Évaluer la qualité du chocolat, comment font les professionnels ?

Que ce soit pour un chocolatier qui se lance, pour un nouveau produit ou dans le cadre d’un concours, on me demande régulièrement un avis. Mais alors… comment évaluer la qualité du chocolat ? Il existe plusieurs façons de le faire, chacune répond à un besoin spécifique. Elles sont généralement complémentaires. En plus de vous présenter ces approches, le but est de démystifier, un peu, le travail des professionnels pour comprendre les limites et la valeur de leur apport. Aussi l’occasion de vous sentir légitime à questionner ce que vous goûtez en tant que consommateur.

Les concours chocolatés

Les concours représentent un cadre particulier pour évaluer la qualité du chocolat. Généralement, chaque concours dispose de sa propre échelle de notation. Ainsi, les éléments fréquemment évalués sont l’équilibre gustatif, le respect des consignes (par exemple le type d’ingrédients), la réalisation technique, l’apparence, etc. Certains utilisent une notation sur 100, d’autres sur 20, ou encore simplement un classement. En outre, les consignes d’évaluations sont plus ou moins précises ou au contraire laissées à l’appréciation de l’évaluateur.

Certains concours proposent des évaluations durant lesquelles un jury se réunit. Selon les résultats, le jury délibère pour s’accorder sur certains critères ou décider de la disqualification d’un chocolat. Quoi qu’il en soit, une partie non négligeable du résultat dépend également du nombre et de la qualité des autres candidats. En effet, il est plus facile de se distinguer avec un bon chocolat parmi d’autres produits médiocres, alors que face à des productions exceptionnelles, il sera simplement correct. Il y a donc toujours une part de chance.

La composition du jury est censée pondérer en partie les aléas. Un panel d’experts ayant l’habitude des évaluations diminue certains risques de subjectivités. De la même façon, la variété des membres du jury permet d’éviter la subjectivité. Toutefois, d’un point de vue de la procédure même, l’évaluation est relativement simple. Il s’agît de goûter des échantillons anonymisés et de les noter selon une grille.

Évaluation de la qualité du chocolat par le jury du concours
Évaluation de la qualité du chocolat par un jury studieux.

Comment évaluer la qualité du chocolat d’un point de vue commercial ?

D’un point de vue commercial, l’évaluation est complètement différente. D’une part, l’objectif n’est pas le même. Le but est de donner un avis sur des éléments liés à la production, les coûts et la vente. Pour la production, il s’agît de donner une perspective externe sur le travail. Le potentiel de ces fèves est-il pleinement exploité ? Quelle est l’expérience sensorielle ? Pour les coûts, il s’agît d’évaluer la qualité perçue du chocolat. Le prix du produit correspond-il au packaging, au positionnement, à la richesse gustative, etc. Quant à la vente, il s’agira de définir si un chocolat correspond aux habitudes gustatives d’un marché donné, à son positionnement par rapport aux concurrents sur ce marché et si son prix est en accord.

D’autre part, la méthodologie va aussi complètement différer. En effet, pour une évaluation réussie, le producteur fournira un maximum d’informations sur son chocolat. De même, les éléments à prendre en compte varieront selon les objectifs. L’expert peut poser des questions et adapter son évaluation sur la base de ces échanges. Généralement la personne qui évalue a besoin de plus de temps pour faire son travail. Cette expertise demande aussi des compétences plus pointues tant gustativement pour être en mesure de comparer de nombreuses références, que commercialement et techniquement. A noter que les évaluations industrielles sont généralement conduites par plusieurs acteurs, notamment un panel de consommateurs, des ingénieurs agroalimentaires, etc.

Et personnellement ?

A titre individuel, tout est possible. Vous pouvez tout à fait vous amuser à faire un concours du meilleur chocolat jugé entre amis. Vous serez surpris à quel point le jeu vous permettra aussi d’en apprendre sur vos propres goûts. De même, vous pouvez vous aider de mon guide de dégustation pour évaluer les différentes caractéristiques sensorielles du chocolat.

Un autre jeu consiste à déguster le même chocolat à différents moments de la journée, par exemple avant et après un repas, ou encore à l’aveugle. Les résultats de vos évaluations seront radicalement différents. Personnellement pour mitiger ces variations, j’évalue les chocolats dans des conditions les plus similaires possibles. Au clame, le matin à jeun, dans une pièce orientée au nord pour un éclairage uniforme. Une approche fastidieuse, mais qui m’a permis de beaucoup progresser, jusqu’à pouvoir devenir un expert.

Morceaux de chocolat à évaluer lors d'un concours
Morceaux de chocolat à évaluer lors d’un concours lors du Rallye du chocolat de Zurich.
La note du sommelier
Lors d'évaluations ou de concours, plusieurs observations m'ont fait sourire. Premièrement, la dégustation à l'aveugle est un exercice plus difficile qu'il n'y paraît. J'ai vu plus d'un professionnel se tromper dans la description des ingrédients qu'il était certain d'avoir identifié. A l'inverse, d'autres moins versés dans l'exercice se montraient très hésitants, alors qu'ils avaient vu juste. Deuxièmement, les chocolatiers professionnels "classiques" sont parfois perdus dans le monde du bean-to-bar. Peu habitués à certaines saveurs, ils ont de la peine à s'éloigner des standard en terme de torréfaction ou de conchage. Troisièmement, même avec beaucoup d'expérience, il reste toujours une part de subjectivité qu'on arrive certes à quantifier, mais dont on ne se défait jamais complètement.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *