Tempérage du chocolat, qu’est-ce donc ?

Le tempérage du chocolat n’a rien à voir avec la modération des excès d’humeur. Pourtant, longtemps en Europe, le cacao servait de remède médical aidant à équilibrer les flux vitaux, les « humeurs ». C’est de là que vient l’usage démodé du verbe tempérer lorsqu’il est utilisé pour un liquide : tempérer un sirop avec plus d’eau. Dans le cas de la production de chocolat, il s’agît de tempérer la masse de chocolat lorsqu’elle est encore liquide, avant qu’elle ne se cristallise. Mais pourquoi ? Le chocolat aurait-il des ardeurs répréhensibles ?

Le chocolat, ce cristal qui s’ignore

Une des propriétés fondamentales du chocolat est sa capacité à fondre en bouche. Le gras naturellement présent dans le cacao, appelé beurre de cacao lorsqu’il est extrait, est responsable de ce fondant. En effet, s’il est solide à température ambiante, d’où son nom, le beurre de cacao fond complètement à partir de 36,3°C, soit moins que notre température corporelle. Toutefois, le beurre de cacao et donc le chocolat peut commencer à fondre bien plus tôt, dès 17,3°C. Cette variabilité s’explique par le fait que lorsqu’il se solidifie, un peu à la façon des flocons de neige, le beurre de cacao peut se cristalliser en différentes formes.

Au nombre de six, les différents types de cristaux de beurre de cacao se forment spontanément au fur et à mesure que la masse de chocolat refroidit. Au contraire, les chocolatiers cherchent à obtenir une masse homogène constituée essentiellement de la forme dite β2. Le but de cette uniformité est d’assurer une expérience sensorielle optimale.

Courbe tempérage chocolat
Courbe de variation de la température pour réaliser le tempérage du chocolat noir. Les chocolats au lait et blanc ont un creux légèrement plus bas et remontent également moins, respectivement, d’un et deux degrés.

Afin d’obtenir un chocolat avec du beurre de cacao uniformément cristallisé, il faut chauffer la masse selon une courbe de température déterminée. Ainsi, en montant l’ensemble à plus de 50°, le beurre est complètement liquide, sans aucun cristal. Puis, en abaissant d’un degré par minute la température jusqu’à 22°, la création de cristaux commence. Afin d’éviter que les autres formes non désirées apparaissent, le mélange est ensuite réchauffé à 31°, ce qui permet de faire fondre ces autres cristaux, sans altérer ceux souhaités de type β2, plus résistants. Ne reste ensuite plus qu’à couler le tout dans un moule et le laisser refroidir. Le chocolat est tempéré. La température et les variations dépendent du type de chocolat : noir, au lait, blanc, etc.

Pourquoi tempérer le chocolat ?

Grâce à l’uniformité des cristaux de beurre de cacao, le chocolat bien tempéré résiste mieux aux températures plus chaudes. C’est-à-dire entre 20 et 25°C. Attention, si votre tablette fond à ces températures, cela ne signifie pas qu’elle a mal été tempérée. D’autres paramètres influent aussi sur sa résistance, dont les conditions de conservation. De même, le but est aussi de minimiser le risque de blanchissement du chocolat. En effet, le gras du cacao est à l’origine de ce phénomène. Il peut se séparer de la masse pour migrer en surface où il produit ce film blanc. Toujours comestible, le chocolat perd néanmoins de ses qualités sensorielles. Effectivement, une bonne partie des notes les plus volatiles sont retenues par ce gras. C’est pourquoi un chocolat blanchi semblera « plat », sans saveur.

L’influence du tempérage du chocolat sur son aspect

Montre-moi ton chocolat et je te dirais comment tu tempères. Si un bon tempérage assure une meilleure tenue du goût du chocolat dans le temps, il lui donne surtout son aspect brillant. Un chocolat qui joue avec la lumière est a du lustre est bien tempéré. Au contraire, mal tempéré, il sera plus mat. Dans le cadre des concours, l’examen visuel permet d’évaluer cet élément technique.

Chocolat après tempérage
Chocolat brillant à la casse franche. Photo de Elena Leya via Unsplash.

Casse et croquant

Lors de la dégustation du chocolat, une autre caractéristique influence notre perception : le son. En effet, la casse et le croquant jouent un rôle important, ne serait-ce que par leur côté madeleine de Proust. De par son impact sur la structure du chocolat, le tempérage affecte également ces caractéristiques.

Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont pas conduit de recherches poussées pour étudier le rôle du tempérage sur la casse et le croquant, souvent considérés comme des caractéristiques de second plan. Pourtant, il est clair que le tempérage influence les propriétés physiques du chocolat, à l’instar de la friabilité.

Le tempérage du chocolat, un savoir-faire artisanal qui se perd

Aujourd’hui, le tempérage est quasiment inratable, car automatisé. Dans les faits, pour ne pas avoir de mauvaises surprises, il est préférable de tempérer dans un environnement à l’humidité contrôlée. Ce paramètre joue parfois des tours aux producteurs moins bien équipés, travaillant dans des environnement très humides ou se lançant dans le métier. De même, les conditions du moulage impactent aussi le résultat final.

Tempérage du chocolat à la main
Tempérage du chocolat à la main. Crédit photo Valrhona

Toutefois, par le passé, la masse de chocolat était travaillée à la main sur une table en marbre. L’artisan versait alors le chocolat fondu à 50° sur un plan de travail en pierre pour baisser sa température, avant de le replonger au bain-marie. Tout l’art de ce savoir-faire consiste à travailler la masse à l’aide de spatules pour l’étaler ou la ramasser. Le procédé permet de contrôler la vitesse à laquelle le tout refroidit. Si un thermomètre donne facilement la température, les chocolatiers les plus aguerris travaillent sans. Ils surveillent alors l’aspect du mélange. Un savoir-faire que peu maîtrisent encore.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *