La robe claire et lumineuse oscille entre l’acajou et le bronze. Le nez intense diffuse des notes de noisette et de chocolat avec une impression d’umami. La casse est sourde et le croquant net. En bouche, des saveurs boisées et de noix vertes se mêlent à quelque chose qui tire vers le cacao en poudre et le beurre ou le yaourt. La texture a quelque chose de mou, presque friable qui va ensuite vers le fondant, tout en jouant sur des notes épicées. Étrange synesthésie de la texture et du goût. La longueur est ample, longue et ressemble à un écho de cette impression de noix, tapissant la bouche. Un chocolat fin qui renferme un peu de nostalgie régressive du chocolat aux noisettes.

Notes de dégustation du chocolat Betulia B9 de Taucherli

A peine plus foncée malgré son pourcentage plus élevé, la robe reste claire. En revanche, elle tire sur le marron et semble un peu plus mate. Le nez est tout aussi intense et avec des accents plus fruités et épicés. La casse est plus fluette, mais le croquant plus sonore. En bouche, ce sont les sensations épicées qui frappent en premier avec des notes de poivre vert, de clou de girofle et noix de muscade. Seulement ensuite vient le fruité : ananas séché, fruits rouges. Le tout avec une sensation légèrement astringente, sans toutefois verser dans l’acide. En finale, reste une légère sensation de café. La longueur est intense, astringente et élégante. Un chocolat racé.

Le petit plus : Essayez tour à tour le B6 avec un morceau de brioche, puis avec une gorgée de gamay élevé en barrique. La transfiguration est fulgurante.

Chocolat Betulia par Taucherli de Zurich
Respectivement à 70% et 80%, ces tablettes de chocolat Betulia de Taucherli ont une robe très similaire.

Un produit de Colombie très… suisse

En plus d’être fabriqué par Taucherli, un des pionniers du bean-to-bar helvétique, ces chocolats ont la particularité d’être réalisés avec du cacao provenant d’une ferme gérée par une famille suisso-colombienne, Hacienda Betulia. En plus de la connexion facilitée entre le producteur de cacao et de chocolat, cette caractéristique se retrouve dans le cacao. La production semble réglée comme une horloge suisse.

Outre leur côté inclassable, les tablettes de Betulia m’ont toujours beaucoup intéressé pour leurs variations subtiles d’un millésime à l’autre et leur robe unique. S’il fallait émettre une critique, ce serait celle de proposer plus de variations en terme de travail du cacao, par exemple avec un temps de conchage plus court ou une torréfaction plus longue à plus basse température. Mais c’est là le choix et la signature du chocolatier. Et elle fonctionne très bien.

Qu’est-ce que le chocolat à la taza ?

Chocolat à la taza avec des churros

La plupart d’entre nous haussons un sourcil à cette question. Les plus explorateurs vous diront avoir déjà goûté des chocolats Taza. Oui, la marque aux accents mexicains, mais qui est en réalité américaine. Sauf que non, il n’est pas question de ce producteur. Je veux parler de chocolat à la taza, avec une emphase particulière sur le « à la ».

Tradition de l’ancien monde

Les hispanophones auront sans doute traduit taza en tasse, ce qui lève d’ores et déjà un peu du voile. Il s’agît donc de chocolat en tasse. Si vous avez déjà pris votre petit déjeuner en Espagne, il s’agît de la même tasse de chocolat épais dans laquelle il est d’usage de tremper ses churros.

Outre son côté délicieusement régressif, cette tradition du chocolat épais en tasse est un héritage historique. En effet, avant d’être transformé en tablette par l’Anglais Francis Fry en 1847, le chocolat était d’abord consommé sous forme liquide. On se préparait alors un chocolat dans une chocolatière. Un plaisir qui se perd et dont subsiste un vague écho sous la forme du chocolat chaud. De même, aussi rares soient-ils les salons de chocolat n’offrent rien du panache institutionnel des churrerías espagnoles.

Chocolat chaud et sa chocolatière
Si bon soit-il, le chocolat chaud de « Terre de fèves » et sa chocolatière ne représentent pas le chocolat à la taza.

En outre, le chocolat chaud ne doit pas être confondu avec le fameux taza. Si le chocolat chaud se décline sous diverses formes et que sa principale polémique vient du fait de savoir s’il doit être préparé avec du lait ou de l’eau, il n’a rien à voir en terme de consistance. Le chocolat à la taza se doit d’être bien plus épais et sans mousse.

Une norme légale pour le chocolat à la taza

Les aspects culturels de cette façon de consommer le chocolat vont au-delà de la curiosité et du débat entre gourmets. Une norme existe même pour décrire ce chocolat. Tout comme le pourcentage légal d’un chocolat, la définition du chocolat à la taza provient de l’Union européenne et a donc aussi cours en Suisse. Adoptée en 2000, la directive stipule :

Chocolate a la taza

Désigne le produit obtenu à partir de produits de cacao, de sucres et de farine ou d’amidon de blé, de riz ou de maïs contenant pas moins de 35 % de matière sèche totale de cacao, dont pas moins de 18 % de beurre de cacao et pas moins de 14 % de cacao sec dégraissé et pas plus de 8 % de farine ou d’amidon.

Directive 2000/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2000 relative aux produits de cacao et de chocolat destinés à l’alimentation humaine

Si les recettes traditionnelles semblent s’accorder sur l’usage de fécule ou amidon de maïs, un autre héritage du Nouveau Monde rapporté par les Espagnols, le législateur européen permet l’usage du blé et du riz pour épaissir le mélange. A noter également qu’il est aussi nécessaire d’utiliser du cacao maigre et du sucre. En revanche, rien quant à l’ajout de lait ou d’eau pour le servir dans sa tasse.

Chocolat à la taza industriel
Chocolat à la taza espagnol produit de façon industrielle.

Au-delà des définitions, ce qui fait la qualité d’un chocolate a la taza, ce sont ses ingrédients. Moins de sucre, un soupçon d’épaississant de maïs et surtout un chocolat de qualité. Accompagné d’un verre d’eau et en bonne compagnie, aucun doute quant au bien-fondé de cette tradition ibérique.

Crédit photo principale : Oscar Nord

Noir Équateur 86% par BTB Chocolate de Narzym en Pologne

Tablette d'Equateur par BTB Chocolate en Pologne
  • Fèves : nacional arriba équatoriennes
  • Producteur de cacao : non-mentionné
  • Origine : Équateur
  • Pourcentage : 86%

Notes de dégustation du noir d’Équateur 86% de BTB Chocolate en Pologne

La robe brun foncé est brillante et a des accents cachou. Les carrés généreux et bombés jouent avec la lumière avec élégance. Le nez est intense avec des notes de noix de coco grillée. La casse est ample et grave, le croquant cassant. En bouche, la fondant soyeux et les notes torréfiées subtiles se mêlent. Des notes de cacao, de noix de coco grillées, de grué cascadent, suivies par une impression légèrement acidulée hésitant entre le fruit et le vert. La texture très soyeuse enveloppe la bouche sans en faire trop. La forte teneur en cacao est perceptible, mais la puissance parfaitement maîtrisée. La longueur est belle, racée, interminable.

Le petit plus : Si elle se marie certainement avec quantité de produits nobles, allant des grands whiskys aux cafés d’Éthiopie, cette création de BTB Chocolate en Pologne se suffit à elle-même. Prenez le temps et profitez.

Tablette d'Equateur par BTB Chocolate en Pologne
La tablette d’Equateur par BTB Chocolate en Pologne est… simplement efficace !

Au milieu de nulle part, l’habit ne fait pas le moine

Si la géographie polonaise n’est pas connue de tous, je peux prétendre avoir quelques bases grâce à mes origines. Toutefois, avec BTB Chocolate situé à Narzym, j’ai vite dû m’avouer perdu. Ainsi, avec moins de 1’500 habitants, ce village situé entre Varsovie et la Baltique ne paye pas de mine. Pire, le producteur n’a pas de site internet, ne vend que sur une plateforme de commerce en ligne polonaise et communique surtout via Instagram… Pour couronner le tout, l’emballage est d’une simplicité presque déconcertante et le logo peu à propos. Peut-on faire pire pour décourager le client ?

Et pourtant…

Si l’œil est déjà flatté par la robe et les carrés de cette tablette, le nez et les papilles prennent une claque. Et on en redemande ! Rarement, 100 grammes de chocolat aussi intense m’ont autant fait les yeux doux. Une envie insatiable de se perdre dans l’ampleur gustative. Ce chocolat semble n’être réalisé que pour la satisfaction d’un travail parfaitement accompli sans aucune autre considération.

Narzym Pologne BTB Chocolate
Quand je vous dis que Narzym est au milieu de nulle part… Crédit : Google
La note du sommelier
Outre les apparences, c'est peut-être et aussi surtout l'absence totale d'informations sur le travail, l'origine des fèves et le talent qui se cache derrière ce chocolat qui frustre. A l'instar d'un éditeur recevant un manuscrit extraordinaire mais anonyme, le sentiment est désemparant. Mais c'est aussi ce qui fait le bonheur du travail de sommelier en chocolat.
Après enquête, il semblerait que la production de Jakub, je n'en dirais pas plus, soit très maison — torréfaction au four, broyage à la main, tempérage à l'ancienne ! —, ce qui laisse d'autant plus rêveur quant à la qualité du travail réalisé...

Merci à Joanna d’avoir insisté pour me faire découvrir ce chocolat.

Chocolat cru, qu’est-ce que c’est ?

Chocolat cru aussi appelé raw

Appelé aussi raw, le chocolat cru est un produit tendance. Cuisiner cru, sans cuire les aliment serait meilleur pour la santé et exacerberait le goût des produits. Le chocolat n’échappe pas à cette mode. Mais d’où vient cette appétence pour le cru ?

La cuisine crue ou brute — le terme anglais de raw a une connotation plus large que juste non-cuit — est une réponse à la cuisine moléculaire, qui a fait florès au tournant du millénaire. Venu de Scandinavie au début des années 2010, l’appel au cru a accompagné celui d’une une nourriture plus responsable et locale.

A l’époque plus développé qu’en Europe, le chocolat bean-to-bar américain n’a alors pas raté le coche. L’archétype de cette approche du chocolat cru est la marque Raaka. Fondée en 2010 à New-York, la manufacture base toute sa production sur ce principe. En Europe, le mouvement sera repris en partie, par exemple à Berlin par Belyzium, mais avec un marché moindre.

Le chocolat cru est-il vraiment cru ?

Au sens strict du terme, non. En effet, une fois récoltées et sorties de la cabosse de cacao, les fèves de cacao sont fermentées durant plusieurs jours. Lors de ce processus, la température monte entre 40 et 50°C. La fermentation donne ses saveurs à la fève. Sans elle, pas de cacao et de chocolat.

Fèves de cacao mises à fermenter dans une caisse en bois.
Fèves de cacao mises à fermenter dans une caisse en bois. Crédit : USAID U.S. Agency for International Development

Dans un deuxième temps, les fèves sèchent au soleil. Le but est de faire évaporer l’humidité contenue dans les fèves pour ne laisser qu’un résidu de 5 à 7%. Cette étape permet d’obtenir un produit moins susceptible à la moisissure et ainsi plus facile à transporter et stocker.

Si on ne peut parler de réelle cuisson, il est difficile de dire que les fèves de cacao n’ont subi aucune altération chimique par la chaleur. De même, le sucre contenu dans nombre de tablettes labellisées crues nécessite une cuisson à ébullition. A ce titre, je trouve donc abusif de parler de chocolat cru ou raw.

Le chocolat non-torréfié

Si le chocolat est souvent qualifié de cru, c’est par abus de langage, pour parler de chocolat non-torréfié. Encore trop souvent, la fabrication du chocolat omet l’importance de la récolte et de la fermentation du cacao. Ainsi, on ne se concentre que sur l’étape de la torréfaction… effectuée dans les pays consommateurs de chocolat. Dommage.

Contrôle des fèves de cacao dans un torréfacteur.
Prélèvement et contrôle d’un échantillon de fèves de cacao en train d’être torréfiées chez Notes de fève.

Si la torréfaction permet d’abaisser encore plus le taux d’humidité du cacao, elle renforce aussi le goût du cacao. Ainsi, fabriqué à partir des mêmes fèves, un chocolat non-torréfié différera sensiblement de son homologue classique d’un point de vue gustatif. Il exprimera plus de saveurs fines et sera généralement moins long en bouche. L’intérêt de cette approche réside surtout au niveau du goût. Sélection des fèves, qualité de celles-ci, équilibre entre cacao et sucre, le travail de fabrication du chocolat demande encore plus de soin lorsque les fèves ne sont pas torréfiées.

Parfois, la frontière entre torréfié et non-torréfié devient floue. En effet, avec l’arrivée sur le marché de fèves de plus en plus subtiles en termes de saveurs, les manufactures travaillent la torréfaction de plus en plus finement. Le but est de faire ressortir tout le bouquet sans que celui-ci ne soit noyé dans l’intensité du cacao. Les torréfactions légères, c’est-à-dire à plus basse température deviennent de plus en plus monnaie courante. Lorsque la torréfaction passe sous la barre des 100°C, les définitions commencent à se brouiller.

Du sucre brut : A Genève, la manufacture Orfève a développé une gamme de chocolat appelés "brut de noir". Ces tablettes contiennent du sucre grossièrement broyé pour en conserver la texture. Une autre approche "brutale" qui réveille les papilles et joue avec les sensations.

Et la pasteurisation ?

Les chocolatiers industriels ne s’embarrassent que rarement de trouver le profil de torréfaction idéal. Le but principal est généralement de supprimer toute trace de germes et de champignons. C’est pourquoi les producteurs pasteurisent les fèves de cacao en les chauffants brièvement à plusieurs centaines de degrés. Cette démarche permet aussi d’uniformiser, pour ne pas dire brûler, les différentes qualités, types et origines de cacao. Le chocolat devient alors un produit standardisé.

Chocolat cru, est-il meilleur pour la santé ?

Au-delà du goût, l’argument de la santé revient souvent à propos des produits crus. Le chocolat cru, ou plutôt non-torréfié, est-il plus sain ? De par sa température, une torréfaction intense pourra dégrader une partie des molécules qui composent les anti-oxydants. Mais une torréfaction classique pourrait même améliorer leurs effets. A ce titre, « cru » ou non, le chocolat conserverait ses vertus.

La véritable question est plutôt de savoir si les chocolats et leurs anti-oxydants ont un réel impact sur notre santé. La plupart des études qui vantent des effets positifs sont discutables : soit anciennes, soit financées par des industries en besoin d’arguments de vente… Une fois encore, il faut plutôt chercher les bienfaits du chocolat dans la consommation de produits de qualité et dans le cadre d’une alimentation équilibrée.

En conclusion, le chocolat cru n’est pas une panacée ! Il faut plutôt y voir une approche gustative et culinaire qui démontre l’incroyable versatilité de ce produit. A titre personnel, j’ai beaucoup apprécié certains chocolats non-torréfiés pour les émotions très brutes qu’ils procurent. Un sentiment de chocolat sauvage.

Chocolats Single Origin par Auro de Calamba aux Philippines

Chocolats single origin par Auro des Philippines: Paquibato, Saloy et Mana.
  • Fèves : variétés locales (hybrides de trinitario pour le Paquibato, hybride de criollo pour le Saloy et assemblage pour le Mana)
  • Producteurs de cacao : non-mentionnés
  • Origine : île de Mindanao au sud-est des Philippines
  • Pourcentages : 70%, sauf le Mana à 85%
  • Millésimes : 2020, sauf le Mana inconnu

Notes de dégustation du chocolats Single Origin Paquibato par Auro

Brune, la robe est plutôt sombre et matte. Au nez, les notes cacaotées se mêlent au touches fruitées et de noix. La casse est claire, le croquant franc. En bouche, la texture soyeuse étonne par sa douceur. Suivent des notes atypiques de miel de forêt, de noix de macadamia et de Grenoble bien sèches. Un je ne sais quoi de floral, tirant sur le chèvrefeuille, lie le tout en filigrane. La longueur est suave et tapisse toute la bouche en tendant vers des notes plus boisées et lactées. La texture atypique renforce le caractère de cette tablette aussi dérangeante que tentante.

Chocolats single origin par Auro des Philippines: Paquibato, Saloy et Mana.
Les emballages des chocolats single origin par Auro sont particulièrement flatteurs.

Notes de dégustation du chocolats Single Origin Saloy par Auro

La robe marron a des accents chaud, tendant vers l’acajou. Les notes chocolatées et gourmandes dominent le nez. La casse est franche, le croquant franc. Sur la langue, c’est à nouveau la texture qui donne le ton. Fondante, mais avec plus de corps, presque parfois friable, elle libère petit à petit une impression de mélasse et d’épices. Viennent ensuite des sensations de fruits mêlant cerise et bergamote. Le tout rayonne un sentiment de gourmandise. La longueur assez courte semble se fondre dans la bouche en laissant flotter un sentiment de cacao presque sucré-salé.

Notes de dégustation du chocolats Single Origin Mana par Auro

Bien qu’avec plus de cacao, la robe de cette tablette se pare d’un joli marron aux reflets bistre. Le nez trahi un peu plus de l’intensité avec des notes astringentes de grué. La casse tire vers l’aigu le temps d’un bref claquement. Le croquant est sonore et cassant. Sur les papilles, c’est à nouveau l’intensité qui donne le ton, rappelant presque un rhum brut. Des notes plus fines de pommes verte et de cajou se faufilent ensuite. La texture est prenante, mais équilibrée avec le goût. La longueur est belle et laisse des notes de tarte aux pommes, tout en assagissant l’astringence. Une puissance parfaitement dosée.

Le petit plus : Prenez le temps de goûter les trois chocolats à la suite en faisant une pause généreuse entre chacun d’entre eux. Vous ferez ainsi le voyage jusqu’à Mindanao en totale immersion sensorielle. Lequel préférez-vous ?

Chocolats single origin par Auro des Philippines: Paquibato, Saloy et Mana.
Paquibato, Saloy et Mana. Trois chocolats single origin réalisés par Auro aux Philippines.

Une autre culture gustative du chocolat

Ces chocolats single origin par Auro illustrent à merveille l’intérêt de goûter des tablettes différentes, c’est-à-dire non-européennes. Le chocolat est travaillé de sorte à exprimer le potentiel du cacao, tout en présentant un profil gustatif différent. Le résultat surprend de par son équilibre et son absence d’amertume. De même, la texture joue un rôle prépondérant dans l’appréciation des saveurs. L’exercice est d’autant plus exigeant que la mémoire doit puiser dans d’autres registres pour identifier les notes. La roue des saveurs est particulièrement utile.

Un reproche ? Peut-être un moulage légèrement brouillon, alors que le moule et ses motifs, ainsi que le design de l’emballage aux accents premium sont magnifiques.

La note du sommelier
Ces chocolats ont particulièrement sollicités ma mémoire sensorielle. Ils m'ont rappelé les chocolats aux textures poisseuses et lourdes des pays de l'Est de mon enfance. Pourtant, leur profil aromatique riche et équilibré est aux antipodes de ces chocolats d'antan. Leur texture est bien plus subtile et riche. Mes sens se sont retrouvés tiraillés entre ces deux mondes, peinant à trouver leurs marques. La dégustation qui en a résulté m'a procuré un grand plaisir. Plus demandante qu'à l'accoutumée.

Pourcentage de cacao du chocolat, que dit la réglementation ?

Pourcentage de cacao du chocolat

Quel produit peut être appelé chocolat ? Quelle est le pourcentage de cacao légal du chocolat ? Pour répondre à ces questions, il faut se pencher sur la composition des tablettes. Mais attention, celle-ci varie énormément d’un type de chocolat à l’autre. Sortez vos codices et vos tablettes ! Tour d’horizon différent pour comprendre ce qui se cache derrière un marché lucratif qui éclipse les producteurs à la recherche de goût et d’éthique.

Pourcentage légal du chocolat noir… aux noisettes, crémant, etc.

En Suisse, « pays du chocolat », la loi est plutôt floue. La législation helvétique ne prescrit pas grand chose à part ce qui peut être appelé chocolat. La règle est alors qu’il contienne au moins 35% de cacao. Pour le reste peu importe. Il peut être appelé noir, extra-noir, noir intense, crémant, de cuisine, inclure des noisettes, des amandes ou tout autre chose comestible autorisée. Cette définition est un legs de la réglementation européenne en la matière. A noter qu’il n’y a pas de prescription sur le pourcentage maximal.

Attention, il est encore possible de descendre en dessous de cette limite de 35%. Il suffit de ne pas indiquer que l’on vend du chocolat, mais un produit au chocolat. Si cela semble logique pour une barre chocolatée, cela laisse de la marge pour un produit sous forme de tablette généreusement fourrée à tout autre chose. Le chocolat doit alors constituer au moins 10% de la masse, c’est-à-dire pas grand chose…

L’image d’Épinal véhiculée par la notion de qualité suisse en prend un coup. Ainsi la faîtière Chocosuisse « œuvre donc pour une harmonisation aussi grande que possible des réglementations. » Dans les faits, souvent à force de lobbying à Bruxelles, cela signifie niveler le socle commun vers le bas. On repassera pour la qualité et l’éthique. Mais le business est lucratif. Comme souligné par le Département fédéral des affaires étrangères, des 200’000 tonnes de chocolat produites en Suisse près des trois-quarts partent à l’étranger.

Techniquement parlant, un chocolat ne se compose que de deux ingrédients : de la pâte de cacao et du sucre. Et encore, ce dernier peut être réduit à la portion congrue.

Et le chocolat au lait ?

Le chocolat au lait est tout aussi peu réglementé avec un seuil de cacao fixé à 20% et 20% de lait en poudre. A noter que, tout comme pour le chocolat noir, la définition ne prohibe pas l’ajout d’autres graisses végétales, à l’instar de la lécithine de soja. Seules les graisses animales autres que le lait sont interdites. Cela permet également d’avoir des chocolats au lait… d’ânesse, de chèvre, etc.

Le chocolat suisse est plus réglementé que le chocolat noir
Au pays du chocolat, l’appellation suisse est plus réglementé que celle de chocolat noir.

Étonnement, cette définition signifie que remplacer le lait traditionnel par des laits végétaux — soja, amande, coco — font de ces tablettes végétariennes des chocolat noirs. De même, selon cette règle, le chocolat rubis qui contient du cacao et du lait en poudre est légalement un chocolat… au lait. Pourtant, la classification gustative des chocolats distingue le rubis et les chocolats lactés végétaux.

Pourcentage de cacao légal du chocolat blanc

Légalement, si le chocolat blanc est mentionné sous son nom habituel, il est pourtant mis dans une catégorie à part. Ainsi, il est définit comme un « produit obtenu à partir de beurre de cacao, de sucres et de lait ou de produits à base de lait ». Ce ne serait donc pas du chocolat à proprement parler selon l’administration ! Pour être appelé chocolat blanc (sic !), le produit en question doit contenir au moins 20% de beurre de cacao et 14% de lait. Le beurre de cacao n’est donc pas un produit lié au cacao pour les bureaucrates.

Tout comme le rubis assimilé au lait, le chocolat blond n’est autre qu’un chocolat blanc légalement. Le fait qu’il soit caramélisé ne changeant rien à sa composition. Les appellations chocolat blond ou chocolat dulcey deviennent même illégales…

Définition légale du chocolat suisse

Pour être appelé suisse, le chocolat doit avoir été intégralement fabriqué en Suisse à partir de la transformation des fèves de cacao. A mon avis, cette définition est problématique. Ainsi, une tablette simplement moulée en Suisse à partir de chocolat de couverture suisse peut être vendue avec la mention chocolat suisse. Le chocolatier qui appose cette mention entretien potentiellement le flou sur le fait qu’il a lui-même fabriqué le produit de A à Z.

réglementation chocolat suisse
L’utilisation de la dénomination « chocolat suisse » est bien encadrée, en revanche, l’ajout de « pur » n’est qu’un argument de marketing.

Heureusement, la définition de chocolat suisse ne se borne pas uniquement à sa dimension légale. Outre son histoire, le chocolat helvétique porte aussi un style et une approche. Les producteurs bean-to-bar du pays illustrent à merveille cet esprit ou génie helvétique comme on dit ici. Particularité croustillante, le cadre légal suisse définit… le chocolat à la double-crème.

Et le sucre ?

Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas de prescription explicite pour le sucre. Que ce soit pour sa provenance ou sa quantité. Le maximum autorisé n’est contraint que par la part minimale de cacao. Vu les faibles pourcentages, cela représente beaucoup de sucre, jusqu’à 65%. C’est-à-dire 65g sur une tablette de 100g, alors que la recommandation journalière de l’OMS en la matière est de 25g…

Chocolat cascara par Baiani de Bahia au Brésil

Chocolat cascara de Baiani
  • Fèves : mélange d’hybrides de forastero et trinitaro en agroforesterie
  • Producteur de cacao : Vale Potumuju
  • Origine : Fazenda Santa Rita, au sud-est de l’Etat de Bahia au Brésil
  • Pourcentages : 56%
  • Inclusion : fruits de caféier séchés (cascara)

Notes de dégustation du chocolat cascara de Baiani

La robe chocolat tire vers le gris de maure et donne un aspect presque mat à la tablette. Le nez est très chocolat avec de légers accents fruités. La casse est brève et discrète, le croquant sonore. En bouche, les notes fruitées entrent directement en scène, suivies par une texture pâteuse inattendue. En fondant, une pointe cacaotée distille les mêmes notes fruitées qu’au nez, mais plus claires. La légère acidité s’accompagne de notes de réglisse et de cardamome sur une trame aux impressions vertes. Équilibrée, la longueur diffuse des notes de miel qui arrondissent un profil gustatif assez atypique.

Le petit plus : Alternez mâchonnements et fonte du chocolat pour déployer un maximum de saveurs.

Chocolat cascara de Baiani
Chocolat à la cascara de Baiani

La rencontre de deux fruits tropicaux

Souvent, le café s’associe au chocolat. Que ce soit sous forme de tablette ou de truffe, les deux produits se marient bien et partagent une historie comparable en terme de géographie. Ce que beaucoup ignorent, c’est que la graine de café, tout comme la fève de cacao, pousse dans un fruit, dans ce cas, la cerise de café. Même si le grain de café est entouré de peu de chair, au Brésil, cette matière est séchée et valorisée pour être consommée. Sous cette forme, la cerise de café s’appelle la cascara. Ainsi, Baiani incorpore la cascara dans ce chocolat en un hommage à la culture brésilienne.

Graine de café et chaire de la cerise de café
Graines de café et chair de la cerise de café. Crédit : Ceazar77 via Wikipedia.

Bien que les apparences laissent croire que ce chocolat soit au café, gustativement, rien ne le laisse présager. En revanche, il est intéressant de noter que la richesse de l’expérience sensorielle se rapproche de la palette offerte par les cafés artisanaux de qualité. Une approche à mettre en perspective avec l’accord thé et chocolat.

Couleur chocolat, 50 nuances de noir

Nuancier couleur chocolat "Choctone" Crédit: Ramses Schweizer

Quelle est la couleur du chocolat ? Ben noir, non ? Éventuellement brun, voire blanc ou rose. Les comiques répondront couleur chocolat. Quant aux pédants, ils corrigeront de suite en précisant qu’on ne dit pas la couleur du chocolat, mais, comme pour un vin, on parle de sa robe… Certes, mais cela ne nous avance en rien pour décrire la couleur d’une tablette. Mais au fait, à quoi ça sert de décrire la couleur d’un chocolat ? Sortez vos nuanciers, je vous propose de découvrir les coulisses colorées du chocolat.

Le chocolat noir… est rarement noir

Comme une évidence et pourtant… Le chocolat noir est rarement noir. Il se pare généralement de nuances de brun, Une couleur dont on a peu l’habitude d’examiner les teintes et variations. Un peu de pratique est nécessaire. Commencez simplement par noter si la robe est plutôt claire ou sombre. Un exercice assez facile, surtout si vous classez plusieurs morceaux de chocolat, et qui permet de se faire l’œil.

L’intensité de la couleur n’est qu’une dimension de la robe. Il est possible aussi de caractériser le type de brun : plus ou moins chaud, teinté d’une autre couleur, etc. L’étape la plus difficile consiste à mettre des mots sur la couleur. Rassurez-vous, à moins d’utiliser un nuancier étalonné, les définitions sont rarement absolues. Il s’agît donc d’apprivoiser les grandes familles et ensuite de se faire son propre dictionnaire.

Palette de bruns
Exemple de palette de bruns pour s’inspirer. Crédit : Pinterest

A quoi ça sert ?

Pour améliorer ses capacités sensorielles, l’objectif est simplement d’avoir une aide. Les mots permettent de nommer une sensation visuelle et de s’en souvenir plus aisément ou de la noter. C’est particulièrement utile, lorsqu’on ne dispose pas d’un nuancier. D’ailleurs, je n’ai encore rencontré personne utilisant cet outil pour examiner un chocolat…

Au-delà de l’aspect sensoriel, c’est aussi une méthode pour se faire une première idée quant au chocolat. Sans le goûter, à sa couleur et en sachant le type de fèves et de tablette, il est ainsi possible de savoir si un chocolat a été plus ou moins torréfié, s’il a été correctement tempéré, etc. Pour ma part, j’utilise souvent la robe du chocolat pour confirmer ou pondérer mes impressions gustatives quant à la façon dont un cacao a été travaillé par l’artisan bean-to-bar.

Couleur du chocolat… blanc, rubis, blond

A ceux qui trouvent le brun monotone, qu’ils se rassurent. Avec les chocolats blanc, blond, rubis ou encore auxquels on a ajouté du thé vert ou tout autre produit ayant une teinte marquée, tout est possible ou presque. L’exercice est alors le même que pour le chocolat « brun ». Le chocolat blanc devient ivoire, blanc cassé, couleur beurre. Le blond se pare de nuances caramel ou ocre. Le rubis de rose poudre. Et ainsi de suite…

C’est d’ailleurs un terrain d’expérimentation que plusieurs producteurs explorent avec délice. Une des tablettes les plus surprenantes que j’aie goûtée est un chocolat blanc d’Omnom… à la robe noir de jais ! Un chocolat blanc noircit grâce à l’ajout de charbon actif pour souligner le caractère volcanique du sel islandais et des graines de malt grillées qui composent cette création. Au-delà de la surprise, ce jeu coloré perturbe les sens et attise la curiosité. Le résultat est un chocolat aux saveurs iodées improbablement addictives.

Omnom Black n'burnt, un chocolat blanc... tout noir
Omnom Black n’burnt, un chocolat blanc… aussi noir que le charbon. Crédit : Omnom.

Robe = couleur du chocolat ?

Non, la couleur n’est qu’une dimension liée à la robe du chocolat. En effet, la couleur ne représente qu’une teinte. Pour rendre compte de l’entier de l’aspect visuel d’une tablette, il faut aussi prendre en compte la façon dont elle joue avec la lumière. C’est le brillant. Un chocolat noir bien tempéré sera plus lisse et brillant. Très brillant, il indiquera aussi s’il contient beaucoup de beurre de cacao. Une estimation à pondérer avec l’impact produit par la forme du moule.

Tout cela peut sembler très subjectif. C’est tout à fait juste. D’une part, la perception des couleurs varie d’une personne à l’autre, donc n’ayez crainte si vous ne tombez pas d’accord sur une couleur. D’autre part, la lumière à laquelle vous dévorez du regard votre chocolat joue aussi un rôle important. En ce qui me concerne, je préfère examiner mes chocolats à la lumière du jour indirecte, près d’une fenêtre donnant au nord.

Photo principale : avec l’aimable autorisation de Ramses Schweizer, droits réservés.

Chocolat Quillabamba par Orfève de Genève en Suisse

Chocolat Quillabamba d'Orfève
  • Fèves : chuncho bio
  • Producteur de cacao : non-mentionné
  • Origine : province de La Convención, département de Cuzco, au centre du Pérou
  • Pourcentages : 70%
  • Transformation : torréfaction 43 minutes à 104°C et 72 heures de conchage
  • Millésimes : 2021 pour la torréfaction intense, inconnu pour l’autre

Notes de dégustation du chocolat Quillabamba d’Orfève

La robe entre le marron et le bistre est relativement claire. Le nez intense distille des notes de fruits secs et d’épices douces. La casse est relativement sonore pour une tablette fine et le croquant fuyant. En bouche, le fondant déploie une belle succession de notes intenses. Défilent des impressions de raisins secs, de noisette, puis un mélange d’épices rondes. La parade se termine par une pointe de myrtille, très légèrement tannique. La longueur est belle avec des notes de miel d’acacia, d’épices et une astringence maîtrisée. Le tout donne une impression intense et équilibrée.

Chocolat Quillabamba d'Orfève
La tablette de chocolat Quillabamba d’Orfève sait jouer avec les sens. Un délice.

Le petit plus : Si les jeux de lumière de la tablette sont captivants, pour profiter au mieux de la robe de ce chocolat, retournez-le. De même, en bouche, essayez-le en alternant les côtés lisse et texturé sur la langue. Qui a dit qu’on ne joue par avec la nourriture ?

Hommage au travail de l’artisan

Ce chocolat Quillabamba par Orfève est le parfait exemple de ce qui fait la qualité du travail artisanal. Des produits d’exception, ici les fèves chuncho, alliés une maîtrise du savoir-faire qui permet à l’artisan d’imprimer sa patte sur le produit final. Cette approche se traduit également par une grande transparence. Ainsi, Orfève indique non-seulement le type de fèves et leur origine, mais aussi comment elles ont été travaillées. S’il fallait pinailler, ne manque que la mention du producteur/sourceur et du prix payé pour le cacao.

Avec le temps, Orfève a su créer son style. Des premières tablettes qui mettaient l’accent sur l’intensité, leurs dernières créations ont gardé le caractère, tout en distillant avec finesse les saveurs les plus subtiles. Joli travail dont je me réjouis de continuer à suivre l’évolution.

Chocolat Quillabamba d'Orfève
Son plus grand défaut est aussi un avantage : une fois ouvert, le chocolat est difficile à remettre dans son emballage, la solution est de finir la tablette…

A titre de comparaison, ces mêmes fèves sont aussi interprétées par Qantu. La richesse sensorielle est similaire, mais le caractère de la tablette est complètement différent. Si vous avez l’occasion de comparer les deux chocolats, c’est un excellent moyen pour comprendre toute la valeur du travail des artisans et comment chacun exprime son style.

La note du sommelier
Le motif de la tablette subjugue les regards. Caroline et François-Xavier ont voulu ainsi faire un clin d’œil aux cadrans guillochés des montres genevoises qu'ils connaissent bien. Au-delà du visuel unique, loin des tendance vues et revues, c'est aussi et surtout une approche très intéressante d'un point de vue sensoriel. Preuve en est que le moule d'une tablette impacte également  la dégustation du chocolat.